“J'en ai parlé, ils (sous-entendu le Ministère du Travail) l'ont fait" a annoncé Muriel Pénicaud en introduction de la conférence de presse organisée pour le lancement du code du travail numérique. Ce dernier, qui prend la forme d'une application gratuite, vise à rendre accessible "la mécanique complexe du code du travail" qui empêche aujourd'hui aux salariés comme aux employeurs de connaître leurs droits et leurs devoirs.
Rendre le droit accessible à tous
La genèse du projet est apparue dans une ordonnance de septembre 2017 sur le renforcement du dialogue social et entre dans le champ de la réforme dite du code du travail. Deux ans et demi après, "un nouveau service public prend vie" estime Muriel Pénicaud.
Mené par une startup d’Etat, le projet a mobilisé une équipe pluridisciplinaire d'une dizaine de personnes (développeurs, datascientist, designer d’expérience, juriste, inspecteur du travail). Des salariés, des employeurs mais aussi des praticiens du droit ont également été sollicités durant l'élaboration du système.
La difficulté a été double pour les porteurs de projet : répondre à un besoin de vulgarisation tout en individualisation au maximum les réponses. Le résultat est plutôt encourageant. Les informations sont compréhensibles par les non-initiés à la subtilité du droit et un glossaire vient expliquer les termes les plus complexes. "C'est une question de démocratie que de rendre cette information accessible à tous" a souligne la ministre du Travail.
L’ensemble du contenu, soit 11 000 articles et 30 000 textes issus des conventions collectives, a été rédigé par des agents du service “renseignements en droit du travail” puis validé par le ministère du Travail. À destination des patrons et des salariés du secteur privé, la version numérique devrait séduire plus de monde que la version papier, notamment grâce à l’individualisation des réponses.
Des réponses au cas par cas
Répondre, c’est bien, apporter une solution, c’est encore mieux. Voilà un peu le principe de la plateforme où les usagers pourront effectuer des recherches ou piocher des informations dans les 9 grands thèmes abordés (embauche et contrat de travail, santé et sécurité, indemnités de licenciement…). "Les équipes se sont focalisées sur les questions qui revenaient le plus auprès des administrations. Les cas les plus pointus ne trouveront peut-être pas la réponse" concède la ministre du Travail avant de souligner l'individualisation de l'expérience.
En effet, la plateforme n’analyse pas seulement le code du travail mais prend également en compte les conventions collectives et les accords de branche. En cas de méconnaissance de ceux qui régissent sa situation, le salarié n'a qu'à entrer le nom de son entreprise pour disposer de l’information.
Pour rendre les choses plus concrètes, le dispositif est complété par une boite à outils permettant de calculer les indemnités de fin de CDD, transformer un salaire brut en net, consulter un compte de formation ou trouver les documents nécessaires à certaines démarches.
Un petit bémol est à souligner, seules les conventions collectives des 50 branches professionnelles principales sont prises en compte, soit 78% des salariés.
Une première étape vouée à évoluer
Ce premier jet devrait s’améliorer au cours des mois et des années à suivre pour traiter des sujets comme la période d’essai."Nous avons la matrice, le serviciel augmentera par la suite mais il y a encore beaucoup de travail à faire et de datas à construire" a reconnu la ministre du Travail.
Tout comme la société, le code du travail doit évoluer et se digitaliser. Mais ce processus ne plait pas à tout le monde. "Si la dématérialisation des services publics est un plus pour certaines personnes, elle contribue à en exclure d'autres fortement et cela risque d'amplifier le non recours aux droits", a appuyé Elsa Hajman, responsable du pôle inclusion sociale à la Croix Rouge. Une réflexion qui renvoie, encore une fois, à la fracture numérique dont les gouvernements successifs parlent beaucoup sans réussir à y répondre complètement.