En 2019, la France a franchi le seuil symbolique des 2000 enseignes franchisées et des 75 000 franchisés, selon l'Observatoire de la Franchise. Pourtant, alors que les startups tiennent le haut du pavé médiatique, les franchises pâtissent de préjugés persistants. "La franchise est trop souvent perçue comme un sous-entrepreneuriat", atteste amèrement Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF). La faute à l'image de self-made wo·man à laquelle les entrepreneur·e·s sont trop souvent cantonné·e·s, qui tranche avec celle d'un·e franchisé·e dépendant·e d'une maison-mère qui déciderait de tout. Alors, les franchisé·e·s sont-ils et elles des entrepreneur·e·s comme les autres ?
C'est un grand oui pour la DG de la FFF, qui estime que la franchise est "efficace et rapide, un mode d'entrepreneuriat qui correspond aux exigences modernes des créateurs d'entreprise". On l'oublie trop souvent mais un·e wannabe entrepeneur·e peut tout à fait se lancer via la franchise... et cela ne l'exonère pas de créer son entreprise ! En effet, la franchise est un contrat conclu entre deux entités juridiques : d'un côté, la maison-mère qui loue sa marque et partage son expertise avec le ou la franchisé·e, de l'autre, l'entreprise du ou de la franchisé·e qui se voit "prêter" l'enseigne du franchiseur. Les franchisé·e·s sont donc, d'abord, des créateurs et créatrices d'entreprise...
Ainsi, comme tout·e entrepreneur·e, ils doivent réaliser un business plan, qui leur servira à la fois de fil conducteur financier et commercial pour leur activité mais aussi de base de discussion avec le franchiseur, ainsi que de référentiel pour la recherche de financements, notamment bancaires. Ils doivent aussi déterminer quel statut juridique choisir afin de développer au mieux leur activité.
Au quotidien, la gestion d'une entreprise
"Entrer dans l'entrepreneuriat via une franchise, cela revient à débuter son activité en phase de déploiement plutôt qu'en phase de test, résume Véronique Discours-Buhot. L'entrepreneur bénéficie des itérations déjà effectuées par d'autres puis alimentent lui-même le modèle avec ses savoir-faire et ses compétences." En effet, comme n'importe quel chef·fe d'entreprise, le ou la franchisé·e est maître·sse en sa demeure : il ou elle gère le compte de résultat de l'entreprise, embauche et emploie des salariés, décide de la stratégie à adopter pour faire croître sa société. "C'est moi qui pilote le centre, confirme Karell Gillard, à la tête du centre nantais d'apprentissage de l'anglais Helen Doron. Je souhaitais m'appuyer sur une méthode qui avait déjà fait ses preuves et bénéficier du soutien d'un franchiseur et d'autres franchisés. Mais je gère au quotidien l'établissement." Certain·e·s franchisé·e·s sont même des serial-entrepreneur·e·s, à la tête de plusieurs établissements franchisés.
Bref, ils sont des entrepreneurs comme les autres... ou presque ? Tout dépend de la définition que l'on en fait ! L'entrepreneur·e est-il un·e chef·fe d'entreprise ? Le Larousse répond factuellement à la question :
Mais le terme d'entrepreneur·e renvoie de plus en plus communément à un créateur ou une créatrice d'entreprise, au sens d'innovateur ou innovatrice. L'entrepreneur·e crée un concept, un produit ou un service, et assume les risques qui y sont liés. Celles et ceux choisissant de devenir franchisés ne répondent donc pas à cette dernière définition. "Un franchisé entre plus rapidement dans la fonction de patron", confirme la déléguée générale de la FFF.
Un moindre risque ?
La franchise constitue t-elle cependant le risque zéro de l'entrepreneuriat ? Loin de là, à en croire Yasmine Hamraoui, directrice associée d'Impact Partners, qui a lancé en 2017 le fonds Impact Création dédié aux franchisés. "La franchise permet de s'adosser à un modèle économique existant. S'associer à une enseigne ou une marque dérisque en partie la création d'entreprise mais l'entrepreneuriat est toujours un pari risqué", souligne l'investisseure. "Franchiseurs comme franchisés prennent un risque", appuie Véronique Discours-Buhot. En effet, le franchiseur prête sa marque et court donc le risque de la voir entachée si un franchiseur se plante ; de leur côté, les franchisé·e·s assument le risque financier.
Et celui-ci est important. Le capital de départ à mobiliser comprend non seulement le droit d'entrée, nécessaire pour pouvoir utiliser l'enseigne du franchiseur, l'aménagement du local et l'achat du matériel mais aussi le stock de départ et le besoin en fonds de roulement qui diffèrent selon les activités. Selon une enquête CSA pour la FFF et Banque Populaire, réalisée en 2018, 42% des franchisés déboursent plus de 100 000 euros pour l'investissement de départ. Un tiers débourse moins de 50 000 euros. Un coût cependant bien supérieur aux quelque 400 euros nécessaires pour débuter une activité dématérialisée - ce que sont de nombreuses startups. Reste que la franchise permet tout de même aux entrepreneur·e·s de s'épargner le coût des premières itérations liées à la conception de leur produit ou service, ce qui amène la déléguée générale de la FFF à qualifier de "dérisoire" le coût d'une franchise par rapport à la création d'une entreprise classique.
Alors, les franchisé·e·s, véritables entrepreneur·e·s ou pas ? "Gérer une franchise nécessite des qualités d'entrepreneur·e", atteste Yasmine Hamraoui. Véronique Discours-Buhot va même plus loin : "la franchise permet de se lancer très vite, ce qui est le concept même d'une startup ; le franchisé a ensuite son destin en main". La franchise, la nouvelle startup ? Chacun·e aura son avis sur la question. Ce qui n'empêche pas le nombre de franchises et de franchisé·e·s de croître chaque année depuis 1993.