Marketeuses dans la mode, le retail et la cosmétique, Lucie Soulard et Estefania Larranaga se sentaient gênées par la surconsommation qu’elles pouvaient observer. Elles ont alors commencé à chercher une manière de " réintégrer cette notion de responsabilité et d’allongement de la durée de vie du produit dans leur travail " explique Lucie Soulard, une des cofondatrices. C’est ainsi que le concept de Place2swap est né. Loin d’être une simple plateforme de revente de produits d’occasion, il s’agit d’un outil pour " accompagner les marques dans la transformation de leur modèle et leurs démarches de responsabilité ".
Concurrencer Vinted en misant sur la notoriété des marques
Place2swap est une solution digitale qui peut se plugger sur n’importe quel site e-commerce. Grâce à elle, les marques peuvent récupérer les données de leurs clients, gérer leurs retours, leurs invendus et offrir un service de revente et d’achat de seconde main à leur communauté. " Plutôt que de laisser un Vinted utiliser l’image des marques, nous proposons à celles-ci de reprendre la main sur leur relation avec leurs clients tout en optimisant le cycle de vie de leurs produits " explique Lucie Soulard.
Les retours constituent un véritable fléau et un gouffre financier pour les entreprises e-commerce. Avec Place2swap, les clients pourront choisir de revendre les pièces qui ne leur conviennent pas plutôt que payer des frais de retour par exemple. Les marques pourront également vendre leurs invendus sur la plateforme. Depuis septembre 2019, une loi interdit aux entreprises de brûler ou jeter leurs invendus. Les marques doivent donc trouver des solutions alternatives pour écouler leurs stocks. Les consommateurs pourront, quant à eux, vendre les pièces qu’ils ne mettent plus à prix réduit.
Pour que le principe fonctionne, les fondatrices ont " choisi des marques de mode présentes en e-commerce et bénéficiant d’une communauté déjà mobilisée. Sur les groupes de la marque Sézane, les fans s’échangent ou se revendent déjà des vêtements " souligne Lucie Soulard. La tendance de la seconde main est déjà bien ancrée dans les habitudes des Français. Vinted a d’ailleurs annoncé un volume d’affaires d’1,3 milliard d’euros en 2019. Mais si Place2swap veut concurrencer cette dernière, son modèle diffère par la qualité des photos : "certaines seront issues du catalogue des marques, et du service après vente", qui est pour le coup "quasi inexistant" chez sa concurrente. Celle-ci a, en effet, essuyé quelques critiques sur les abus, les fraudes et les contrefaçons présentes sur sa plateforme.
Assurer un cycle de vie responsable aux produits
En 2019, Place2swap est entré dans le club très fermé des entreprises labellisées B-Corp. Véritable Graal de l’engagement écologique, il constitue " la raison d’être de ce projet et la récompense d’un énorme travail ". Quand elles se lancent dans l’aventure, les deux fondatrices partent de zéro. " Nous avons été précurseurs et avant-gardistes. À l’époque, les marques ne se doutaient pas de de l’ampleur phénoménal de ce marché" reconnaît Lucie Soulard. En réalité, c’est même bien plus, il s’agit " d’une lame de fond qui bouleverse leur manière de faire. Les millenials consomment comme ça, les marques doivent s’adapter, même dans le luxe ". Les manifestations portées par les jeunes cette année témoignent, en effet, de leur envie de faire bouger les choses dans la société. Ils n’hésitent plus à modifier et revendiquer leurs nouvelles habitudes de consommation.
En proposant à leurs clients de revendre des affaires qu’ils ne mettent plus, les marques créent un autre lien avec eux, basé non plus uniquement sur leurs produits mais des valeurs partagées. En leur offrant cet outil, les entreprises s’inscrivent dans une démarche RSE, renforcent leur image de manière positive et s’inscrivent dans une tendance de fond internationale. Richemont a racheté la marque de montres d’occasion Watchfinder et Burberry s’est associé à the RealReal pour se lancer dans l’économie circulaire.
En parallèle, Place2swap travaille sur la poursuite de sa chaîne de valeur. " À terme, nous voulons même aller plus loin en proposant jusqu’au recyclage des vêtements ". Et la boucle sera bouclée.
Booster sa croissance et ses recrutements en 2020
Après trois ans d’existence, l’entreprise a réussi son travail d’évangélisation. Elle travaille déjà avec des marques comme Camaïeu, Bricorama ou encore Histoire d’Or. Un partenariat sera finalisé d’ici la fin du mois avec une plateforme e-commerce pour gérer ses retours, sans parler “des autres partenariats qui sont en cours” confie Lucie Soulard.
" Nous avons choisi de faire appel à des business angels qui connaissent bien les enjeux du secteur et qui pourront nous donner des conseils et nous faire bénéficier de leurs réseaux ". La liste de leurs investisseurs compte, en effet, Stanislas de Quercize ou Coralie de Fontenay dans le monde du luxe, Elisabeth Laville dans la RSE, ou encore Catherine Barba dans celui du e-commerce et du retail. Avec ce tour de seed, la startup veut grandir et accélérer d’un point de vue commercial et technique. " Nous recruterons beaucoup de développeurs pour déployer le plugin chez nos clients et continuer à améliorer constamment notre solution. Nous voulons offrir aux consommateurs des outils et une expérience de haute qualité adaptés à leur manière de faire " ajoute Lucie Soulard.
L’entreprise espère aussi profiter des filiales des marques avec lesquelles elle travaille pour exporter son concept à l’étranger.
Elle se laisse 12 à 18 mois pour réussir ce premier challenge et se lancer dans un nouveau tour de table, en série A cette fois.