Moins nombreuses, mais mieux sélectionnées: après des années de progression constante du nombre de startups françaises au grand salon CES de Las Vegas, la French Tech sera à la diète cette année. Il y a un an, 437 entreprises hexagonales ont exposé dans les différents lieux de la grand-messe mondiale des nouvelles technologies, selon le dernier rapport annuel du consultant Olivier Ezratty.
"En 2013, quand c'était un peu le début de la French Tech, on était à 54 entreprises françaises, on est passé à 200 en 2016, on était à 365 en 2018, 420 en 2019", énumère Paul-François Fournier, à la tête de la direction de l'Innovation de la banque publique d'investissement Bpifrance.
Il est chargé à ce titre du financement des entreprises de la French Tech, un label lancé par le gouvernement en 2013 pour soutenir le secteur du numérique en France, qui a pour emblème un coq rose.
"Là, on pense qu'il y aura plutôt 300 entreprises, ce qui est une preuve de maturité", assure-t-il. "Il y a une réduction de la voilure à plusieurs niveaux qui s'explique par une rationalisation des investissements, la volonté d'avoir une meilleure sélection", abonde Olivier Ezratty, qui table sur 20% des startups françaises de moins qu'en 2019.
"En 2014-2015, c'était important que la French Tech montre ses muscles"
"En 2014-2015, c'était important que la French Tech montre ses muscles parce qu'elle n'existait pas sur le radar de la tech mondiale. Il y a sans doute eu des excès, c'est un peu un retour de balancier", estime de son côté Frédéric Rossi, directeur général délégué de Business France.
L'agence gouvernementale de promotion des entreprises françaises à l'étranger accompagne une vingtaine de startups chaque année à Las Vegas et fédère les délégations françaises présentes sur le salon. Cette année, "on a souhaité mettre un petit peu de rationalisation dans le village gaulois où on avait une présence française qui était très éclatée", explique ce responsable.
Pour nombre de startups, le CES n'a pas été synonyme de succès. A l'image de Bell & Wyson (objets connectés) ou Bluemint labs (reconnaissance gestuelle), environ 40% de celles emmenées par Business France en 2016 ont ainsi mis la clé sous la porte depuis.
Le CES, tremplin incontournable qui ne protège pas de la chute
D'autres ont réussi à se sauver in extremis, comme Leka et son robot éducatif pour les enfants autistes, dont le concept a été racheté par l'association APF France Handicap. Reste que le CES demeure souvent un tremplin incontournable, pour nouer des relations avec des acteurs étrangers, mais aussi français, des nouvelles technologies.
"Souvent, la remarque qu'on nous fait au retour de Las Vegas, c'est: 'J'ai rencontré plein de Chinois, d'Asiatiques, d'Américains, mais j'ai aussi rencontré des Français qui n'étaient pas accessibles pour moi en France'", rapporte ainsi Eric Morand, directeur de la division Tech chez Business France.
Pour que ces contacts ne restent pas sans lendemain, il faut certes se distinguer parmi les 4 500 exposants, mais au-delà, "la partie industrialisation est fondamentale: quand vous avez un magasin qui dit moi ça m'intéresse, je vais vous en commander 5 000, il faut pouvoir les produire, ces 5 000", rappelle Eric Morand.
"C'est une vraie problématique en France, parce que malheureusement, on n'a pas beaucoup d'investisseurs qui sont prêts à mettre de l'argent dans le hardware", dans l'infrastructure de production ou de vente.
Une difficulté que le gouvernement espère dépasser avec la création d'un fonds dédié de 500 millions d'euros, géré par Bpifrance, mais abondé par des investisseurs institutionnels privés, dont certains se sont aussi engagés à investir 5 milliards d'euros supplémentaires pendant trois ans.
En attendant, pour beaucoup d'entreprises, "la facilité c'est de délocaliser en Chine, souvent à 100% et avec des résultats qui ne sont malheureusement souvent pas à la hauteur des espérances", constate Eric Morand. "On a un exemple de société qui avait un petit cube ludique (Cube your life, NDLR) et qui vient de mettre la clé sous la porte parce qu'elle a passé commande à un partenaire en Chine: elle a reçu les produits, il y a des gros défauts dessus, elle n'a plus cash".
Business France pour sa part cherche à montrer aux startups comment accélérer leur industrialisation avec des partenaires français, avec l'objectif de "garder un maximum de valeur en France".
Maddyness avec AFP