Article initialement publié en novembre 2017
La " valeur travail " a bien changé depuis la révolution industrielle. Moins associée aux besoins matériels, du moins dans certains secteurs, elle est plus que jamais synonyme de réalisation personnelle. Les apports du numérique, que l’on observe dans tous les domaines d’activité, donnent une dimension plus importante à cette nouvelle valeur. En encourageant la mobilité, mais également en permettant l’émergence de startups porteuses de projets toujours plus innovants, le numérique change l’image que l’on pouvait avoir du salarié.
L’employé d’aujourd’hui est conscient de sa valeur ajoutée, et recherche bien plus un moteur d’épanouissement et d’émulation qu’un gagne-pain. Il semble d’ailleurs placer son bien-être personnel avant sa réussite professionnelle. Certaines startups ont donc fait du bien-être au travail leur cheval de bataille. Cependant, même dans ce contexte, nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour vers des méthodes de management archaïques.
La startup, une entité ambitieuse mais fragile
Une startup est à la fois l’entité la plus prometteuse et la plus fragile qui soit : son activité, dans un premier temps, dépend des levées de fonds, et son premier chiffre d’affaires est tributaire de la foi qu’y mettront ses prospects. Des deux côtés, elle dépend de la volonté et du soutien d’autrui. La crainte que cela occasionne peut ancrer les managers dans l’urgence permanente, source d’un stress qu’il faut absolument répartir pour ne pas être seul à le porter. Dans ces cas-là, la tentation est grande de jouer sur les peurs des salariés : celle de perdre son emploi ou d’être perçu comme incompétent.
C’est pourtant dans ce contexte précis que les dirigeants doivent se concentrer sur la seule richesse " palpable " de leur entreprise : les collaborateurs. La passion que met un employé dans son travail est une denrée irremplaçable, et c’est la matière première de toute startup, qui par essence a été fondée sur une ambition commune. Que cette ambition soit d’enregistrer chaque année un chiffre d’affaires plus important que le précédent ou de partager des valeurs avec les consommateurs, le principe est le même : une startup, c’est avant tout une aventure collective.
Retrouver le sens du projet commun
Tout au long de son cycle de vie, une startup connaîtra des phases de montées époustouflantes et des chutes tout aussi vertigineuses. Une seule constante lui permettra de se maintenir à flot : un lien de confiance et de solidarité fort et unique entre tous les membres de l’équipe, quel que soit leur niveau hiérarchique. C’est pourquoi les avantages permettant d’offrir une sorte de " bonheur superficiel " à ses collaborateurs – installation d’un babyfoot, d’une salle de pause, commissions et autres bénéfices matériels – échoueront à entretenir durablement la flamme.
En effet, aucun apport matériel ne saurait remplacer la qualité d’une relation nourrie de confiance et tissée dans le temps. D’autant qu’en cas de crise, si l’entreprise n’a pas établi un socle de valeurs solide et inébranlable, ces avantages peuvent rapidement se retourner contre les salariés. Ils deviennent alors un moyen de pression et de culpabilisation. Des méthodes hautement nuisibles, à long-terme, à la pérennité de l’entreprise. Valoriser chaque collaborateur, du stagiaire au manager, rappeler à ses salariés que sans eux, l’entreprise n’en serait tout simplement pas là : telle devrait être la première tâche à laquelle les dirigeants s’attellent chaque jour.
C’est la condition si ne qua none pour donner l’envie sincère à ses employés de continuer à faire grandir l’entreprise : ils ne sont plus poussés par l’unique but de gagner leur vie, mais bien par celui de faire évoluer le projet… et de faire face ensemble aux crises. Cette condition continue de s’appliquer à l’entreprise quelle que soit la taille qu’elle atteint. Il appartient aux dirigeants d’adopter les méthodes nécessaires à la poursuite de cet effort quand le nombre de salariés augmente.
Impliquer ses collaborateurs dans la vie de l’entreprise
De nombreuses entreprises ont compris qu’il était essentiel de consulter leurs employés avant de prendre toute décision concernant l’activité. Néanmoins, cette implication est encore superficielle dans certains secteurs. Pour qu’elle soit efficace, il faut que les salariés se sentent véritablement écoutés. Cela leur donnera le sentiment d’être moralement responsables du projet de l’entreprise, au même titre que les dirigeants. Un sentiment qui ne fera qu’augmenter leur engagement envers le projet.
Dans le monde de l’entreprise en général, mais à plus forte raison dans le secteur des startups, il est plus qu’urgent de restaurer un lien différent au projet collectif. Plutôt que de mesurer une startup à sa seule valeur financière – une valeur volatile et imprévisible – il est vital que nous apprenions à capitaliser sur une valeur quasi-constante, du moment qu’elle est correctement nourrie : l’engagement des salariés envers le projet d’entreprise.
Un dirigeant gagne davantage à passer du temps avec ses collaborateurs pour les écouter, à prendre conscience de leur valeur et à le leur faire savoir. Le résultat s’en ressent au niveau des équipes : un salarié qui ressent chaque jour l’importance de son rôle sera plus enclin à se former lui-même pour monter en compétences. Il est donc grand temps pour les startups de capitaliser sur les vrais trésors dont elles disposent, et qu’elles finissent parfois, au gré des circonstances, par ne plus voir.
Nicolas Naigeon est CEO et cofondateur d'Aveine