La France, startup nation : le mantra d’Emmanuel Macron s'est propagé dans les esprits. Six jeunes sur dix se disent ainsi prêts à créer leur entreprise, selon un sondage OpinionWay. Les grands écoles de commerce ou d’ingénieur ont quasiment toutes intégré des cursus Entrepreneuriat.
Pour autant, être chef d’entreprise nécessite des exigences et des sacrifices qui peuvent amener certains à gâcher leurs points forts en s’épuisant avec des tâches de support. Un petite génie des algorithmes ou de la cancérologie n’est pas forcément un as de la gestion ou du marketing. Or, vous aurez beau concevoir le meilleur produit du monde, votre startup n’a aucune chance si elle ne parvient pas à le faire connaître et à le vendre.
"Il y a certaines choses comme le charisme qui ne s'apprennent pas"
Quand on a suivi une formation prestigieuse ou que l’on a rencontré le succès lors d’une expérience professionnelle, on a vite fait de se croire doué en tout. Hors, "il y a certaines choses qui s’apprennent (comptabilité, gestion…) et d’autres pas, comme le charisme et le gout du risque", temporise David Cohen-Boulakia, directeur de l'innovation chez PwC. "Il ne suffit pas de se dire : je sais coder, j’ai une super idée, donc je vais monter ma startup".
Deuxième écueil : mal mesurer sa motivation. "Être chef d’entreprise, c’est être prêt à discuter, comprendre et analyser les critiques sur son produit 10 fois par jour, passer des heures à améliorer le workflow, simplifier ses maquettes, rediscuter, débattre…", reconnait Jean-Baptiste Delahaye, fondateur de l’ex-startup Laplee, une sorte de Pinterest de l’écran de verrouillage.
"On croit alors être passionné mais au bout d’un moment, on se demande quel est ce petit truc supplémentaire qu’on les autres qu’on n’a pas, qu’on ne devrait pas avoir à chercher", avoue-t-il. Et lorsque les questionnements virent à la remise en cause, l’aventure entrepreneuriale tourne au cauchemar. "Lorsque l’on crée une entreprise, les premières déconvenues peuvent être rapidement dévastatrices sur la confiance, l’image de soi ou les finances", met en garde Sébastien Wolff, le directeur général d'Excelrise. Elles peuvent même tuer une bonne idée."
Développer ses compétences au sein de l'entreprise
La bonne nouvelle, c’est qu’il est tout à fait possible de s’épanouir de beaucoup d’autres manières que dans la création de startup. Les grandes entreprises ont bien compris que la jeune génération n’a plus envie d’être cantonnée à des rapports PowerPoint et d’être enfermée dans une fonction réductrice et monotone. 69% des 18-30 ans préfèrent ainsi un métier avec des missions qui évoluent souvent, selon une étude ManPowerGroup. Mais là encore, attention à ne pas se prendre pour qui l’on n’est pas.
"Il faut distinguer les hauts potentiels, ceux qui restent dans le moule en appliquant
parfaitement ce qu’on leur a appris, et les talents, ceux qui pensent en dehors de la boîte"David Cohen-Boulakia, directeur de l'innovation chez PwC
Ces derniers ne se gèrent pas comme les autres. "Il ont besoin d’un espace de liberté, de temps, mais surtout d’être challengés. Ils ne s’attendent pas à ce qu’on dise oui à toutes leurs idées, mais à ce qu’on se comporte avec eux comme le ferait un investisseur avec un entrepreneur". L’idéal : un job à la carte avec une très grande autonomie et un fonctionnement en mode projet.
De nombreuses entreprises ont aussi développé l'intrapreneuriat, qui permet de piloter un projet tout en restant salarié, ou des incubateurs, pour développer son idée tout en bénéficiant des fonctions support du groupe et d’un coaching personnalisé. Il existe encore bien d’autres moyens de s’impliquer dans le pilotage d’une entreprise sans en tenir les rênes. AccorHotels a par exemple lancé fin 2015 son "shadow comex", un organe miroir du comité exécutif du groupe composé de 13 membres de moins de 35 ans. Lors des réunions bimestrielles, ces derniers apportent un regard critique sur l’entreprise et suggèrent des améliorations.
Transformer une vielle boîte en startup à succès
Si malgré tout vous n’avez pas envie de rejoindre un grand groupe mais que nous hésitez à vous lancer de zéro, une autre possibilité consiste à partir d’une entreprise déjà existante. "Les exemples de reprise d’entreprises par de jeunes startuppeurs sont quasi inexistants alors que ce ne sont pourtant pas les dossiers qui manquent", se désole Sébastien Wolff. 185 000 sociétés sont aujourd’hui susceptibles d’être cédées en France.
Et même si l’activité semble parfois moins glamour que celle d’une jeune pousse dans l’intelligence artificielle ou la voiture autonome, il est très souvent possible d’y appliquer ses propres idées. "Un fabricant de biens d’équipement peut les transformer en objets connectés, sans contact ou avec des éléments robotisés, suggère ainsi Sébastien Wolff. Cela élimine la phase incroyablement chronophage de la création". Attention : il faut quand même disposer d’un réel talent de manageur pour reconvertir et convaincre l’équipe existante.
Bref, nul besoin d’avoir créé un BlaBlaCar pour réussir sa vie. Nul besoin de culpabiliser si vous n’avez pas envie de passer vos nuits le nez dans le Code fiscal. Nul besoin de se transformer en VRP si votre passion est d’aligner les lignes de code. S’acharner sur des tâches pour lesquelles on n’est foncièrement pas fait n’aboutit qu’à la frustration et à l’échec. Ce serait un gros gâchis si vous avez de réelles compétences ailleurs.
Article initialement publié le 27 février 2018