“Tirer le meilleur parti possible de la révolution numérique pour mieux servir les usagers des services de secours”, voilà le pari d’Atraksis, une association créée en 2017 par de jeunes officiers de sapeurs-pompiers. Si les drones et les robots comme Colossus, venu au secours de Notre-Dame, sont déjà utilisés pour localiser des blessés ou entrer dans des bâtisses en flammes, il ne s’agit là que des prémices d’un secteur au potentiel sous-exploité.
Mais comme les entreprises aux process établis et au budget limité, la transformation digitale n’y est pas innée. Pour réussir son pari, l’équipe d’Atraksis a décidé de se concentrer sur trois axes imbriqués et dépendants : la digitalisation, l’intelligence collective et la diversité des profils. "Aujourd’hui, le recrutement se base encore beaucoup sur les bonnes conditions physiques et sur des compétences très (trop) administratives (concours de la fonction publique). Nous pensons qu’il est nécessaire de recruter des profils plus variés en accordant plus d’attention aux softskills” explique Thibaut Reffay. Cette évolution de recrutement pourrait accélérer la transformation, nécessaire, de nos organisations.
À l’instar de certaines entreprises, le secteur du secourisme ne possède pas toujours une culture digitale prononcée. “Le Big data ou l’intelligence artificielle, la réalité augmentée et autres technologies, sont des opportunités pour améliorer la qualité du service rendus à l’usager. Cependant, elles sont encore méconnues et très peu utilisées, c’est pourquoi nous essayons de créer une dynamique, qui faciliterait l’acculturation de services de secours” reconnaît l’officier de sapeur-pompier.
Combattre les stéréotypes pour plus d’intelligence collective
Après une première année à asseoir sa notoriété, l’association signe avec son premier partenaire, la banque coopérative de la Fonction publique Casden, fin 2017. “Nous avions enfin des fonds, ce qui nous a permis de mettre en place des actions plus dimensionnantes au fur et à mesure” souligne Thibaut Reffay.
Dès l’année suivant, l’équipe commence à organiser ses premiers événements, plus particulièrement des conférences sur l’innovation publique, la sécurité civile ou encore l’inclusion. “Ces moments permettent de sensibiliser les différents acteurs” poursuit le sapeur-pompier, heureux d’avoir réussi à “réunir autour de la table différentes organisations publiques (La Gendarmerie Nationale, l’agence du numérique de la sécurité civile, l’agence innovation défense,) ou privés (WAZE, Thales, …) ou encore des acteurs de la transformation publique (DITP, 27eme Région, Liberté Living Lab..) lors de la semaine de l’innovation publique, en 2018 et 2019, et lors du lancement de la dynamique Tech et Secours à Station F, en mai dernier.
Des événements dans deux lieux très différents qui symbolisent l’intérêt que peuvent présenter les deux secteurs, l’un pour l’autre, à la fois humainement, technologiquement et financièrement.
2020, une démarche plus “intrapreneuriale”
Pour 2020, Atraksis a décidé d’aller encore plus loin en lançant deux grands projets : la création d’un Secours Labs et d’une plateforme de remontée d’informations. Ce dernier servira d’agrégateur d’idées et d’espace de dialogue entre tous les membres des services de secours, quelque soit leur place dans la hiérarchie. “ Actuellement, chacun développe son idée dans son coin, il peut y avoir des doublons et donc une dépense inutile d’énergie et de moyens” déplore Thibaut Reffay. Grâce à ce service, des agents pourront co-développer certains projets et s’entraider.
C’est là qu’interviendra le Secours Lab, pensé comme un fablab autant qu’un incubateur. “Nous l’avons imaginé pour faciliter les connexions et la créativité des équipes” poursuit l’officier de sapeur-pompier. Les équipes tech et les secouristes s’y retrouveront pour élaborer des solutions communes et réaliser des prototypes. L’idée est vraiment de pouvoir décloisonner les univers et donner la possibilité et l’envie à chacun de s’exprimer. Comme toujours, les acteurs de terrain sont les plus à même d’identifier les difficultés de leurs métiers et trouver des solutions ou des alternatives pour y palier.
Le projet étant récent, aucun statut d’intrapreneur ou d’extrapreneur n’est encore envisagé. “Des discussions doivent avoir lieu sur le sujet pour savoir quelle place donner à cet engagement, il reste encore beaucoup de choses à faire mais la hiérarchie reste informée de tout ce qu’on fait” admet Thibaut Reffay. L’écosystème startup français, lui non plus, ne s’est pas fait en un jour.
Les conférences se poursuivront d’ailleurs pour renforcer cette culture de la transformation dans les services de secours, “mais nous tenterons aussi d’organiser des événements thématiques en région plus précis comme la réalité virtuelle et la réalité augmentée” conclut Thibaut Reffay, désireux de passer un nouveau cap.
Dans le secteur médical, l’intelligence artificielle ou les objets connectés améliorent déjà la qualité de nos soins. Du côté des forces de protection comme l’armée et la gendarmerie, la technologie s’axe surtout autour de la robotique. Il était inévitable, voire indispensable que les services de secours s’intéressent davantage à la tech pour améliorer leurs conditions de travail et la qualité des soins apportés sur le terrain.