Republication d'un article du 2 décembre 2019
TL;DR - Ce qu'il faut retenir
> La levée de fonds, pourquoi pas mais considérez aussi les alternatives !
> Faites votre due diligence d'investisseurs pour que le match soit optimal
> Soyez davantage fourmi que cigale pour rendre votre business pérenne
> Composez votre propre tableau de bord des indicateurs qui vous semblent les plus pertinents
> Pour votre développement international, préférez les marchés avec une rentabilité rapide
> Recrutez des managers qui sauront prendre votre relais auprès des équipes
> Quand c'est mieux pour votre entreprise... sachez lâcher prise au sens propre du terme !
Ne levez que ce que vous pouvez absorber...
La levée de fonds, so 2010 ? Pas vraiment. Lever des fonds reste une étape importante pour nombre de startups qui voient grand et loin et cherchent les moyens de leurs objectifs. Ceci étant, un tour de table n'a rien d'obligatoire ! Le montant à lever n'est pas un objectif en soi : l'argent doit nourrir la vision de votre entreprise et de votre business, pas votre ego. Prenez donc le temps de vous poser quelques questions avant d'entamer ce marathon qu'est une levée de fonds plutôt que de foncer tête baissée.
D'autant que lever sans en avoir besoin ou lever trop d'argent - ne souriez pas, en cette période trouble d'abondance de capitaux, le risque est réel ! - vous expose forcément à un retour de bâtons à moyen ou long termes : lever à une valorisation inférieure au tour suivant voire ne pas réussir à lever justement parce que la valorisation projetée aura été artificiellement gonflée par ce tour de table trop gourmand mais ne correspond pas à vos réalisations.
Plusieurs solutions s'offrent à vous pour vous éviter de passer par la case levée de fonds : la rentabilité, votre meilleure alliée pour bâtir un projet durable ; d'autres moyens de financement que l'equity, le crowdfunding en don contre don pour de petits montants mais aussi la love money, les aides et subventions ou les prêts bancaires.
> La levée de fonds, oui, mais uniquement dans le cadre d'un business plan bien réfléchi !
... et avec l'investisseur qui vous convient
De votre choix de solution de financement découle nécessairement le choix d'un investisseur. Avant qu'il ne s'agisse d'une question de personne, il s'agit surtout du type de relation que vous envisagez : business angels, VCs, banques, contributeurs n'auront ni le même impact ni la même façon de vous rappeler à vos obligations. À vous donc de faire ce choix en pleine conscience !
Si vous faites le choix de la levée de fonds, c'est-à-dire l'accueil de nouveaux investisseurs au capital, prenez le temps de challenger vos potentiels financeurs sur ce qu'ils attendent en termes de performance. Vous sentez-vous de taille à répondre à ces attentes ? Est-ce un premier pas vers une relation durable qui passera par un autre tour de table auquel vous espérez que ce financier prendra à nouveau part ? Attendez-vous d'un investisseur qu'il soit très investi dans votre dossier ou simplement qu'il signe un chèque ?
Échangez avec les investisseurs potentiels sur ces questions... mais posez aussi vos questions aux startups dans leur portefeuille ! À vous de faire votre due diligence pour sélectionner en amont les investisseurs qui correspondent à ce que vous cherchez. Mais - et c'est là tout le paradoxe de la levée - ne soyez pas fermé·e à la discussion. C'est peut-être de ce dialogue que naîtront de nouvelles idées, alors laissez-vous convaincre !
Dernier écueil : multiplier les investisseurs pour augmenter le montant du tour de table ou rester en petit comité ? Mieux vaut privilégier la seconde option. Le mieux est l'ennemi du bien ! On vous le rappelle, le montant et la valorisation ne font pas tout. Et plus vous aurez d'interlocuteurs, plus la gestion de ces partenaires vous prendra du temps - autant de temps que vous ne consacrerez pas à votre entreprise. Bonus : en réduisant le nombre d'investisseurs, cela tend à augmenter les tickets de chacun, de quoi les inciter à s'investir au maximum à vos côtés !
> Quel investisseur voulez-vous ? En répondant à cette question, vous ferez déjà un premier tri parmi vos financeurs potentiels
Gardez les pieds sur Terre
Vous avez réussi à engranger quelques centaines de milliers d'euros ou, encore mieux, plusieurs millions ? Bravo ! Vous avez gagné le droit de les gérer. Si vous avez lu "les dépenser", lisez ce point avec une attention redoublée. Trop d'entrepreneur·euse·s se sont laissé·e·s gagner par la folie des grandeurs une fois le compte bancaire de leur startup bien fourni. Mieux vaut donc avoir des oursins dans les poches que les doigts qui brûlent...
Les plus dépensiers penseront à demander un déblocage des fonds par paliers, même pour une levée d'amorçage : avoir moins de 100 000 euros sur votre compte vous évitera de dépenser l'argent que vous n'avez pas encore. Et d'acheter des choses chères mais parfaitement inutiles, la grande différence entre le nice to have et le must have...
De manière générale, vous devrez donc suivre de près votre burn rate. Plus il est élevé, moins vos chances de survie le seront. Contrôlez donc vos coûts, maîtrisez vos dépenses et optimisez ainsi la santé financière de votre entreprise. C'est aussi la clé pour faire entrer davantage d'argent dans vos caisses : les investisseurs sont particulièrement attentifs à cet indicateur !
> Ne soyez pas pressés d'être à court d'argent : plus vous dépenserez sagement, plus vous créerez de valeur !
Concentrez-vous sur quelques indicateurs-clés
Ne faites confiance qu'aux chiffres... ou presque. Tout ce qui est quantifiable, mesurable, est plus facile à suivre, rectifier en cas d'alerte ou dupliquer en cas de succès. À vous donc d'établir une liste d'indicateurs-clés qui vous permettront de mesurer efficacement la réussite de votre entreprise. Si vous avez bien suivi, vous savez donc que le burn rate en fait partie.
Les plateformes, notamment en SaaS, choisiront également le coût d'acquisition client (CAC), la life time value (LTV) ou le remboursement de l'acquisition client (CAC payback). Les entreprises B2C préféreront le nombre d'utilisateurs actifs ou le taux de croissance.
Pas question néanmoins de se cantonner aux chiffres : faites-les parler ! Le CAC payback est à ce titre particulièrement intéressant car il relativise le CAC. Un CAC très élevé n'est pas toujours une mauvaise chose : s'il peut être rentabilisé très rapidement, c'est une stratégie gagnante pour l'entreprise. En revanche, un coût d'acquisition faible mais qui peine à être remboursé en quelques semaines témoigne d'un problème de modèle économique.
> Composez votre propre tableau de bord des indicateurs qui vous semblent les plus pertinents et pensez à vous y reporter pour toutes les grandes décisions
L'international, oui, mais où ?
Là encore, ne confondez pas ambition et folie des grandeurs ! Vous rêvez des États-Unis, de la Chine, de Mars ? Tant mieux pour vous mais sachez que ces marchés sont compliqués à pénétrer ou coûteux à adresser. La main d'oeuvre américaine est hors de prix, les loyers flambent. Et pour vous développer en Chine, vous devrez trouver et vous appuyer sur un partenaire local. En plus, ces deux marchés sont évidemment ultra-compétitifs, du fait d'une abondance d'offres.
Or - doit-vous le redire ? - vous avez désormais l'oeil rivé sur votre burn rate. À vous donc de considérer le retour sur investissement que vous attendez d'un déploiement à l'étranger. Pensez à des marchés moins "prestigieux" mais qui peuvent faire office de test pour votre internationalisation, à l'instar des pays nordiques ou même... des Outremers ! Et si vous tenez à vous déployer aux États-Unis, réfléchissez-y à deux fois avant d'ouvrir un bureau dans une Silicon Valley bondée.
Une fois votre destination choisie, pensez à faire la liste de toutes les questions auxquelles répondre : où souhaitez-vous implanter votre siège social (le garder en France ou l'expatrier) ? Quel statut choisir à l'étranger ? Pensez-vous recruter une équipe locale ou simplement ouvrir une antenne avec une ou deux personnes envoyées sur place ? Faut-il privilégier les profils natifs ? Un fondateur prévoit-il de s'établir sur place ? Puis passez à la douloureuse.
> Fuyez les marchés concurrentiels et coûteux pour prendre des parts dans des marchés qui vous paraissent aujourd'hui anecdotiques mais feront votre force demain
Structurez votre management mais ne le changez pas !
C'est l'un des points les plus cruciaux en période d'hypercroissance : comment manager son équipe "comme avant" tout en lui faisant passer des caps décisifs ? La réponse réside davantage dans la structuration du management et des process associés que dans le style de management qui n'est pas censé beaucoup évoluer, puisqu'il fait (entre autres) l'ADN de l'entreprise.
Préférez donc une transition en douceur, avec des évolutions successives et des itérations constantes plutôt qu'un changement radical. Cette stratégie des petits pas vous permettra de conserver la confiance de vos employés, notamment les plus fidèles qui peuvent se poser des questions lors de ces étapes stratégiques.
Elle vous permettra aussi d'éviter le fail humain de l'hypercroissance : à se voir trop grand, on tombe de plus haut lorsqu'on n'arrive pas à retenir les talents ou que la culture d'entreprise est dénaturée par des recrutements massifs ou réalisés à la hâte. À vous de devenir le chef d'orchestre de cet ensemble philharmonique pour éviter les fausses notes.
> Au fur et à mesure que les équipes s'étoffent, le management intermédiaire devient de plus en plus crucial. Prenez garde à recruter des gens qui vous soutiendront efficacement
Et si vous laissiez votre place ?
La période d'hypercroissance n'est pas faite pour tout le monde. Certains entrepreneur·euse·s qui se sont plu à créer la société et à la faire grandir peuvent trouver dans cette nouvelle étape une forme de lourdeur administrative qui les "amusera" beaucoup moins. C'est alors le moment de passer le relais à quelqu'un d'expérience, qui saura porter l'entreprise vers de nouveaux cieux et en faire le succès qu'elle mérite d'être !
> Quand c'est mieux pour votre entreprise... sachez lâcher prise au sens propre du terme !
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