Sale temps pour Remade. La startup, tête de pont de Remade Group, connaît une mauvaise passe financière. Placée en liquidation judiciaire avec continuation d'activité depuis le mois de novembre, son sort doit être scellé le 9 janvier. Quatre offres de reprise ont initialement été déposées. Deux offres ont finalement été officialisées, non recevables en l'état a jugé ce mardi le tribunal de commerce de Rouen. L'une émane de l'ancien président et fondateur de Remade Matthieu Millet, l'autre de la société basée à Dubaï CTS, a ajouté Renaud Le Youdec, président depuis juillet de l'entreprise.
Avec "une expérience reconnue dans la téléphonie", "CTS apparaît comme un candidat sérieux qui permettrait de sauver de manière pérenne" 117 emplois, a déclaré à la presse l'avocat du CSE Thomas Hollande après une audience de près de trois heures. "Nous voyons des opportunités pour Remade dans l'export", a indiqué à l'AFP le patron de CTS, Suresh Radhakrishnan, après avoir été entendu par le tribunal. Créé en 2019, CTS emploie 20 personnes, selon le PDG qui a expliqué avoir auparavant été à la tête d'un autre société employant 500 personnes.
Le fondateur de l'entreprise, persona non grata
Quant à l'offre de Matthieu Millet, qui propose de reprendre 142 salariés, "les représentants du personnel ont voté hier (lundi) un avis en CSE pour s'exprimer de manière très défavorable sur cette offre qu'ils considèrent comme indécente. Cette offre ne vise qu'à protéger Matthieu Millet et lui permettre d'échapper à ses responsabilités", a affirmé Me Hollande. Interrogé par des journalistes avant d'être auditionné, Matthieu Millet a assuré être "là pour dire comment il [était] possible de sauver l'entreprise. J'ai bâti cette boîte (...) Je ne suis pas de nature à laisser tomber". Matthieu Millet a été par le passé interdit de gérer plusieurs autres entreprises. Remade fait par ailleurs l'objet d'une enquête préliminaire du parquet de Coutances pour faux bilan. "Le tribunal ne veut même pas poser de question à M. Millet et nous non plus", a déclaré à la presse Sophia Garcia, secrétaire CFDT du CSE.
"Les représentants du personnel sont dépités de devoir passer les fêtes avec ce sentiment là d'incertitude, mais ils comprennent aussi que c'est donner une ultime chance à Remade", a-t-elle ajouté. Les salariés, qui ont selon la CFDT détruit 6000 smartphones ces derniers jours, vont continuer à le faire pour protester contre le refus des actionnaires de participer au financement d'un plan social. En l'état, les salariés risquent de partir avec seulement 500 euros d'indemnité, selon la CFDT.
Une chute éclair après une ascension qui l'était tout autant
En effet, " les différents repreneurs mettraient entre 200 000 et 1,2 million d’euros en prix de cession sur la table pour récupérer notamment le stock de 25 000 à 33 000 iPhone reconditionnés prêts à être commercialisés ", a ajouté un porte-parole de la direction interrogé par l’AFP. Un montant ridicule au regard des ambitions que portait la société il y a encore peu : après une levée de fonds de 17 millions d'euros en 2017, elle avait emprunté, en août 2018, 125 millions d'euros auprès de LGT European Capital, Idinvest Partners et Swen Capital Partners pour financer son internationalisation. En juin, un communiqué de presse annonçait même que ces mêmes "partenaires financiers" remettaient 50 millions d'euros sur la table pour "financer la croissance future".
" Remade Group entame aujourd’hui une nouvelle phase de croissance. Nous allons capitaliser sur notre modèle d’excellence industrielle pour saisir les opportunités de ce marché mais toujours dans une démarche de qualité. Notre savoir-faire et notre industrie Made in France sont des arguments clés pour la confiance des distributeurs et la sécurité du consommateur ", s'enflammait alors François Dehaine, président du groupe. Moins de deux mois plus tard, l'entreprise peinait à payer les salaires.
La startup est victime d'une hyper concurrence sur son coeur d'activité : le reconditionnement de smartphones. Ses concurrents, Recommerce et Back Market, se sont armés financièrement pour la bataille grâce à des levées de respectivement 50 et 41 millions d'euros en février et juin 2018. Le destin est d'autant plus cruel pour Remade que c'était elle qui, au printemps 2017, avait sauvé de la faillite la startup Save. Qui, cette fois, sauvera Remade ?