La Govtech, ça vous parle ? Ça devrait car le secteur est l'avenir de la startup nation, tant encensée par nos décideurs. À l'occasion du Govtech Summit, organisé ce jeudi à Paris, l'incubateur et fonds d'investissement Public a publié un rapport étayé sur l'état de ces technologies au service de l'État. "Par Govtech, on entend l'utilisation et l'achat de solutions technologiques innovantes par un acteur public", définit en préambule le rapport. Le marché est colossal : le rapport l'estime, en France, à 16 milliards d'euros par an. "Il s’agit là d’un potentiel fort et il est temps d’en faire une priorité identifiée tant au plan politique qu’économique", plaide-t-il.

Certaines scaleups se sont déjà positionnées sur le créneau du "B2G" (business to government). L'étude souligne que trois des entreprises distinguées dans le Next 40 ont "une forte composante Govtech" : Doctolib, utilisée par l'AP-HP pour optimiser la prise de rendez-vous et limiter les rendez-vous auxquels les patients ne se présentent pas ; Talentsoft, qui favorise la mobilité au sein de l'administration ; et OpenClassrooms qui a signé un partenariat avec Pôle Emploi pour former les demandeurs d'emploi aux compétences numériques. Au total, 14 des 40 scaleups du Next 40 ont une part de leur activité en B2G.

Mais il reste d'importants efforts à faire. "Force est de constater que les startups, les PME et les ETI innovantes sont largement sous-représentées" dans la commande publique - qui représentait en 2016 un marché de 200 milliards d'euros. Alors que les PME représentent 99% du tissu entrepreneurial français et 44% du PIB national, elles n'obtiennent que 28% des marchés publics en valeur. Et si l'on se concentre sur les startups et les entreprises innovantes, le bilan est d'autant plus maigre : à peine 2% des commandes publiques leur sont attribués.

Accompagner l'évolution du rôle de l'État

Difficile de croire que l'avenir de la startup nation réside dans ce qui est à l'heure actuelle un secteur embryonnaire. Pourtant, comment imaginer un État promoteur de l'innovation qui ne serait pas lui-même client et utilisateur ? Les auteurs du rapport soulignent également que l'évolution du rôle de l'État ne lui laisse pas le choix. D'abord parce que les gouvernements successifs ont abandonné l'idée d'un État providence, qui serait seul à même de répondre aux problématiques de ses citoyens. D'autant plus lorsque la marge de manoeuvre financière se réduit. "Seule l’innovation permettra de fournir de meilleurs services, plus personnalisés, inclusifs et accessibles dans un contexte budgétaire austère", affirme ainsi l'étude.

Ainsi, "la solution n’est pas de se fermer aux acteurs émergents, mais bien au contraire de s’inscrire en complémentarité avec eux". L'État transfère à des acteurs privés une partie de ses missions, tout en garantissant que celles-ci soient menées à bien. Et optimisent ainsi ses coûts de fonctionnement en limitant ses propres actions à des missions complémentaires. "L'État ne doit pas bâtir des cathédrales à lui-seul, mais qu’il doit définir les règles élémentaires de construction, fabriquer les clés de voûte, et inviter chacun à apporter sa pierre à l’édifice, au service d'une oeuvre construite collectivement", résument Laura Letourneau et Dominique Plon, auteurs de la feuille de route Accélérer le virage numérique, citée dans le rapport.

Mais pour faire de la Govtech un axe majeur de l'État, le chemin est encore long. Le rapport liste une quinzaine de recommandations pour transformer nos administrations et rendre l'État plus ouvert aux entreprises innovantes. Parmi celles-ci, on trouve notamment la fixation d'un objectif qualifié "d'ambitieux" de 10% de l’achat public attribué à des startups et entreprises innovantes d’ici à 2025, la pérennisation du décret Achats Innovants et du seuil de 100 000 euros pour les achats innovants sans appel d’offre ou encore la rédaction d'une charte de la Govtech listant les grands principes d’une collaboration réussie entre startups technologiques et acteurs publics. Le rapport de Public se veut cependant optimiste : "la France dispose de tous les atouts pour créer l’écosystème Govtech le plus innovant au monde".