Il y a encore quelques années, le signe incontestable de la réussite d’une entreprise française était de s’implanter au Royaume-Uni, au Canada ou aux États-Unis. L’Ouest était la norme et la mire des startups en quête de nouveaux territoires à conquérir. À dire vrai, c’est encore le cas aujourd’hui ; " J’ouvre un bureau à New-York " fait toujours son effet. Mais les choses changent ; le monde du business vacille sur son axe et redistribue les cartes. D’autres marchés se sont ouverts et ont gagné le droit de paraître au catalogue des destinations où s’implanter, au premier rang desquelles figure sans doute le Moyen-Orient. La région est aujourd’hui un marché hyper dynamique où l’on peut prospérer comme nulle part ailleurs... à condition, bien sûr, de s’en donner les moyens et de dépasser certains préjugés.
Quand on parle de business au Moyen-Orient, on pense évidemment, d’abord, aux Émirats. Dubaï et Abu Dhabi sont de loin les deux villes qui attirent aujourd’hui le plus de touristes et d’entrepreneurs étrangers. Elles ne sont pas les seules, certes, et il faudrait au moins évoquer quelques pays voisins tels que l’Arabie Saoudite, le sultanat d’Oman et le Bahreïn, pour compléter la liste. Mais ce sont les Émirats qui, pour l’heure, représentent un véritable creuset d’opportunités où se rencontrent les nationalités du monde entier, un melting-pot riche des projets et des ambitions de chacun.
Poser ses valises, s’informer, faire un tour en ville
Le goût du challenge et le plaisir de se confronter à une culture différente sont un bon préalable, mais il ne faut pas hésiter à se faire accompagner. On a beau s’être renseigné, rien ne remplace une expertise locale (celle d’un cabinet d’avocats, par exemple), absolument nécessaire comme intermédiaire, ne serait-ce qu’au regard des démarches administratives et légales dont il faut s’acquitter pour s’installer. Dubaï, par exemple, fonctionne par quartiers (des " free zones " qui recouvrent des avantages financiers et fiscaux) où l’on travaille grâce à une licence liée à son activité. " Dubaï Internet City " concentre ainsi quelques acteurs majeurs du numérique (Microsoft, SAP, Oracle, LinkedIn) et " DMCC " (pour " Dubaï Multi Commodities Center ") regroupe un grand nombre de startups de la tech, où l’on croise notamment beaucoup de Français et d’Anglais. Obtenir ladite licence sans l’aide d’un cabinet local est une véritable gageure.
L’ambassade de France et le FBC (French Business Council), la Chambre de Commerce et d’Industrie française de Dubaï, sont également des lieux où l’on est assuré de trouver une aide et des conseils précieux pour s’installer. C’est d’ailleurs une caractéristique locale assez marquée qui dépasse largement le seul prisme franco-français : aux Émirats, les gens s’entraident volontiers. Il y a de la place pour tous ; on ne marche pas sur les pieds de son voisin. Une volonté commune de prospérer et de faire du business anime ainsi une communauté d’entrepreneurs des plus cosmopolites : à Dubaï travaillent entre 90 et 95% d’expatriés (dont beaucoup d’Indiens, d’Américains et d’Européens).
Apprendre à connaître son hôte, observer
Faire du business aux Émirats est à la fois simple et compliqué. Pour un premier contact, par exemple, les choses peuvent se faire à distance. Mais pour signer, les acteurs locaux aiment rencontrer les gens, et comme cela peut monter jusqu’à un ou une Émiratie (auquel cas il faudra attendre qu’elle vous tende la main pour lui tendre la vôtre), il est bon de se faire accompagner par des gens qui ont de l’expérience sur place et qui parlent arabe (même si la majorité des échanges se fait en anglais).
Les Dubaïotes ont globalement une grande appétence pour tout ce qui est nouveau. Ils sont pourtant, jusqu’ici, moins équipés qu’en Europe, même dans les grosses entreprises. Aussi ces derniers aspirent-ils à rattraper leur retard et ils ne lésinent pas sur les moyens. Là-bas, tout peut aller très vite et les dossiers sont tout de suite de gros dossiers. Ils aiment être au fait des dernières innovations, ce qui vient de sortir, ce qui va sortir... Tout peut aller très vite, et en même temps, l’appréciation des délais et de la manière dont un dossier avance n’est pas forcément la même qu’en France ou en Europe et peut décontenancer des habitudes occidentales.
Tenir compte du " décalage horaire ", s’adapter
Leur enthousiasme lui-même peut être problématique en ce qu’il est parfois trompeur. Non pas feint, bien sûr, mais trompeur au regard des attentes qu’il suggère et fait naître. De fait, il y a souvent un décalage entre cet enthousiasme liminaire, spontané, et la réalité des échanges qui lui font suite. Aux Émirats, les prises de rendez-vous sont faciles. On est reçu, on présente son produit, son service ; et c’est l’emballement. Mais derrière, transformer l’essai se révèle plus difficile ; on n’avance et on ne signe pas aussi simplement que la première réaction le laissait supposer. Quand on le sait, on prend les choses avec ménagement, avec plus de distance, ce qui permet de mieux appréhender l’avenir.
En effet, la vraie difficulté y est de prévoir le business. Il arrive qu’un dossier soit au point mort, qu’on n’ait plus de nouvelles depuis plusieurs mois, laissant penser que cela ne se fera pas, et l’on reçoit un beau matin le bon de commande signé dans sa boîte mail... Voilà, ce sont les Émiratis qui ont le timing ; il faut simplement essayer de comprendre comment le deal va se faire, changer son point de vue sur la façon dont les choses se concrétisent. Il faut s’adapter, comme on s’adapte à une autre organisation de la semaine (du dimanche au jeudi) et à une autre saisonnalité (grosso modo, d’octobre à avril). Car l’été, il fait 45°C ; beaucoup d’expatriés partent alors en vacances, comme pendant le Ramadan, où ceux qui ne sont pas partis ont généralement plus de temps pour des réunions... Bref, il faut tenir compte des spécificités locales, culturelles et sociales, et vouloir s’enrichir de celles-ci, tout en apportant sa contribution et sa personnalité propre. S’adapter, c’est grandir ; j’y vois une bonne raison d’aller tenter sa chance là où il y a encore de la place (au soleil) pour tous.
Mickaël Cabrol est CEO et fondateur d'Easyrecrue