Après avoir démonté quelques idées reçues sur la gestion de l’image pour une startup en phase de forte croissance, nous abordons le sujet de la constitution d’une équipe de communication où les expertises se doivent d’être complémentaires.
Identifier les spécificités de son registre de communication
De nombreux métiers sont liés à la communication : marketing produit, acquisition clients, relations presse, création de contenu, événements, lobbying…etc.
Demandez-vous quel est votre besoin aujourd’hui, quel sera votre besoin demain et pourquoi avez-vous besoin de communiquer ? Si c’est pour qu’on parle de vous en tant que fondateur/trice, cela touche à votre égo et l’égo n’a rien à voir avec le business. En revanche si votre besoin est de conquérir des clients, de les rassurer/fidéliser ou de recruter pour votre équipe, alors là vous pouvez vous organiser.
Néanmoins il est compliqué pour une jeune startup d’avoir un expert de chaque métier de la communication. Cherchez donc la dominante qui convient le plus à vos besoins business et identifiez une bonne recrue qui saura en priorité résoudre ce manque et s’adapter à d’autres supports de communication.
Par exemple dans une startup comme Heetch, qui s’est créé et développé dans un contexte de flou juridique, on recherchera un expert avec une expérience réglementaire pour aider les fondateurs/trices à naviguer entre les gouttes et se développer. Sa mission première est de travailler sur des projets de lois avec le législateur puis par la suite d’élargir ses compétences aux PR, à l’événementiel… etc. Le tout pour aider le développement serein de la structure.
Dans une entreprise comme Frichti, qui s’appuie sur un juste équilibre entre quantités de produits et masse critique de clients réguliers, l’expert recruté aura davantage une appétence marketing et RP grand public car il faudra avant tout acquérir et fidéliser de nombreux clients. Un article dans les Echos ne fera pas télécharger l’application des milliers de fois, mais un partenariat efficace avec une newsletter lifestyle ou une super créa sur Instagram seront plus efficaces. Notez qu’il n’y a pas de recette magique : tout dépend du secteur dans lequel vous évoluez et de votre modèle économique.
En BtoB l’objectif est clair : il s’agit de valoriser un produit ou un service à des entreprises, donc le communicant doit être très orienté business et proche des équipes commerciales. S’ils ne travaillent pas ensemble cela ne peut pas fonctionner.
Dans le BtoC, on trouve des situations plus variées : on s’adresse au grand public, à des clients individuels. Le rôle du communicant est de donner envie d’essayer la marque, de rassurer les clients et de travailler sur l’image publique de la société. Le communicant ne doit donc pas être mis dans une sous-structure au sein d’autres organisations comme le marketing, le service commercial ou le juridique. Le/la dircom doit être proche du/de la founder car la communication est certes là pour valoriser l’image de l’entreprise, mais elle sert aussi à identifier les angles morts et protéger autant que promouvoir. Savoir ouvrir les portes pour faire grandir la société ou les refermer quand un danger s’approche (sans jamais quitter la fenêtre des yeux). Garante du message et de la vision, la fonction communication doit travailler main dans la main avec les autres expertises, tout en gardant un droit de veto sur ce qui sortira en interne, comme en externe. D’où la nécessité de s’appuyer sur des experts crédibles, qui auront l’autorité pour faire entendre leurs réserves. Si votre juriste vous recommande de ne pas faire quelque chose, vous avez tendance à l’écouter, non ? Il doit en être de même pour votre communicant.
Le storytelling, entre sincérité et art du récit
Le storytelling, ce n’est pas du brainwashing. C’est une manière de raconter votre histoire, de traduire votre ADN pour le monde extérieur. Et comme un ADN est unique, l’histoire qui vous décrit n’a pas besoin d’être multiple.
Ce qui est intéressant n’est pas tant votre produit que l’impact que votre histoire aura sur la personne à qui vous la racontez. Les premières questions à vous poser sont donc " à qui je parle ", " pourquoi je lui parle " et " comment je l’intéresse ". Avec ces réponses, vous saurez leur parler.
Une entreprise en hyper croissance a besoin de faire du storytelling sans le graver dans le marbre. En effet une startup vit une phase atypique dans laquelle son évolution est tellement rapide que ses messages doivent constamment évoluer. Mais pas son histoire.
On essaie donc de raconter une histoire qui sera non seulement valable au moment de communiquer mais aussi dans 1 an, 3 ans ou 10 ans. Se projeter dans un futur plus ou moins long est essentiel et ce n’est pas grave si cet horizon évolue.
Réfléchissez à ce qui fait votre métier, où vous voulez l’emmener. La communication doit servir de chemin de fer à votre histoire et son récit : d’abord votre vision, votre mission puis la production de votre storytelling. Sans ces éléments qui constituent votre ADN de fondateur(trice), l’histoire ne tient pas.
Ensuite entraînez-vous à raconter votre histoire, donnez-lui du relief, ajoutez ce supplément d’âme qui lui donnera toute sa valeur. Mais ne cherchez pas à inventer une mission qui sauvera le monde ou une histoire drôle qui légitime votre business model. Soyez le plus vrai possible.
Car le storytelling ce n’est rien d’autre que la traduction de votre mission pour votre audience cible. D’où son importance, dans la gestion de votre réputation et dans le fait de s’entourer d’une équipe qui adhérera à cette histoire et donc à la mission et vos valeurs, et vous aidera à les formuler si besoin.
TEST : Demandez à chaque membre de votre équipe de raconter la mission de l’entreprise. S’il y a trop de disparités dans les récits, c’est l’heure de tout remettre à plat et de leur re-raconter votre histoire, de leur montrer à nouveau votre ADN.
Pourquoi les RP sont un élément crucial dans la gestion de votre réputation ?
Les RP sont nécessaires si vous avez quelque chose à dire, si vous avez un vrai message à diffuser, une histoire à raconter (cf. le storytelling). Si vous n’avez rien de nouveau à raconter, vous n’essuierez que des refus des journalistes et pouvez même risquer de donner une mauvaise image de votre startup.
Quand vous êtes prêts à communiquer, il faut être capable d’y dédier du temps : la communication ne se résume pas à faire des communiqués de presse pour annoncer une levée de fonds.
Demandez-vous par exemple si vous avez besoin de parler régulièrement à des journalistes ? Avez-vous des nouveaux produits/partenariats à annoncer à intervalles réguliers ? Cette question se posera véritablement lorsque vous aurez atteint une taille et une maturité suffisantes pour prendre la parole, préempter un territoire de marque et potentiellement vous faire attaquer. Si vous ne dérangez personne c’est que vous êtes encore en phase de croissance.
En BtoB par exemple, il est important de parler aux médias économiques pour conquérir et rassurer des clients grands comptes, ETI ou PME, mais aussi pour attirer des talents, après avoir travaillé votre marque employeur. Mais si votre cible est une cible très jeune par exemple, qui se détache des médias traditionnels, votre article dans les Echos ou votre passage sur BFM Business n’aura aucun impact sur votre business.
Internaliser ou externaliser ?
Les fonctions de communication stratégiques doivent être internalisées dès que vous le pouvez. La communication corporate, les affaires publiques ou les RP, une fois une certaine taille acquise, font parties des fonctions clés. Ils vous aident à travailler et à diffuser vos messages, particulièrement pour les entreprises en hyper croissance pour lesquelles ils ont comme mission de protéger la réputation de startup et la faire comprendre à son audience.
Internaliser les RP, même si ça n’est pas la seule mission de votre responsable ou directeur/trice de la communication, c’est vous permettre de maîtriser et diffuser l’ADN de la boite : une structure externe n’aura jamais la connaissance de vos problématiques que la personne en interne aura. Cette fonction requiert de l’expérience, un beau réseau, une tête bien faite et un sens des priorités aiguisé : ne recrutez pas votre stagiaire qui écrit de chouettes tweets, recrutez un expert aguerri, le marché en regorge.
Les RP permettent aux jeunes sociétés d’émerger et d’exister aux côtés des gros, c’est un atout clé. Si le monde était uniquement basé sur la publicité, seuls ceux qui ont de quoi payer des espaces publicitaires pourraient gagner et être visibles de leurs clients. Les RP forcent à la créativité, à la patience et à la curiosité pour émerger. Il est donc essentiel d’être inventif dans sa communication car elle pourrait nourrir énormément d’actions qui seront menées en marketing par exemple.
Cela peut avoir un intérêt d’internaliser cette fonction si elle est régulière et dans la mesure où vous avez correctement identifié vos besoins. Travailler avec un prestataire, une agence, c’est tenir compte de la distance physique et géographique avec son communicant et investir de fait plus de temps dans son apprentissage des ficelles de l’entreprise pour le/la fondateur/trice. Et comme nous le disions, le communicant est le garant de la bonne compréhension de l’ADN de l’entreprise, de sa mission, et de ses messages à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise.
Trois conseils pragmatiques pour conclure
Ne jamais vous faire (beaucoup) plus gros que ce que vous n’êtes, cela sera toujours révélé à un moment donné et vous reviendra à la figure.
Entourez-vous d’un expert qui saura vous aider à maîtriser vos messages et qui sera votre soldat face aux médias, en externe si vous parlez peu aux débuts, puis en interne dès que possible.
Soyez authentique et humble : ces experts sont là pour vous soutenir, vous accompagner mais aussi vous améliorer.
Article rédigé par Christopher Abboud, directeur communication de stripe en France, Emmanuelle Flahaut-Franc, directrice communication de Iris Capital, et Benjamin Sasu, Responsable des Relations Média et Externes chez Bpifrance Le Hub