Les entrepreneurs rassemblés au France Digitale Day à Paris ont salué les engagements gouvernementaux portant notamment sur le financement des startups technologiques, mais les 5 milliards d'euros annoncés leur semblent limités et arriver "trop tard" pour certaines jeunes pousses.
Intégrer la liste Next 40 des 40 jeunes sociétés technologiques françaises les plus prometteuses, dévoilée mercredi par le gouvernement, va par exemple "faciliter pas mal de choses" dans la recherche de financements, reconnaît Georges Lotigier, PDG de VadeSecure, startup spécialisée dans la sécurisation des emails. VadeSecure vient pourtant de boucler la levée de 70 millions d'euros auprès d'un fonds d'investissement américain car en France, les fonds ne proposent que "10 ou 20 millions". Et dans la perspective d'une entrée en Bourse "dans 4 ou 5 ans", le lieu évident lui semble le Nasdaq américain des valeurs technologiques : "la moitié du marché de la sécurité informatique est là-bas. Les analystes (financiers) sont là-bas. Il y a plus de valorisation, plus de liquidités", car plus d'investisseurs potentiels, justifie t-il auprès de l'AFP.
Le coeur en Europe, la bourse aux États-Unis
Le constat est partagé par Armand Thiberge, fondateur de la startup de services en marketing SendinBlue, également sélectionnée: "faire partie du Next 40 est une grande fierté, ce label va forcément nous servir". Pour SendinBlue, c'est pourtant "déjà trop tard" : "si demain on lève 100 millions, ce sera aux États-Unis". Quant à la perspective d'une introduction en Bourse dans les cinq ans, c'est aussi au Nasdaq, "même si à valorisation égale, on préfèrerait être coté en Europe".
Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé mardi que les grands investisseurs institutionnels français, banquiers et assureurs, allaient investir 5 milliards d'euros supplémentaires pendant trois ans, qui seront placés dans des fonds français spécialisés en technologie. Sur ces cinq milliards, trois doivent aller dans des fonds investissant dans la tech cotée en Bourse. Les investisseurs institutionnels sont appelés à constituer à Paris des équipes d'investisseurs en Bourse, spécialisés dans la tech, qui commenceraient par apprendre le métier sur le Nasdaq avant de revenir d'ici quelques années en Europe.
Suite à ces annonces, "on se dit que notre salut n'est plus forcément aux États-Unis", se réjouit Armand Thiberge. Pour Frédéric Marzella, fondateur de BlaBlaCar et co-président de France Digitale, cette somme constitue surtout "une forme d'amorçage" pour "lancer l'écosystème dont on aura besoin dans 3 ans", car "les sociétés d'aujourd'hui se projettent encore dans la structure d'investissement actuelle".
Un effet de levier progressif
Reste que grevée des 3 milliards dévolus aux entreprises présentes sur les marchés boursiers, la somme annoncée ne totalise plus que 2 milliards d'euros sur trois ans pour renforcer le financement de la croissance des sociétés non-cotées. Ce montant représente une augmentation d'environ 15% par rapport aux financements actuels dans la tech non-cotée, a calculé Matthieu Lattes, associé du fonds new-yorkais White Star Capital. "C'est
bien mais pas énorme", relativise cette source.
Cette répartition des 5 milliards découle en partie des règles spécifiques aux investisseurs institutionnels concernant la ventilation de leurs placements entre investissements non-cotés et Bourse, rappelle-t-on dans l'entourage du secrétaire d'État chargé du numérique Cédric O. La même source compte par ailleurs sur un "effet de levier", car le seuil de 5 milliards d'euros, qui constitue "un très gros début", va "permettre de faire grossir les fonds français et d'attirer des investisseurs étrangers", qui ne viendraient pas sans investissements locaux, et de mobiliser par ce biais une masse plus large de "10 milliards, puis 20 à terme". Mais "si vous mettez 20 milliards tout de suite et que vous arrosez tout le monde, vous créez une bulle spéculative. Il faut que ce soit progressif", explique ce conseiller de Bercy.
Maddyness avec AFP