En 1987, Georges Frêche, alors maire de Montpellier, annonce son ambition de favoriser la création, le développement et la pérennité de pépites en devenir sur l’agglomération afin de soutenir l’emploi sur le territoire. Aussitôt dit, aussitôt fait : le BIC (Business & Innovation Centre) naît cette même année, avant de se voir décerner un an plus tard le label CEEI (Centres européens d'entreprise et d'innovation) par l’Union européenne.
Un pari réussi
Trente ans plus tard, la Montpellier Méditerranée Métropole profite d’un dynamisme entrepreneurial à en faire pâlir plus d’un. Et pour cause : les chiffres communiqués par la ville font état de 1 360 entreprises numériques en activité dans la région pour 1 500 emplois, mais également plus de 120 jeunes pousses créées par an, 49 pass French Tech accordés, 80 millions d’euros investis dans les entreprises numériques innovantes ou encore une croissance de l’emploi de 30 % en dix ans, soit bien plus que les agglomérations de taille comparable (+18 % en moyenne sur dix ans).
De son côté, le BIC revendique plus de 700 jeunes pousses accompagnées ces trente dernières années, qui elles-mêmes ont engendré plus de 5 000 emplois. Parmi celles-ci, on y retrouve de belles pépites nationales, à commencer par Teads (racheté par Altice pour 285 millions d’euros), Lunchr (à l’origine d’un récent tour de table de 11 millions d’euros) et AwoX (désormais introduit en Bourse). La structure d’accompagnement a par ailleurs été reconnue comme le deuxième meilleur incubateur du monde par le classement UBI Global.
Montpellier, toujours innovante
Celle dont l’économie a reposé presque intégralement sur le commerce et la culture viticole jusqu’au début du 20e siècle se voit propulsée sur le devant de la scène numérique en 1965, lorsque le géant américain IBM décide d’y implanter une usine de fabrication de gros ordinateurs. Plus tard, Dell, Ubisoft et Alstom Grid choisiront également de s’y installer, consolidant l’impact numérique de la ville sur le territoire français.
Plus récemment encore, en 2014, Montpellier est l’une des premières à obtenir le label French Tech, mais aussi la seule collectivité de France à recevoir le label Retis, le réseau français des acteurs économiques qui accompagnent les entreprises innovantes. " Les dossiers French Tech des métropoles se construisaient sur des actions à venir. Nous, nous avions déjà le BIC et un important écosystème de startups ", s’en amuse Chantal Marion, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole, chargée du développement et de l’urbanisme.
Et l’initiative BigUp For Startup ? Née à Montpellier. Un Tramway nommé Startup ? Encore à Montpellier. Le label PropTech lancé au Web2Day 2018 ? Toujours à Montpellier. Autant d’initiatives connues aujourd’hui dans la France entière et initiées en Occitanie. " Montpellier a été marginalisée par son esprit frondeur ", explique Chantal Marion, avant d’ajouter : " Nous sommes beaucoup sur le terrain, nous expérimentons avec les startups, Philippe Saurel (président de Montpellier Méditerranée Métropole, ndlr) travaille au plus près des citoyens et c’est ce qui nous permet d’être aussi actifs ".
La santé, cœur des ambitions de la métropole
Et si la métropole a obtenu sept des neuf réseaux thématiques proposés par la French Tech, c’est bien dans la santé qu’elle reconnaît avoir une importante carte à jouer, notamment par son positionnement historique dans le secteur. La ville possède en effet une faculté de médecine qui est aujourd’hui la plus ancienne du monde occidental, mais également la plus connectée.
" Le gouvernement voulait que chaque agglomération ait un label, plusieurs ont sorti la carte “numérique”, nous on a sorti la carte “santé”, et ça a marché. Ici, 26 % des startups sont liées à la santé et pour un grand nombre ce sont des médecins ou des pharmaciens qui créent des outils numériques dédiés à leur secteur ", souligne Chantal Marion.
C’est ainsi que Montpellier est la seule métropole à avoir retenu la santé dans le pacte métropolitain d’innovation signé avec l’État. Ce qui a permis de lancer dans les meilleures conditions le projet Montpellier Capital Santé, visant à terme à faire de Montpellier un territoire reconnu pour ses innovations dans le secteur médical. " On a regroupé les chercheurs, les cliniques, les pouvoirs publics et les entreprises du secteur autour de plusieurs axes de travail. Dans le cadre du Pacte métropolitain, le gouvernement a donné une enveloppe de 8,3 millions d’euros qui a été répartie sur six projets structurants sur le territoire et la Métropole a co-financé à hauteur de 3,59 millions d’euros ", explique Chantal Marion.
D’autres projets travaillent également aujourd’hui à faire rayonner les entreprises montpelliéraines de la santé, mais aussi à attirer les meilleurs talents et investisseurs du secteur, à commencer par le Biopôle Euromédecine ou le quartier Eurêka, véritables lieux d’expérimentations du futur de la santé, mais surtout la chaire e-santé de l’université de Montpellier : " L’université a compris qu’elle devait mettre ses pépites à profit du territoire. Les entreprises assistent désormais aux pitchs des étudiants doctorants en 180 secondes, dans le hall du CHU. C’est très intéressant et ça permet de faire monter l’innovation en puissance dans le secteur ", précise Chantal Marion.
À la pêche aux talents externes
Outre le secteur médical, Montpellier multiplie les initiatives pour attirer les talents externes : " Notre idée, c’est d’accompagner les entrepreneurs entrants jusque dans leur recherche de logement et d’implantation professionnelle ", indique Chantal Marion. La Montpellier Méditerranée Métropole a ainsi prévu d’investir 28 millions d’euros dans l’établissement de la Halle Cambacérès d'une superficie de 8 000 m2. Celle-ci, qui devrait voir le jour d’ici 2020, pourrait héberger une centaine de jeunes pousses. Un projet qui viendra s’adosser au BIC et aux structures d’accompagnement comme WeSprint.
Et ça marche. Actoowin, startup legaltech fondée en février 2014 par Gaël Bill et Jean-David Bénichoux, a par exemple décidé de se faire accompagner à Montpellier, plutôt qu’à Paris où elle était initialement basée : " Nous avons rapidement été sollicités par les incubateurs parisiens, que nous avons ensuite rencontrés, mais leur approche business n’était pas réellement en phase avec nos attentes. Pour être tout à fait honnêtes, nous n’avions au départ pas envisagé de challenger des acteurs régionaux, mais nous avons répondu à l’invitation de WeSprint Montpellier qui s’est clairement démarqué et a définitivement retenu notre attention. La qualité des locaux et des infrastructures de Cap Oméga ainsi que la réelle qualité de vie du secteur ont fini de nous convaincre ", explique Jean-David Bénichoux, son cofondateur.
Un environnement humain bien plus agréable loué également par Simon de Charentenay, fondateur d'OpenFlow : " À Paris, c’est beaucoup plus difficile, il faut se battre pour exister. Ici, on croise souvent les élus locaux, on échange, on est très choyés et écoutés ", précise-t-il. Avant de continuer : " Quand on a goûté à la vie entrepreneuriale dans une métropole comme Montpellier, ça me paraît très compliqué d’envisager un retour intégral à la vie parisienne et son écosystème, aussi intéressant soit-il ".
Des efforts peu récompensés
Malgré ce cadre enchanteur, Montpellier et tout ce qu’elle peut représenter en matière d’innovation et de dynamisme souffrent d’un véritable manque de visibilité, quand d’autres ne cessent d’attirer décideurs et investisseurs de toutes parts. La raison de ce désamour ? L’hyper centralisation des activités économiques, propre à la France. " La province reste trop souvent – et à tort – perçue comme moins productive que l’Île-de-France. Mais lorsque l’on intègre les variables temps de trajet, grève des transports, bruit et pollution ou encore la garde d’enfant souvent difficile, on constate que ce préjugé se retrouve rapidement mis à mal ", indique Jean-David Bénichoux.
Un avis que partage Simon de Charentenay, pour qui il est moins facile de trouver des investisseurs en province qu’à Paris : " Les investisseurs prennent plus de risques avec des profils qu’ils connaissent personnellement, qu’ils ont déjà rencontrés plusieurs fois. À Montpellier, nous n’avons pas de gros fonds et il est compliqué de se faire remarquer par les investisseurs. En France, la puissance économique reste parisienne ".
Si elle est encore aujourd’hui décrite comme " discrète ", " timide " et même " pudique ", la métropole ne manque pourtant pas de ressources. Il suffit de mettre un pied au cœur de l’écosystème montpelliérain pour comprendre à quel point celui-ci fourmille de bonnes initiatives et d’entrepreneures et entrepreneurs motivés. Porté par une structuration locale bien huilée, cet écosystème devrait, on l’espère, prendre toute la place qu’il mérite dans les prochaines années.
Article initialement publié le 18 juin 2018.