Il y a indéniablement une prise de conscience collective grandissante autour d’un constat saisissant : on arrive au bout de notre système consumériste. Depuis les années 50 nous avions bâti un modèle de société de consommation censé procurer croissance globale et bonheur individuel. Force est de constater que nous en voyons aujourd’hui les limites.
Limites sociétales par le désarroi exprimé par une partie grandissante des populations occidentales (manque de sens, sentiment d’exclusion etc.) et théorisé dès les années 70 dans le paradoxe d’Easterlin qui montrait l’absence de corrélation entre revenus/consommation et bonheur.
Limites environnementales qui sont désormais évidentes pour tous et toutes. Le jour du dépassement à partir duquel la planète vit à crédit sur ses ressources nous le rappelle chaque année, toujours un peu plus tôt (31 dec en 1970, 1er août en 2018 et désormais 29 juillet en 2019), tout comme le 6ème océan de plastique ou les changements climatiques… Cela aussi avait été théorisé dès les années 70 dans le livre "The limits of Growth" , référence du courant de pensée autour de l’ "Effondrement" ou "Collapsologie" .
Limites également sur la santé humaine comme le problème du surpoids qui concerne désormais plus d’une personne sur deux dans les pays de l’OCDE ou des ingrédients toxiques et autres perturbateurs abondamment utilisés dans nos industries de biens de consommation.
L’émergence de ces " effets secondaires " ne datent pas d’hier mais jusqu’ici, croissance et emploi ont prévalu sur le reste dans les grands arbitrages et sans doute avait-on jusqu’alors dans l’inconscient collectif une forme de foi en l’avenir, conviction sur la faculté de l’homme et du progrès à repousser ces/ses limites. On a donc consommé toutes ces années, abondamment et sans se soucier. Rattrapé·e·s par la réalité, nous sommes nombreux et nombreuses désormais à interroger notre rapport à la consommation. Et quand on commence à y regarder de plus près, c’est assez vertigineux, car finalement rien n’est neutre ou sans dommage collatéral…
Exemple d’échanges probables ces temps-ci dans les repas de famille ou d’amis :
- “Quoi tu n’es pas passé au bio ?!
- Non c’est trop cher, désolé. Mais on peut parler de tes avocats bio du Mexique arrivés par avion dans son emballage plastique si tu veux ?
- Non ça j’ai arrêté, je ne fonctionne qu’en circuit court via internet livré dans un carton et à vélo, je suis inattaquable !
- Internet, le 3ème pays le plus consommateur d’énergie après la Chine et les États-Unis ?
- Mais qui a permis de faire sauter les intermédiaires et mieux répartir la valeur…
- Avec pour conséquence de tuer les emplois du petit commerce, 9000 magasins fermés aux États-Unis en 2018 !
- Écoute, moi je fais attention à toujours faire quelques courses dans les magasins près de chez moi en tout cas, je connais bien mon boucher par exemple
- Tu manges encore de la viande ? Une filière responsable de 15% des gaz à effet de serre, principale utilisatrice des antibiotiques et qui maltraite les animaux ??
- On parle de ton nouveau sac en cuir ?
- Je travaille pour cette marque je te rappelle, car je ne m’achète plus d’accessoires de fast fashion, désormais je suis pour la déconsommation
- Si tu déconsommes trop, tu vas tuer de l’emploi toi aussi… " nos emplettes sont nos emplois " comme le disait le slogan d’État!
- J’assume, on finira peut-être tous au Larzac
- 10 milliards de personnes en 2050, ça va bouchonner sur le plateau…
- Arrêtons de faire des enfants alors !
- Comment vont les tiens d’ailleurs… ?
- Ok, ok, mais bon je fais ma lessive moi-même maintenant et j’utilise des couches en tissu lavable
- La buanderie est le nouveau lieu à la mode? Je ne savais pas, j’avais compris qu’on s’en était enfin libéré à l’époque…”
Du coup, on ne consomme plus rien ? on renonce au progrès ? on se fige et on prépare la fin de notre espèce ?
Eutopia, le fonds qui soutient les entrepeneur·e·s qui réinventent notre consommation
Si nous avons décidé de lancer Eutopia, fonds d’investissement qui soutient les entrepreneur·e·s repensant notre société de consommation, c’est fort de la conviction qu’il faut apporter des moyens et soutenir l’ambition de ceux qui souhaitent mettre à disposition du marché une offre alternative que nous estimons positive.
Dans le débat complexe de savoir comment juger de ce qui est positif ou non, nous tenions à expliciter nos 10 principes généraux qui animent notre politique d’investissement:
- Notre modèle de société de consommation est à bout et doit être repensé.
- Mieux vaut agir que de ne rien faire, tout en sachant qu’il n’y a pas de réponse idéale mais une nécessaire démarche d’amélioration continue (ex: efforts sur les packagings)
- Consommer n’est pas une tare car cela signifie répondre à ses besoins primaires et secondaires, en revanche chaque consommateur se doit de s’interroger sur ses besoins réels (vs superflus, #frugalité) et de faire ses choix en toute conscience (avec de la place pour les notions de plaisir, d’émotions, d’indulgence #noculpabilisation)
- Les nouvelles marques doivent avoir défini leur mission (ce à quoi elles servent, ce sur quoi elles veulent avoir de l’impact), que ce soit dans leur objet social même ou la manière avec laquelle elles le réalisent
- Le point d’équilibre de l’impact que nous visons se trouve à l’intersection du " bon pour moi ", du " bon pour la planète " et du " bon pour la société ".
- Il faut un alignement profond entre les entrepreneurs et leur projet.
- L’ambition de croissance des marques et leur financement ne sont pas contradictoires avec l’intérêt du bien commun. Leur croissance se fait d’abord par prise de parts de marché à iso-marché sur des offres moins abouties / positives, mais elle peut aussi contribuer à une croissance globale saine (création de nouveaux marchés, circularité des nouveaux modèles etc.). Croître permet aussi de pérenniser des emplois, auto-financer les futurs développements etc.
- Trop de publicité tue la publicité. Nous considérons que la publicité se justifie car si un produit apporte un vrai plus par rapport aux offres existantes, il se doit de se faire connaître, mais à l’inverse notre société étouffe aussi de trop de publicité qui pousse souvent à une consommation superflue. L’un de nos critères d’appréciation est la part du " payant " dans le trafic (pour les marques digitales) ou plus globalement sur le chiffre d’affaires. Nous cherchons à soutenir des offres qui d’abord et avant tout satisfont leurs clients et bénéficient donc d’un excellent bouche-à-oreille / prescription " naturelle ".
- On ne va pas arrêter le progrès scientifique et technique, mais il faut s’en servir à bon escient et pour traiter le sujet crucial des emplois, faire évoluer intelligemment les parcours de formation afin que les compétences développées soient en phase avec les nouveaux besoins.
- Il faut privilégier des modèles qui offrent une juste répartition de la valeur sur l’entièreté de la chaîne, qu’elle soit au niveau des marges (en amont et en aval) que du capital (recours aux BSPCE pour les salariés, mécanisme de répartition des gains, logique de redistribution/give back etc.).
Ces convictions nous les avons bâties de manière empirique, fruit de nos parcours individuels respectifs et de notre expérience commune de plus de 4 ans dans l’accompagnement de nouveaux acteurs des secteurs dits de " grande consommation ".
Nous avons à date investi dans 17 sociétés qui toutes apportent à nos yeux un vrai plus et qui ont également cheminé depuis notre entrée. Nous avons essayé de synthétiser ci-dessous l’impact de ces 17 marques sur nos 3 dimensions clé " bon pour moi ", " bon pour la planète ", " bon pour la société " :
Certain·e·s auront forcément un regard différent sur cette lecture car comme on l’a vu, il n’y a pas de vérités absolues dans la réflexion collective nécessaire autour de la question de la consommation et de son impact. Chez Eutopia, notre vision du futur de la consommation pourrait se résumer ainsi: pas une culture de masse imposée à tous et aveugle sur les enjeux à long terme (sociaux, de santé et environnementaux) comme nous l’avons connue jusqu’ici mais une variété d’offres réfléchies proposées à des consommateurs acteurs de leurs choix.
Comme le disait Romain Guilleaumes, "l’Homo Consommatus est un animal dépensant, c’est-à-dire qui cesse de penser" , il était temps de changer d’ère ! Si vous avez un projet dans ce sens, que vous souhaitez rejoindre une des aventures que nous soutenons et contribuer avec nous à l’émergence d’une nouvelle société de consommation, n’hésitez pas à nous contacter! #welcometoeutopia