Ce n'est pas un beau roman mais c'est une belle histoire. Qui plus est, pas forcément destinée à s'écrire. Lorsqu'AssoConnect rencontre la Maif, il y a un peu plus de deux ans, ils se méfient. Une collaboration semble pourtant évidente : l'assureur avait éprouvé la plateforme Mon Club Facile, qui facilitait la gestion des clubs de sport et souhaitait monter en puissance grâce à un outil adaptable à tout type d'associations ; de son côté, la startup disposait justement de la plateforme adéquate pour cela, présentant quelque 8000 associations utilisatrices, et d'une équipe de 35 personnes suffisante pour porter un partenariat avec un grand groupe.
What else ? Une certaine méfiance, qui aurait pu faire capoter le projet avant même qu'il voie le jour. "Nous avions déjà eu des discussions avec des grands groupes, se rappelle Arnaud de la Taille, cofondateur de la startup. On savait donc comment cela se passe : dans 90% des cas, ça ne fonctionne pas. La relation est déséquilibrée et le corporate veut imposer ses conditions. Les process sont très lourds, avec une tendance à la réunionite, notamment en raison de contraintes juridiques difficiles à contourner. Et les équipes en interne sont rarement motivées." Dont acte : l'open innovation, on ne l'y reprendra plus !
Avancer prudemment mais sûrement
C'est là qu'un petit miracle se produit. La startup arrive à la table des négociations dans l'optique de perdre le moins de temps possible dans des discussions stériles ; la Maif, elle, se montre bienveillante et à l'écoute. "Nous étions intéressés par le produit d'AssoConnect parce que nous n'avions pas vocation à créer nous-mêmes un tel produit, explique Grégory Diguet, chargé de projet marketing au sein de la Maif et qui a supervisé la collaboration. Nous travaillons régulièrement avec des startups et nous savons qu'elles ont davantage de souplesse que nous." L'humilité du corporate fait mouche, le charme opère.
Il faut dire que la Maif est une habituée de l'écosystème startup. Après s'être illustrée il y a quelques années en investissant dans plusieurs jeunes pousses de l'économie collaborative (Koolicar, GuestToGuest, SamBoat...), l'assureur a développé une stratégie d'investissement plus large, prenant des participations SeaBubble, Ledger ou encore Ulule. Et s'est employé à développer un véritable écosystème Maif, ouvrant un Startup Club et prenant le contrôle en janvier dernier du Numa, qui en a profité pour pivoter, délaissant l'accélération au profit de la formation des grands comptes à la transition numérique.
Pas question néanmoins de s'enflammer. "Il était clair pour nous dès le départ que nous n'adapterions pas notre produit, du moins pas dans la première phase du projet, tranche Arnaud de la Taille. C'est en général l'un des problèmes des grands groupes, qui veulent un produit très personnalisé hyper rapidement, sans savoir s'il y a une vraie demande pour cela." Une fois encore, les intérêts s'alignent. "Nous sommes tombés d'accord pour tester le produit aux couleurs de la Maif et voir comment les sociétaires répondraient", se souvient Grégory Diguet. Si l'opération se révélait être un succès, il serait alors temps d'inclure des fonctionnalités spécifiques à l'assurance.
Impliquer les équipes opérationnelles
La réussite de la mission - plus de 2000 associations sociétaires se sont inscrites depuis le lancement de Mon Asso Facile, le 19 avril - tient également à une organisation efficiente. "La Maif a dédié une personne au projet et constitué une équipe chargée de prendre les décisions qui étaient ensuite validées par le pôle juridique", raconte, emballé, Arnaud de la Taille. Un système qui évite le ping-pong entre services ou le casse-tête d'une validation par plusieurs échelons hiérarchiques. Et qui permet d'accélérer les discussions : "à la fin du premier rendez-vous, nous étions en possession de la trame du partenariat et, en une semaine, nous avions déjà bien avancé", se réjouit l'entrepreneur.
Vient ensuite le moment de présenter la plateforme aux équipes opérationnelles. AssoConnect met un point d'honneur à se déplacer dans les 17 pôles régionaux de la Maif dédiés aux structures associatives pour former les 150 professionnels qui y travaillent. "Nous avons été hyper bien accueillis, s'enthousiasme Arnaud de la Taille. Les rencontrer a tout changé." Ce que confirme Grégory Diguet, qui se félicite que "les équipes se soient appropriées la plateforme".
En posant ensemble une à une les pierres angulaires du projet, AssoConnect et la Maif se sont donné les moyens de leurs ambitions. Et peuvent désormais envisager sereinement la deuxième phase de leur partenariat, avec un produit adapté aux besoins des sociétaires de l'assureur. De quoi donner envie aux deux parties de tenter de nouveaux projets d'open innovation ? "Cet exemple nous a rassuré sur la collaboration avec les grands comptes, concède Arnaud de la Taille. Mais il n'y a pas de formule pour que ça fonctionne." Après avoir collaboré avec plusieurs jeunes pousses, dont Linxo ou MesDépanneurs, la Maif a, elle, confirmé sa capacité à travailler avec des pépites tech. Et envisage déjà d'autres partenariats, notamment dans le domaine du bénévolat.