Kevin Feige est entré dans la légende. Le producteur de Marvel studio a réalisé le meilleur démarrage de tous les temps avec le film Avengers : endgame. Il a récolté 350 millions de dollars en un week-end lors de la sortie aux États-Unis et au Canada, a généré 1,2 milliard de dollars en cinq jours. C’est le quatrième film Marvel qui entre dans le top 10 des meilleurs démarrages de l’Histoire. Et le week-end dernier, il est devenu le plus gros succès de tous les temps devant Avatar.
Et pourtant... Flashback. Entre 1996 et le début des années 2000, l’entreprise Marvel frôle plusieurs fois la faillite. Elle est rachetée par Toy Biz, un fabricant de jouets. À cette époque, les films de superhéros font naufrage au cinéma, à l’exception notable des deux Batman de Tim Burton. Marvel se cantonne à une communauté de fans fidèle mais réduite. Quelle stratégie a sorti la franchise Marvel de l’impasse ? Et comment les entreprises peuvent s’inspirer du marketing de Kevin Feige ?
Leçon n° 1 : construire patiemment un univers
Avengers : endgame a été précédé par 21 films qui ont construit l’édifice, un étage après l’autre. C’est la plus grande aventure cinématographique jamais conçue. Avec patience, Kevin Feige a développé un univers dont l’ampleur était insoupçonnable lorsqu’en 2008 sortait le premier Iron Man.
Les marketeurs veulent souvent frapper un grand coup en déployant brusquement une grande campagne (pour tout changer la saison d’après). Développer dans le temps l’univers de la marque, en commençant petit, vous mènera plus loin. Parce que vous finissez par susciter une attente au sein de votre audience.
De la séquence d’emails aux succès de web-séries : le public souhaite désormais avoir une interaction plus riche et plus poussée avec les marques. Vous ne pouvez pas court-circuiter le développement d’un vrai storytelling. Et vous devez offrir une grande vision. Comme Apple, Nike, Louis Vuitton, Chanel... et plus récemment Oasis ou Michel & Augustin.
Leçon n° 2 : miser à fond sur la qualité
Chaque film, chaque élément de l’univers a été travaillé avec soin. Lorsqu’on regarde le casting des films Marvel, on voit défiler les grands noms du cinéma. Les scénarios sont travaillés. Chaque film, même l’opus que l’on pourrait classer comme “mineur” (Ant-man, par exemple), bénéficie du même traitement. Kevin Feige ne se repose pas sur ses lauriers.
Il s’amuse même à placer des détails que seuls les fans vont remarquer, ceux qui regardent le film plusieurs fois, qui font des arrêts sur image pour savoir quel est ce truc qui apparaît une poignée de secondes derrière le héros. C’est l’amour du détail qui va faire qu’on va lire votre newsletter, que votre audience aura envie de lire vos emails ou d’aller voir ce qui se passe sur le compte Instagram de votre marque. Parce que vous aurez soigné les émoticônes, les hashtags, les images ou les GIF. C’est comme cela que vous pouvez susciter un “je ne sais quoi” qui vous sort du lot.
Leçon n° 3 : Segmenter son audience pour mieux bâtir sa communauté
" La stratégie adoptée a été de réaliser des films sur chaque membre des Avengers pour accroître leur popularité et être sûr que la réunion de tous ces héros, dans un énorme blockbuster, fédère un maximum de fans de la franchise Marvel ", souligne l'auteur de ce billet sur Gnitekram.
Les studios Marvel ont eu l’intelligence de toucher des communautés différentes, chacune ayant un héros qui leur correspond.
- Black Panther pour la communauté noire américaine
- Captain Marvel pour toucher un public féminin
- Shang Chi (à venir dans la phase 4 de l’univers Marvel) pour un public asiatique
- Les Eternals (à venir aussi) portant à l'écran le premier super héros gay pour s’allier la communauté LGBT
Du coup, lorsque les héros sont réunis dans les films Avengers, il y a beaucoup de gens au rendez-vous. Il y a, en fait, 2 leçons à en tirer. D’abord, segmenter son audience, ce n’est pas seulement faire des messages personnalisés pour tel âge et tel genre. C’est ménager dans l’univers de la marque un espace pour cette communauté et y placer des éléments auxquelles celle-ci puisse s’identifier.
Ensuite, faites des membres de votre communauté des héros dans l’univers de votre marque. Une entreprise qui fait ça très bien, c’est Livementor. Elle met sans arrêt en avant le succès de ses élèves. Elle développe son storytelling autour des histoires des Livementoriens.
Leçon n°4 : utiliser la rumeur comme stratégie de lancement de produits
Les films Marvel, et en particulier les deux derniers Avengers, ont été produits dans le plus grand secret. Pour éviter les fuites, certains acteurs n’ont eu que des bouts de scénario, voire de fausses scènes. Ainsi, pas de gaffes commises par Mark Ruffalo ou Tom Holland sur les réseaux sociaux.
Kevin Feige a aussi révolutionné la façon de faire des bandes-annonces. Vous verrez dans les teasers des images qui ne sont pas dans les films ! Et pour Avengers : endgames, les images de la bande-annonce ne montraient aucune image au-delà des 15 premières minutes du film. La stratégie de lancement de Marvel s’appuie sur les techniques suivantes :
- diffuser au compte-goutte les informations
- développer quelques fausses pistes
- utiliser des influenceurs (dont les acteurs eux-mêmes)
Cela ressemble beaucoup à la stratégie de lancement d’Apple, dont les innovations sont aussi conçues de façon très confidentielle. Cela tend à susciter des rumeurs. Mais c’est sans doute Mikado qui a réussi à utiliser le mieux ce type de stratégie.
Conquérir une large communauté, ça commence par... connaître son audience. Le succès paraît toujours évident après coup. Il ne l’est pas. Il découle d’une stratégie mûrement pensée et d’un ensemble de tests et d’apprentissages permettant d’isoler les bonnes pratiques.
Alors, par où commencer ? Par le persona (ou avatar client). C’est là que nous devons investir du temps. Rassembler patiemment toutes les données que nous pouvons trouver sur notre cible, interroger notre audience pour en avoir une image précise et juste. Kevin Feige a commencé à s’appuyer sur un persona précis, les lecteurs de comics, avant d’élargir son audience. Et il leur a donné exactement ce qu’ils voulaient. Comme dans les comics : divers épisodes, des histoires individuelles, des histoires collectives, du merveilleux et une dimension épique. Une fois cette audience conquise, il a pu élargir son spectre. Il a développé d’autres personae.