De plus en plus de programmes d’intrapreneuriat voient le jour. Pourtant, cela reste encore difficile de convaincre une direction de lancer un vrai programme ambitieux. De nombreux programmes échouent ou n’ont pas l’impact souhaité car les différents intérêts des personnes clés (COMEX, manager, Dir Inno, RH) n’ont pas été pris en compte. Alors, comment faire pour convaincre à tous les niveaux et aligner les objectifs de chacun ?
Déjà, pourquoi faut-il convaincre ?
Aujourd’hui tous les programmes d’intrapreneuriat qui font leurs preuves et atteignent leurs objectifs ont été portés par une volonté forte de la direction générale de l'entreprise concernée. Une fois convaincus de l’impact tant en termes de transformation culturelle, de développement des compétences que d’innovation, les membres du COMEX s’impliquent de façon directe et permettent de fédérer l’organisation autour du programme.
Un engagement concret et tangible apporte la preuve à tous, intrapreneur·e·s mais aussi managers, RH et directeurs de BU, que l’intrapreneuriat fait partie intégrante de la stratégie de l’entreprise. Cela permet de débloquer les obstacles classiques auxquels font face les intrapreneur·e·s (freins administratifs, technocraties etc.) et de crédibiliser les projets sélectionnés. Convaincre en interne, notamment au plus haut niveau, est donc bien la première étape pour réussir un programme d’intrapreneuriat.
Qui faut-il convaincre ?
Au-delà de la direction, il est important de convaincre à différents niveaux de l’organisation. Cela assure d’éviter les freins auxquels les intrapreneur·e·s vont faire face si le reste de l’organisation n’est pas embarquée.
En premier lieu les managers des intrapreneur·e·s, qui vont avoir à supporter les effets secondaires/externalités négatives de l’intrapreneuriat en direct. De nombreux managers voient des membres de leur équipe, et souvent pas les moins bons, s’absenter de façon partielle ou totale pour conduire un projet d’intrapreneuriat. Ils n’en voient pas toujours les fruits directs pour la BU : certains projets ne sont pas en lien avec leur activité business et d’autres peuvent venir cannibaliser leur business actuel … pour mieux anticiper la croissance future ! Une fois le programme terminé, ils ont à gérer les conditions de sortie définitive d’un intrapreneur dont le projet a séduit ou la réintégration d’un collaborateur dont le projet a pris fin. Dans un cas comme de l’autre, les enjeux RH individuels et collectifs sont nombreux.
Dans cette lignée, il est essentiel d’embarquer également les départements RH transverses dans le dispositif. En effet, ce sont eux qui in fine vont être en charge de gérer les aspects administratifs et juridiques concernant les intrapreneur·e·s : contrats, lettres de mission, mises à disposition... Une fois le programme terminé, ils auront à coordonner la réintégration des intrapreneur·e·s non retenu·e·s. Cette réintégration pose de multiples questions : Comment capitaliser sur les compétences développées par les intrapreneur·e·s ? Comment gérer l’engagement et la motivation de ces derniers de retour dans leur équipe ?
Enfin, les directions innovation, souvent à l’origine et à la conception des programmes, découvrent et apprennent un nouveau métier, en lien avec toutes les fonctions de l’entreprise. Comment aider à la sélection de projets stratégiques et prometteurs ? Comment assurer la mobilisation des collaborateurs et collaboratrices autour des intrapreneur·e·s et créer un réseau d’entraide à leurs côtés ? Comment faciliter les connexions entre ces derniers et le monde externe - notamment les startups de la même industrie ? Tout autant de nouvelles compétences à développer.
Comment convaincre dans l’entreprise ?
Pour convaincre, il faut parler à la tête, au coeur et à l’ego.
Convaincre avec la tête : De nombreuses études ou retours d’expérience démontrent les résultats et impacts de l’intrapreneuriat sur plusieurs facteurs. Comme celle de Conseil et Recherche réalisée auprès de plus de 25 grands groupes (3M, SNCF, Air France etc.) ou le RETEX réalisé par makesense sur le programme Internal Startup Call de la Société Générale et ses 15 partenaires (La Poste, Cisco etc.). Chiffres à l’appui, ils démontrent que l’intrapreneuriat a des impacts tant business avec la création de nouvelles activités qu’en termes d’engagement des collaborateurs ou de développement de nouvelles compétences. Des études comme celle d’Ifop montrent aussi que c’est un facteur fort d’attractivité pour les jeunes.
Parler au coeur : Au-delà des chiffres, tout grand groupe a commencé comme une aventure entrepreneuriale et tout le monde a en soi un entrepreneur (d’autant plus les PDG et directeurs de BU). L’intrapreneuriat permet alors de “retrouver notre culture entrepreneuriale d’origine” comme le dit Alexandre Maymat (Directeur des réseaux bancaires internationaux Société Générale). Ainsi, le grand groupe qui fait ce choix remet au centre des valeurs comme la créativité, la prise de risque, la résilience, l’autonomie. C’est enfin une manière de “donner des temps de respiration à ses collaborateurs, d’avoir plusieurs carrières dans une carrière” comme l’explique très bien Alexandre Maymat mais aussi “de proposer une nouvelle forme de relation à leur travail” comme le dit Stéphane Dauphin (Directeur Général Paris Habitat). L’intrapreneuriat permet à la fois de remettre de l’intuition et de l’inventivité dans des structures qui se sont technocratisées et de prendre soin de ses salariés avec des nouveaux modèles de carrière.
Titiller l’ego : Malheureusement l’ego reste un argument fort quand il s’agit de convaincre une Direction. Le fait que des concurrents aient un programme similaire en place ou de se faire cannibaliser des parts de marché par un nouvel entrant petit mais plus innovant peut agir comme déclic pour impulser la démarche.
Aligner les intérêts de chacun et de chacune derrière un programme
Pour ce faire, il faut notamment s’accorder sur les objectifs principaux et les priorités : Veut-on accélérer la transformation interne en termes de culture, d’agilité et d’innovation ? Veut-on faire émerger les nouveaux leviers de croissance de l’entreprise ? Veut-on augmenter l’attractivité et le bien-être ? Si tous ces objectifs peuvent être nourris, le programme sera mené de façon différente en fonction de l’objectif principal.
Définir les grands enjeux et thèmes d’innovation prioritaires est également important : innover, oui, mais dans un cadre c’est mieux ! L’intrapreneuriat doit servir la stratégie de l’entreprise et les intrapreneur·e·s doivent être guidé·e·s dans cette compréhension. Cadrer de grandes thématiques d’innovation et nourrir les collaborateurs de données externes et internes, voilà qui permet aux projets émergents d’être toujours plus pertinents.
Se mettre d’accord sur TOUS les aspects du dispositif, et si possible dès le début est à ne surtout pas négliger : temps à disposition des intrapreneur·e·s, étapes de Go / No go, taille des équipes et budget, rattachement hiérarchique, modalités d’accompagnement… sont tout autant de piliers à cadrer en amont pour aligner les attentes et clarifier les rôles et responsabilités.
Et enfin, il faut impérativement préparer dès maintenant les suites : comment réintégrer les intrapreneur·e·s qui ne continuent pas ? Quel est le processus pour filialiser ou créer une startup externe ? A qui appartient la propriété intellectuelle du projet ?
Pour cadrer tout cela, nous recommandons une série d’ateliers avec les différentes parties prenantes pour créer puis signer une charte commune reprenant ces éléments clés. Tous les voyants sont au vert, vous avez convaincu tous les niveaux et êtes prêts à lancer le programme !