Derrière l'anglicisme, une idée simple: c'est la possibilité offerte aux entreprises - financières ou non - de se connecter aux services d'une banque, de façon sécurisée, afin de développer leurs propres applications en utilisant les données des clients avec l'accord de ces derniers. Pour les consommateurs, cette technologie ouvre de vastes perspectives : coupons de réduction personnalisés dans leurs magasins favoris, simplification des achats en ligne, obtention accélérée de crédit, conseils patrimoniaux personnalisés, etc. Le tout au terme de processus ultra-simplifiés et réalisables en quelques secondes sur téléphone mobile.
"Ce qui est fondamentalement nouveau (...), c'est la notion de données clients: savoir où sont les données du client, considérer que ces données sont la propriété du client et qu'il va pouvoir les partager", explique Sébastien d'Ornano, le directeur général de la jeune pousse spécialisée en épargne Yomoni. Depuis plusieurs mois, le secteur se prépare à la mise en application en septembre de la "DSP2", directive européenne sur les services de paiement qui obligera tous les établissements financiers européens à ouvrir les données de paiement de leurs clients via des "API", sortes de prises de branchement sécurisées et standardisées.
Les banques à la riposte
L'usage des API n'est pas nouveau: les géants américains du numérique tels que Google ou Facebook en ont notamment fait leur marque de fabrique en fédérant autour d'eux et par leur intermédiaire de gigantesques écosystèmes de services.
Beaucoup de jeunes entreprises innovantes ont par ailleurs trouvé de longue date le moyen d'accéder aux données en convainquant certains consommateurs de leur fournir leurs codes d'accès bancaires. Mais l'entrée en vigueur de cette directive devrait permettre de généraliser la pratique et constitue en soi une petite révolution: oublié le sacro-saint secret bancaire, au nom duquel les banques ont longtemps claquemuré jalousement leurs données.
"La finalité, c'est un service financier tellement personnalisé que le client peut en bénéficier sans faire le moindre effort", affirme Svetlana Baranov, auteur d'un ouvrage sur le futur du secteur bancaire. "Le client utilisera alors un service sans s'en rendre compte, car il sera intégré à d'autres, et son exécution sera automatisée: ce sont les bases de la "finance invisible", et donc de l'idée que l'on peut faire de la banque sans les banques", ajoute-t-elle. Cela suppose pour les établissements bancaires traditionnels de repenser leur place au sein de la finance, sous peine de perdre à terme le contact avec leurs clients à mesure que s'immiscent de nouveaux acteurs. Les grandes banques européennes ont réagi ces dernières années en multipliant les acquisitions, en nouant des partenariats technologiques ou même en créant leurs propres plateformes d'"open banking".
Freins culturels
"Le modèle économique qui émerge aujourd'hui, c'est un modèle dans lequel on vend ses propres produits, (...) on s'ouvre pour vendre les produits des autres et dans lequel on peut aussi" fournir des services à d'autres, a
récemment relevé Ronan Le Moal, le directeur général du Crédit Mutuel Arkéa. À long terme, certains observateurs parient sur l'émergence de grands supermarchés en ligne de la finance, à l'image des modèles développés par l'américain Amazon ou le chinois Alibaba.
Sur ces plateformes, les clients pourraient construire de A à Z leur propre offre de services financiers via de multiples fournisseurs et dans le cadre de parcours sans lourdeurs : un livret d'épargne chez un tel, une carte bancaire ou une assurance chez tel autre, le tout accessible et paramétrable sur une même interface.
Reste qu'en France et en Europe, "on y est encore peu", déplore Julien Maldonato, associé conseil industrie financière chez Deloitte, jugeant notamment que d'importants freins culturels perdurent au sein des
grands établissements. "Il n'y a pas encore ce sentiment d'urgence (...) Il n'y a pas une conscience que la façon de vivre le service bancaire va changer très vite et drastiquement", conclut-il.