Sachant qu’une conversation avec un entrepreneur dure en moyenne 10 minutes, l’investisseur ne peut guère en engager plus de 30 sur une journée. Face au grand nombre de startups présentes avec des stands (plus de 1000 à Vivatech), j’ai du choisir celles que j’allais rencontrer. Tout l’enjeu pour l’entrepreneur est donc de réussir à faire partie des stands attractifs pour un investisseur.
Alors pourquoi un investisseur va aller vers une startup plutôt qu’une autre ? Voici quelques conseils (certains de bon sens) qui je l’espère vous seront utiles.
La première impression
Une présentation simple et directe
À Vivatech en particulier, sous chaque logo de startup, il y a un petit descriptif de son activité. Crucial pour comprendre en un clin d’oeil à qui on a à faire…
Une jeune startup se lance bien souvent sur une verticale et avec un seul produit. En conséquence, la description doit être très précise et aller droit au but avec une phrase simple. Surtout, évitez les envolées lyriques sur votre techno. On en est pas encore là ...
Une image soignée
Crucial ! Investir dans une startup dont l’image n’est pas soignée peut être rédhibitoire pour un VC. Pourquoi ? Parce qu’il est le reflet de votre entreprise. Ne pas soigner son image peut signifier que vous négligez votre produit, son interface et la manière dont vos utilisateurs interagissent avec votre produit.
Le logo est un excellent indicateur : en une fraction de seconde, il permet de voir si la startup est au fait des dernières tendances en terme d’UI et si elle a travaillé avec des designers pour développer sa marque et son produit. C’est peut-être injuste, et surement faux, mais quand vous n’avez que quelques secondes pour décider si oui ou non vous allez engager une conversation d’un quart d’heure avec un entrepreneur, avoir un beau logo, cela peut réellement faire la différence.
Ces expressions qui peuvent faire fuir un investisseur
" La 1ère startup qui… "
Utiliser cet argument peut envoyer deux messages : Soit vous êtes réellement les premiers à créer un produit/service. Cela peut signifier que le marché n’existe pas (encore) et que vous allez donc devoir évangéliser le marché (avec tous les risques induits). Pourquoi pas ! On aime les risques ! Mais être les premiers ne signifie pas que le succès va immédiatement suivre. On observe même souvent l’inverse... Soit c’est votre seul argument marketing – signifiant au contraire que vous êtes sur un marché encombré et que votre seul facteur de différentiation est de pouvoir vous targuer d’être les premiers.
" Notre technologie brevetée… "
Aussi surprenant que cela puisse paraître, cela peut renvoyer un signal négatif pour un investisseur.
Jouer le jeu des brevets n’est pas évident pour une startup: lancer une procédure prend du temps (ce que n’a pas une startup) et les frais d’avocats sont exorbitants. Mais évidemment, quand c’est possible, il faut protéger ce qui est protégeable (cela aura de la valeur au moment d’une potentielle acquisition)
Un VC privilégiera davantage un produit qui a trouvé son marché et démontré de la traction plutôt qu’un produit dont la seule valeur est d’être protégée par un brevet. La vraie barrière à l’entrée reste la complexité technologique de votre produit. Le brevet est intéressant mais ne doit pas être le seul argument de votre startup.
La vie sur le stand
Engager la conversation par le contenu
Un investisseur (et tout visiteur en général) entre sur un stand par ce qu’il perçoit de l’extérieur, et va y rester par ce qui s’y passe à l’intérieur. L’enjeu pour vous est donc de trouver un moyen de capter l’attention de l’investisseur et engager une discussion, même courte.
Les investisseurs accordent énormément d’importance au produit. C’est la vraie force d’une startup. Pourtant, trop d’entrepreneurs n’ont pas le réflexe de le mettre en avant, le montrer, et expliquer ce qui le rend exceptionnelle.
Les contenus sont donc clés. Plus ils sont ludiques, interactifs et bien faits, plus vous gagnez en attractivité : une vidéo, une démo d’un produit, tous les moyens sont bons pour sortir du lot, montrer que vous vous donnez les moyens d’engager la conversation.
Ces salariés tous brandés aux couleurs de la startup
Un investisseur est sensible à l’ambiance qu’il peut percevoir dans une startup. Quand nous investissons dans une startup en early stage, la réflexion porte principalement sur les fondateurs, leur complémentarité, leur entente et leur capacité à engager l’équipe.
Même si cela peut faire un peu cliché de la “startup nation”, il ne faut pas négliger des artifices comme les vêtements brandés à votre image. Tout le monde ne sera pas d’accord avec ça, mais je trouve que cela démontre que les fondateurs et collaborateurs sont fiers de ce pour quoi ils travaillent au quotidien, fiers de leur image de marque. Bref qu’ils sont engagés.
Je me rappelle par exemple d’un événement ou l’on pouvait croiser 20 salariés de Meero il y a plus de 2 ans, tous avec des sweats de leur startup ! Dans un évènement avec 100 personnes… c’était très fort en terme d’engagement !
Prioriser les discussions
Savoir interrompre poliment une discussion en cours, pour se renseigner sur l’identité des personnes qui attendent, et ainsi optimiser le temps à accorder à chaque interlocuteur en fonction des priorités, c’est un vrai savoir-faire.
Un salon est un moment éprouvant pour les fondateurs. Ils ont vite fait de s’" épulmoner " (expression entendue lors de cette édition de Vivatech). Alors autant optimiser votre souffle, votre voix, et votre temps en priorisant les interlocuteurs les plus utiles à votre startup. Et vu de l’extérieur, cela “fait sérieux”.
Et puis, le bénéfice est à double sens. Sur un salon, un investisseur essaie de rencontrer un maximum d’entrepreneurs. En conséquence, s’il attend trop longtemps pour pouvoir parler à quelqu’un sans avoir l’impression d’avoir été remarqué, comme tout le monde, il finit par partir. Evidemment, l’investisseur n’est pas prioritaire, il doit simplement organiser au mieux son temps.
Sur un salon, le paraître (dans le bon sens du terme) prime. C’est l’effort perçu par l’investisseur pour vous rendre clair et attrayant qui va le faire entrer sur votre stand. Et c’est votre capacité à être un bon hôte qui va le faire rester. Une fois que tout cela est réuni, on peut (enfin !) rentrer dans le détails de votre vision, de vos produits et services, de votre organisation, voire de vos metrics.
Et si on décide de se revoir dans un contexte hors salon, il y a à nouveau plein de choses à savoir sur ce qu’attend un investisseur d’une startup en early stage et sur les signaux faibles renvoyés qui peuvent faire basculer votre levée de fonds.
Alban Oudin est startup scooter chez XAnge, sa fonction principale est de détecter très tôt les startups à haut potentiel de croissance : sur le terrain, dans les incubateurs et au contact des autres VCs, Business Angels, Corporate Venture Capitalists et entrepreneurs.