Anne Philippot, directrice expérience client, digital et innovation chez Roche en est convaincue : la santé est un secteur éligible à la co-construction de solutions, car les besoins sont nombreux, complexes et plus critiques qu'ailleurs. “Nous sommes dans une démarche pluridisciplinaire pour avoir plus d’idées et faire appel à l’intelligence collective.” La démarche d’open innovation du groupe est donc largement assumée, puisqu'il considère qu’il n’est pas possible de tout inventer en interne.
Pour concrétiser cette ambition, le groupe pharmaceutique s’est rapproché de Matrice, un programme de dix mois qui associe différents savoirs et milieux afin de créer des équipes étudiantes mixtes qui vont inventer de nouvelles solutions. François-Xavier Petit, directeur général du programme, explique que cette expérience, "en plus d’être une aventure collective qui rassemble étudiants et grand groupe, suit une méthode assez scientifique qui permet de construire des équipes pour pouvoir, à la fin, créer quelque chose de concret”. Pour les étudiants, ce programme leur offre la possibilité de potentiellement monter leur propre startup et ce dans des conditions réelles, avec de vraies données du marché et des acteurs solides.
Un programme basé sur quatre phases étendues sur dix mois
Pour rejoindre le programme, la sélection des étudiants est fondée sur deux critères : leur motivation, ainsi que leurs compétences. Pour ce deuxième point, l’idée est en effet d’aller chercher des profils pluridisciplinaires, pour rendre les équipes les plus complémentaires possibles. Pour cette édition avec Roche, des étudiants en droit des données, de la santé mais aussi en médecine, en management et entrepreneuriat ou encore dans le numérique ont notamment été ciblés. Vingt-six jeunes ont ainsi été sélectionnés, donnant le top départ à ces dix mois de projet.
Le programme s’est déroulé en quatre phases. La première était une immersion d’un mois : les étudiants se sont rendus dans des hôpitaux afin d’y rencontrer les diverses parties prenantes : patients, personnel hospitalier, etc. Le but était de comprendre les besoins, mais aussi de permettre aux jeunes de commencer à partager des compétences et des affinités. La deuxième phase a duré deux mois et était celle de la transformation. Lors de cette dernière, cinq équipes d’étudiants se sont formées et, ensemble, elles ont procédé à une maturation de leurs idées en projets viables. S’en est suivie la troisième phase, qui s’est étendue sur trois mois, et qui était celle de la production. Les projets se sont alors transformés en solutions concrètes. C’est à ce moment-là qu’ils ont pu réaliser un prototype, étudier les enjeux stratégiques ou encore construire un modèle économique viable. Enfin, la dernière phase a été celle du déploiement : les étudiants ont pu mettre à l’épreuve leur solution.
Cinq projets dans le domaine de la santé
À l’issue de ce programme, cinq projets ont émergé :
- Uway améliore l’expérience patients au sein des urgences
Il s’agit d’une application web d'information qui a pour vocation d’améliorer l’attente des patients et les conditions de travail du personnel médical, ainsi que de gagner du temps sur la prise en charge. - Désertix : la data pour résoudre la problématique des déserts médicaux
C’est un outil cartographique de pilotage pour les politiques territoriales de santé. Partant du constat qu’il existe des inégalités d’accès aux soins en France, l’exploitation des données est une opportunité pour réduire ces inégalités. - ProtocoIR : le nouvel assistant virtuel dédié à la recherche clinique
Cette application web collaborative permet d’optimiser la gestion des essais cliniques. Cette solution propose une plateforme pour centraliser et faciliter la gestion collaborative de tous les essais de l’ARC (Attaché Recherche Clinique) hospitalier. - WelcomeDoctor facilite la mobilité et le recrutement des médecins
C’est une plateforme web participative qui permet aux médecins de trouver de l’information, d’échanger entre eux, mais également de donner une meilleure visibilité sur les possibilités de recrutement en France et à l’étranger. - Qapla optimise les échanges patient-médecin en pédiatrie
Qapla est une application web qui a pour finalité d’optimiser les échanges entre patients et médecins. Elle capitalise sur la préparation de la consultation pédiatrique par le biais de questionnaires ciblés à destination des familles.
Un réel partage entre les collaborateurs de Roche et les étudiants
Pour Capucine Striffler, une des étudiantes à l’initiative du projet Uway, “collaborer avec un grand groupe est une expérience très enrichissante, source de nombreuses opportunités. Naturellement, nous souhaitons poursuivre ce partage de culture afin de favoriser, ensemble, le bien-être des patients et la modernisation du parcours de soin”.
En rejoignant le programme, Laurent Eckert, de l’équipe ProtocolIR, avait un objectif clair : monter une startup. Il explique qu'il voyait Matrice “comme un moyen intéressant de conjuguer à la fois [s]on envie de repartir sur un nouveau projet mais aussi de travailler sur des problématiques " santé " qui [lui] tenaient particulièrement à coeur". Il ajoute, que “tout l’enjeu pour Matrice était alors de nous donner les moyens de mener à bien cette course d’obstacles qu’est le développement d’un projet entrepreneurial. Et de ce côté-là, c'est réussi”. Concernant sa collaboration avec Roche, l’étudiant explique avoir tissé des liens étroits avec les équipes tout au long du programme.
Du côté du grand groupe pharmaceutique, Anne Philippot raconte que l’acculturation a été totale. “Les cinquante collaborateurs de Roche ayant participé au projet se sont facilement pris au jeu alors qu’avant ils avaient peu baigné dans des dynamiques d’open innovation comme celle-ci". Pour elle, cela a façonné un esprit intrapreneurial au sein de l’entreprise et a ainsi encouragé de nouvelles propositions en interne.
Finalement, ce projet se conclut ce jeudi 4 juillet à l’Institut Imagine à Paris, où l’ensemble des parties prenantes vont se réunir pour témoigner de ces dix mois de collaboration. Ce sera également l'occasion de mettre en avant la performance du programme Matrice, qui en fait sa force, car comme l’indique François Xavier Petit, “alors qu’un an après la sortie des incubateurs d’école, 6% des projets se poursuivent, ils sont 60 à 70% chez Matrice”.