"Le conflit de Paris avec Airbnb menace-t-il les conciergeries", nous demandions-nous en février. Six mois plus tard, de premiers éléments de réponse émergent. Alors que la saison estivale bat son plein, le service de conciergerie Bnbsitter a annoncé mardi 2 juillet qu'il fermait ses portes. "Après six ans ensemble, j’ai le regret de vous annoncer que Bnbsitter arrive au bout de son aventure", écrit Piero Cipriano, le cofondateur, dans un billet Medium repris sur le site de la startup. Et, après avoir remercié les équipes de la pépite - qui a compté jusqu'à 35 salariés - et ses investisseurs, l'entrepreneur règle ses comptes.
"Année après année, nous étions en croissance, certes, mais pas encore suffisamment forts pour amortir les attaques portées ces derniers mois contre les plateformes internationales de location touristique", estime-t-il. Interrogé par Maddyness, il a précisé que la croissance de Bnbsitter "a été beaucoup plus faible" ces derniers mois, provoquant les craintes des investisseurs. Source de ces problèmes, selon lui : la loi Elan, qui limite à 120 jours par an la location d'une résidence et oblige les plateformes à contrôler que les propriétaires respectent ce plafond. Il évoque également le fait que ces dernières doivent transmettre à l'administration les revenus des propriétaires. "Ces réglementations ont changé le paradigme de l'économie collaborative en faisant peser sur les plateformes et non sur les utilisateurs ces réglementations", estime Piero Cipriano. "L'économie collaborative ne fait plus rêver, aujourd'hui, en France", conclut-il, dépité.
Des contraintes réglementaires à prendre en compte
S'il souligne qu'il était "au départ en phase" avec ces réglementations, l'entrepreneur regrette qu'elles aient été appliquées de façon "brutale". "Je regrette que ce sujet ait été utilisé par certains acteurs à des fins politiques, parce qu'il était plus facile de s'en prendre à Airbnb que de s'attaquer au problème de fond du logement à Paris, tacle-t-il, ciblant la mairie de Paris. Il faudrait laisser plus de liberté aux entrepreneurs pour entreprendre." Piero Cipriano regrette finalement que "avec Bnbsitter, [ce soit] une partie de l’économie collaborative made in France qui déclare sa faillite, mise au tapis par la guerre aveugle et sans merci menée contre la sharing economy made in US. Mais l’une (la française, plus sensible au facteur humain et/ou environnement) n’est pas forcément l’autre (l’américaine, plutôt axée pure business), et l’amalgame créé entre les deux a paradoxalement pénalisé pour le moment une startup 100% française et a eu peu d’effets sur les mastodontes internationaux".
Un paradoxe que constate aussi Quentin Brackers de Hugo, fondateur du service de conciergerie HostnFly : "les pouvoirs publics pensent s'attaquer aux géants américains mais ils n'ont pas conscience de tout l'écosystème français qui est également touché". Néanmoins, il estime que l'impact des réglementations "dépend du positionnement de l'entreprise". Et que celles qui ont su s'adapter à ces changements - en diversifiant leurs cibles ou en s'attaquant à de nouvelles niches - s'en sortent finalement plutôt bien. "La réglementation a changé pas mal de choses, concède de son côté Romain Bellet, fondateur de WeHost. Mais cela a surtout permis de donner au marché un cadre clair dans lequel se développer !" L'entrepreneur estime que les nouvelles règles en vigueur "n'ont pas constitué de frein au développement des conciergeries".
Le marché se structure... et devrait continuer à le faire ces prochains mois. "Il y avait beaucoup d'acteurs sur le segment de la conciergerie, rappelle Quentin Brackers de Hugo. Or ce n'est pas un secteur où 50 acteurs peuvent co-exister. Ce n'est pas non plus un winner takes it all mais seules trois ou quatre entreprises sortiront vainqueurs." La chute de Bnbsitter mais aussi les rachats de Luckey Homes par Airbnb et de Bnblord par GuestReady laissent entrevoir ce à quoi le paysage des conciergeries pourrait ressembler d'ici quelques mois.