Republication du 5 juin 2019
Pour budgétiser son internationalisation, le processus est assez simple : établir un business plan, puis multiplier les coûts et le temps nécessaires par trois. Encore plus simple : si un entrepreneur ne dispose de liquidités suffisantes que pour 18 à 24 mois, il lui sera difficile de s’implanter dans un nouveau pays. En effet, investir – des ressources financières dans un projet qui peut réussir ou échouer ainsi qu’investir rapidement pour ne pas se laisser dépasser par ses concurrents – est un jeu à double tranchant.
Après s’être assuré d’avoir les liquidités nécessaires, il est important de suivre certaines étapes clés pour confirmer que l’idée d’une internationalisation est possible.
Étape 1 : testez la compatibilité de votre ADN à l’international
Avant de s’exporter, il faut pouvoir répondre en toute honnêteté à quelques questions basiques :
- À quels obstacles serez-vous confronté pour développer vos activités sur le nouveau marché ?
- Qu’essayez-vous de prouver et pourquoi ?
- Quels éléments probants vous convaincront d’investir 10 fois plus pour la croissance ?
Si de nombreuses questions restent en suspens, attaquez-vous à celle qui vous semble la plus compliquée à entreprendre. Par exemple, une entreprise SaaS qui souhaite se développer aux États-Unis doit chercher à se positionner face à son principal concurrent américain.
Étape 2 : définissez les premiers besoins de votre filiale
En tant que startup, le budget n’est jamais illimité. Il faut donc minutieusement dépenser et se concentrer sur les besoins vitaux de la filiale étrangère :
- trouver un directeur régional suffisamment agile pour qu’il puisse ensuite recruter sa propre équipe,
- utiliser les ressources de l’équipe centrale tout en protégeant votre équipe de développeurs (souvent la plus précieuse à ce stade).
Enfin, limitez la taille de la filiale locale pour optimiser les résultats. Concentrez-vous sur votre solution phare. Cela dit, ne tombez pas dans le piège du sous-investissement. Les " programmes de scouting ", dans lesquels une personne tente d’évangéliser un nouveau marché, fonctionnent rarement.
Étape 3 : décidez où implanter votre filiale
Le lieu choisi doit être facile d’accès pour les clients et les partenaires, et pratique pour les déplacements au siège. Installez-vous là où vous pouvez vous développer à long terme. Au Royaume-Uni, il est incontestable que Londres est la ville idéale. Il en est de même pour Paris en France. En Allemagne et aux États-Unis, les options sont plus nombreuses mais pour les seconds, les métropoles côtières sont de parfaites alliées.
Étape 4 : fixez un délai raisonnable pour l’ouverture de la filiale
Il faut généralement prévoir un an pour prouver qu’un produit peut fonctionner dans un nouveau pays. Estimez donc le délai nécessaire pour que votre filiale soit opérationnelle. Prévoyez du temps pour recruter l’équipe et du temps supplémentaire pour le besoin inévitable de remplacer certains membres de la team.
Étape 5 : définissez le budget nécessaire pour un nouveau bureau
Il est crucial de déterminer le budget à prévoir pour la filiale, notamment le personnel, le marketing et les frais généraux. Renseignez-vous sur les différents systèmes fiscaux ainsi que sur les tenants et aboutissants de la partie légale. Incluez les honoraires des recruteurs, les coûts de rotation du personnel, ainsi que les frais juridiques liés à la création de l’entité locale et aux approbations réglementaires éventuelles. Prévoyez également un budget de déplacements pour permettre à l’équipe de se rendre au siège et une marge de manœuvre pour les fluctuations monétaires.
Le poste du Country Manager sera le plus coûteux, alors choisissez un profil " caméléon ". Vous ne cherchez pas quelqu’un pour diriger une entreprise de 100 personnes ; vous avez besoin d’une personne intelligente, flexible et motivée, capable de gérer du personnel et ayant une expérience utile. Motivez-la généreusement avec un intéressement lié à des objectifs de performance. Il peut être tentant de créer des filiales locales et d’octroyer aux équipes dédiées une participation au capital de la filiale mais cela peut devenir un handicap ultérieurement.
Étape 6 : déterminez le nombre de marchés que vous souhaitez tester
Quel que soit votre niveau de préparation, il arrive que de nouveaux marchés ne produisent pas les résultats escomptés. Généralement, il faut plus de temps que prévu. Si vous pouvez vous permettre de tester plusieurs marchés en parallèle, il est judicieux de le faire afin d’éviter de perdre du temps.
Si vous lancez un produit sur plusieurs marchés, budgétisez le coût d’un responsable de l’international chargé de diriger les opérations, de s’assurer de l’application des meilleures pratiques et de jouer le rôle de porte-parole auprès de l’équipe en charge du produit.
Étape 7 : estimez le coût du développement de croissance sur le nouveau marché
Une fois que votre filiale est sur la bonne voie, commencez par investir rapidement pour vous développer. Alors que son avenir était incertain, il est désormais logique de mettre en place une structure évolutive, dotée de systèmes dorsaux et d’outils appropriés, ainsi que de ressources dédiées aux produits et à la conception. Estimez combien il en coûterait pour doubler la mise sur un nouveau marché.
Étape 8 : structurez-vous pour une nouvelle levée de fonds
Assurez-vous de disposer de liquidités suffisantes pour pouvoir avancer avant de lever de nouveau des fonds. Prenez le temps nécessaire pour obtenir l’adhésion au projet des cofondateurs et de l’équipe dirigeante. Une stratégie internationale ne peut pas être établie par consensus, mais toutes les parties prenantes doivent y adhérer.
Étape 9 : dernière étape, passez à l’action !
En supposant que vous soyez dans le cycle habituel de collecte de fonds de capital-risque situé entre 12 à 24 mois, lancez vos activités sur de nouveaux marchés immédiatement après avoir reçu vos fonds, afin de pouvoir réaliser des progrès significatifs avant la prochaine levée. Cela dit, il faut parfois deux à trois ans, soit deux cycles de collecte de fonds, pour faire décoller votre entreprise sur un nouveau marché.
Ces étapes semblent impensables au premier abord mais sont tout à fait réalisables en quelques semaines. Il est important d’y réfléchir dès les prémices de la création d’une startup à son internationalisation. Cela facilitera la prise de décision et fera gagner un temps précieux. Le fait d’agir rapidement permettra de se concentrer sur des tâches cruciales et chronophages comme le recrutement de l’équipe internationale. L’avantage de l’internationalisation est qu’elle peut se faire parallèlement à d’autres projets de développement.