"C'est votre personnalité qui nous intéresse", "nous recherchons des gens prêts à vivre une aventure humaine et professionnelle enrichissante"... De plus en plus d'offres d'emplois soulignent l'importance du savoir-être et de la personnalité des candidats. En effet, les valeurs et les singularités semblent prendre autant d'importance que les compétences et qualifications. Les entreprises veulent donner un sens au poste et aux missions qu'elles proposent. Cette recherche de sens semble être la clé pour décider un candidat à postuler... et à rester ! Mais c'est aussi, à l'inverse, ce qui peut l'amener à démissionner.
Si l'on se réfère aux résultats des études sur les transitions professionnelles effectuées par l’Observatoire des Trajectoires Professionnelles, cette quête de sens se généralise. Ainsi, les résultats de la troisième édition de l'étude, réalisée en 2018, ont montré qu’un actif sur deux envisage de changer de profession mais ne sait pas vers qui se tourner pour obtenir un accompagnement. Et plus d’un actif occupé sur quatre (26,9%) a même traduit ce besoin de changement par une transition professionnelle durant l'année précédant l'étude.
Du fantasme à la réalité
La transition professionnelle ne serait pas un phénomène nouveau : cette notion apparaît dès 2007 dans l’ouvrage de l’américaine Marci Alboher One person/multiple carreers et a été popularisée par Seth Godin qui le résume ainsi : " mon grand-père a fait le même travail toute sa vie, mon père a eu sept emplois différents tout au long de sa carrière, et moi, j’ai sept emplois en même temps ". En effet, le phénomène de reconversion a toujours existé mais " nous n’avions pas pris le temps de nous poser les bonnes questions, appuie Floriane Pelletier, responsable marketing et communication chez Switch Collective. L’évolution de la société a fait que nous avons moins d’attachement à notre entreprise et que nous sommes amenés à multiplier nos expériences professionnelles. " Ainsi, nous pourrions être amenés à "switcher" plusieurs fois dans notre vie, notamment parce que, pour la génération Y, les choix de carrière ont été conditionnés dès le lycée, par le choix d'une filière scientifique, littéraire ou économique. Mais l'évolution de la société et de la technologie peuvent ouvrir de nouvelles perspectives.
C'est l'une des raisons qui peuvent amener une personne à se rendre compte que le travail qu’elle exerce n’est finalement plus ce qu’elle voulait faire. L'idée que l'on se fait d'un métier dicte souvent le choix de parcours, mais lorsqu'on se confronte à la réalité du terrain, on se rend compte que le travail dont on rêvait ne correspond finalement pas vraiment à nos attentes. La déception est encore plus importante compte tenu des efforts fournis et des sacrifices faits pour en arriver à ce stade. En outre, entre le moment où le choix de carrière a été réalisé et l'entrée dans le monde du travail, un laps de temps considérable s'est écoulé sans qu'on puisse forcément se poser des questions et réfléchir à ce qu’on veut vraiment.
Une ressource humaine plutôt qu'un maillon de la chaîne de production
Deux secteurs sont particulièrement touchés par ce besoin de changement : la communication/publicité et le conseil/finance. En effet, selon Floriane Pelletier, ce serait toujours ce manque de sens qui fait que "soit les travailleurs se sentent comme un petit maillon qui ne peut pas faire grand chose dans une grande structure, soit ils ont l'impression de vendre du vent, notamment dans le domaine de la communication et la publicité, ce qui ne correspond pas à leurs valeurs".
Le salarié a alors l'impression que son travail ne lui sert qu'à payer ses factures mais ne lui apporte pas ce qu'il recherche. D'autant que les salariés de la génération Y recherchent en outre un alignement de leurs vies personnelle et professionnelle. Qu'il s'agisse d'élever des enfants, d'avoir plus de temps pour ses loisirs ou de pouvoir s'investir dans une association, hommes et femmes cherchent à se dégager du temps personnel. La problématique centrale reste cependant la même : je ne me retrouve plus dans ce que je fais et mon travail n'est pas aligné sur mes valeurs, comment puis-je réconcilier les deux ? Sans surprise, les jeunes sont les plus touchés par cette remise en question : 49,6% de ceux qui se disent prêts à se reconvertir ont entre... 18 et 26 ans !
D'un parcours normé au parcours personnalisé
"Les problématiques de recrutement ne sont plus les même qu'il y a quelques années", avance Floriane Pelletier. En effet, l'entreprise privilégie l'innovation dans ses structures et son organisation pour accroître son agilité ; et l'État doit permettre la mise en place de dispositifs adaptés à l'individu et offrir des moyens pour s'adapter aux exigences du marché du travail. C'est ainsi que le projet de transition professionnelle s'est substitué à l’ancien dispositif du CIF, supprimé le 1er janvier 2019. Il permet toujours une continuité de financement des formations longues de reconversion avec congé associé. Toutefois, ses contours et modalités d’accès ont évolué. Ce projet est une modalité particulière de mobilisation du compte personnel de formation, permettant aux salariés souhaitant changer de métier ou de profession de financer des formations certifiantes en lien avec leur projet.
Cependant, le dispositif de l'État ne concerne que les salariés et reste assez lourd à mobiliser. Face à la demande de plus en plus pressante de changement et de formation, de nombreux dispositifs alternatifs d'accompagnement ont vu le jour, à l'instar de WorkUp ou Switch Collective. De plus en plus de coachs de carrière épaulent également les travailleurs.
Plus de 2500 participants ont ainsi participé au programme d'accompagnement proposé par Switch Collective depuis trois ans. Il s'agit d'un programme qui rassemble des promotions de 40 personnes, qui, pendant 6 semaines, vont travailler ensemble et individuellement pour apprendre à faire le point et définir les bases d’un premier projet pour switcher. "Nous avons une approche assez holistique avec une ouverture multidisciplinaire où l'on va intégrer du coaching, de l’orientation, de la psychologie, de la sociologie et de la philosophie", explique Floriane Pelletier.
Différentes façons de changer
Les participants travaillent tout particulièrement sur leur ouverture sur le monde de demain car d’ici 10 ou même 50 ans, nombreux sont les métiers que l'on exerce aujourd'hui qui n'existeront plus. D'autres questions se posent alors : comment faire pour réinventer son métier ? comment rester actif dans cette transformation qui est en train de se concrétiser ?
Pivoter professionnellement ne veut donc pas toujours dire changer de métier. Ainsi, 50% des personnes accompagnées chez Switch Collective décident de se mettre à leur compte pour devenir freelance mais en restant dans le même secteur que celui de leur précédent emploi. Ou choisissent de créer une entreprise, avec ou sans lien avec leur formation initiale. Changer de poste dans la même société ou d'entreprise en restant dans le même secteur sont autant de moyens de switcher sans être trop radical. À chaque profil son pivot !