" Tout le monde est bienvenu pour faire des affaires et créer des emplois en France ", c’est par ces mots que le président Emmanuel Macron a entamé sa visite du salon des startups VivaTech à Paris. Le chef de l'État a tout d’abord déambulé pendant plus d’une heure dans les allées du parc des expositions de la porte de Versailles. Il a commencé par le stand de bpifrance. " C'est le capital humain et le capital financier qui sont la clé de cette réussite, a-t-il dit. Par l'innovation, on peut à la fois réduire nos émissions et redonner de la biodiversité ", a ensuite ajouté Emmanuel Macron, à 10 jours des élections européennes, pour lesquelles l'écologie figure en première place du programme macroniste. " S'il n’y a pas une Europe forte, on n'a pas la possibilité d'avoir un marché domestique fort, y compris en France. " Selon lui, il faut parler de " ce que l'Europe apporte à nos agriculteurs ". " L'Europe, elle protège, elle est notre accélérateur ", a-t-il plaidé.
Une fois cette mise en jambes terminée, le président s’est entretenu avec Jack Ma, le patron du groupe chinois de commerce en ligne Alibaba, avec lequel il a échangé sur la meilleure manière de développer l’export des marques françaises en Chine.
Emmanuel Macron a ensuite rejoint la salle de conférence principale du salon pour se prêter au jeu des questions/réponses avec cinq entrepreneurs européens - dont deux Français. Apparemment ravi de prendre la parole devant un auditoire qu’il ne connaît que trop bien, le président a commencé par une phrase qui a soulevé de nombreux applaudissements parmi les quelque 5000 personnes venues pour l’écouter : " Je suis heureux de vous retrouver, on se voit de moins en moins souvent ". Avant de débuter l’échange avec les entrepreneurs présents, le président a commencé par une séquence d’autosatisfaction qui, une fois encore, a rencontré son public : " Il y a quatre ans, nous étions déjà les meilleurs d’Europe occidentale en création de startups, mais nous avions du mal à scaler. Aujourd’hui, les tickets sont de plus en plus gros, on constate une accélération de l’écosystème. En France dorénavant on lève plus rapidement et on attire de nouveaux talents, nous n’avons d’ailleurs jamais autant créé de licornes. " Si ces propos ne sont pas faux, ils sont tout de même à nuancer. La France boucle certes beaucoup de levées de fonds, mais les montants des opérations restent en général plus faibles qu'en Allemagne et qu'au Royaume-Uni. Selon le baromètre EY, les levées de fonds supérieures à 50 millions d'euros représentaient seulement 749 millions d'euros cumulés en France l'année dernière, contre plus du double en Allemagne et plus du triple au Royaume-Uni !
Lutter contre les géants étrangers
L’" interview " du président par les entrepreneurs commence avec une première question posée par Julia Bijaoui, la très en vue cofondatrice de Frichti. L’entrepreneure l’interroge sur la nécessité d’être plus protectionniste notamment " pour éviter que ce soit Amazon qui fixe le prix des tomates ". Emmanuel Macron répond croire beaucoup plus en la communication positive qu’au repli sur soi. En clair, selon lui, une entreprise comme Frichti doit pour s’imposer face à la concurrence - d’acteurs souvent d’une taille bien supérieure - communiquer sur le principe de consommation responsable qu’elle propose et sur son faible bilan carbone.
Le chef de l’État reconnaît toutefois qu’il est primordial que les géants américains payent en France les mêmes impôts que les startups hexagonales. " Il faut avoir un cadre fiscal juste ainsi qu’un cadre compétitif loyal et équitable pour éviter notamment que les plus gros acteurs rachètent tout ", explique t-il avant d’ajouter qu’" en Europe, on a développé une politique de concurrence qui bloque certains rapprochements ". Le chef de l'exécutif français insiste ensuite sur la nécessité pour l’Europe de bâtir un cadre d’investissement qui permette d’aller " plus vite, plus loin, plus fort ". " On a mis en place bpifrance qui a beaucoup structuré le marché français, ajoute le président, il y a de plus en plus de Business Angels, ces entrepreneurs qui ont réussi et qui décident de réinvestir en France. On a des fonds qui se sont structurés, on a attiré des fonds internationaux pour aider à la croissance et pour accroître le montant de nos levées. Nous sommes également en train de développer un vrai marché européen pour coter les entreprises. Mais on est encore bien moins performant que les USA sur ce sujet ", consent-il.
Pour garder ces investisseurs dans l’Hexagone, il faut, selon Emmanuel Macron " un cadre fiscal incitatif ". C’est, dit-il, pour booster les investissements qu’il a déjà supprimé l’ISF et imposé une flat-tax à 30% sur le capital détenu. L’étape suivante devra être européenne, estime t-il. " Il faut faire circuler l’épargne en Europe, elle doit aller se mettre là où il y en a le plus besoin. "
L’importance des talents...
Pierre Dubuc, le cofondateur et CEO de la startup de l’EdTech OpenClassrooms, interroge ensuite Emmanuel Macron sur les meilleurs moyens de former les meilleurs talents en France et surtout de les garder sur le territoire. " Nous devons développer l’enseignement par le numérique, répond le président, notre objectif doit être de former aux nouveaux métiers. Nous avons d’ailleurs attribué un budget de quatre milliards d’euros à ce sujet ".
Le chef de l’État estime que la France dispose de tout ce dont elle a besoin pour conserver ses talents et même en attirer depuis l’étranger : " Notre système fiscal est désormais compétitifs et nos systèmes de santé et d’éducation sont ultra-performants et gratuits. Il faut valoriser cela, ça fait partie de l’attractivité de la France qui a d’ailleurs tout pour remporter la grande bataille de l’attractivité ! "
... et de l’Europe
Relancé sur le sujet de l’Europe par Thomas Plantega, le cofondateur néerlandais de Vinted, Emmanuel Macron déclare que nous avons " besoin d’acteurs qui peuvent être des concurrents pour les Américains ou les Chinois. C’est toute l’idée de l’UE. Cela ne veut pas dire que l’on abandonne la souveraineté. Le combat de l’Europe aujourd’hui, c’est de savoir si l'on veut d’un G2, d’un combat entre les USA et la Chine ? Ou veut-on que l’Europe soit un lieu où l’on permet la croissance, où l’on a une stratégie pour le quantique, où l’on a un plan de développement de l’IA ? Nous n’avons pas le même point de vue que les Chinois ou les Américains. Je crois beaucoup à l’Europe parce que je crois beaucoup à la France ", martèle le président sous les applaudissements de l’assemblée.
Pour conclure, Emmanuel Macron insiste sur le " bon tandem " que forment la France et l’Europe pour créer le monde de demain. " Il y a quelque chose qui ne nous manque pas ici, c’est l’ambition et l’enthousiasme, l’Europe peut devenir le leader de la tech de demain ", assure t-il. Oui, mais demain… c’est loin !