56 milliards d’euros : c’est ce que représentent, chaque année, les retards de paiement ou les impayés imposés par des fournisseurs ou des clients aux entreprises françaises. Un véritable fléau, à l’origine de la faillite de près de 25% des TPE/PME mais qui touche aussi directement ou indirectement l’intégralité du cycle économique du pays. En effet, les factures non payées sont autant d’argent à investir en moins pour les entreprises et d’impôts non encaissés par l’Etat. La réglementation est pourtant claire sur les délais dans lesquels les entreprises doivent régler leur dû : 60 jours à compter de la date de la facture ou 45 jours après la fin du mois. Ce qui n’a cependant pas empêché, en 2018, les entreprises de payer leurs factures avec une moyenne de 11 jours de retard. Et 6,1% des entreprises ont souffert de retards de paiement supérieurs à 30 jours, selon le Rapport 2018 de l'Observatoire des délais de paiement, qui dépend de la Banque de France.
Subissant de plein fouet cette situation, les TPE/PME ont pourtant des moyens d’action limités. Les cabinets de recouvrement classiques ont peu de leviers d’action, en-dehors de procédures judiciaires, pour recouvrer les créances et ces dernières se révèlent longues et coûteuses. "Le souci, en France, c’est que les débiteurs sont totalement conscients des lacunes du système", soupire Alexandre Bardin, fondateur de Rubypayeur. Ils savent que s’ils ne paient pas, ce n’est pas très grave car ils ne risquent pas grand choses avec la lettre de mise en demeure. Et même lorsqu’elles obtiennent finalement leur dû à l'issue d'une procédure amiable, une autre (mauvaise) surprise les attend : le pourcentage qui sera prélevé de leur créance est important, de l’ordre de 10 à 15%. " Pour une entreprise qui fait une marge de 10 à 20%, c’est comme perdre tous les bénéfices de la transaction ", illustre Alexandre Bardin. Pour les entreprises qui auraient eu le courage d’aller jusqu’au jugement, celui-ci peut à nouveau être le début d’une attente prolongée. " Les débiteurs ont plusieurs fois l'occasion, durant la procédure, de faire opposition au jugement, ce qui peut faire durer la procédure jusqu'à six mois supplementaires, donc ils savent qu’ils ont énormément de temps pour leur manœuvre ", ajoute l’entrepreneur.
De quoi décourager bon nombre d’entreprises. " Il y a plus de 56 milliards d’impayés mais c’est loin de représenter la totalité des impayés qui passe par le système de recouvrement ", précise Alexandre Bardin. En effet, bon nombre d’entreprises n’entament même pas la démarche de recouvrer leurs créances car elles n’ont aucun espoir d’obtenir gain de cause. De ce fait, certaines ont préféré intégrer dans leur modèle économique une marge pour les factures qui ne seront pas payées.
Donner des moyens d’action aux TPE/PME
Conscientes de ces faiblesses des TPE/PME, les autres entreprises, et plus particulièrement les grandes entreprises qui figurent parmi les plus mauvais payeurs avec 15 jours de retard en moyenne, profitent de la situation. " Je pense qu’il y a pas mal d’entreprises qui ne paient pas les startups car elle se disent que celles-ci sont les plus vulnérables, n’ayant pas les moyens nécessaires pour entreprendre les démarches de recouvrer leurs créances ", avance le fondateur de Rubypayeur. Les plus petites entreprises subissent en fait un effet boule de neige, engendré par les clients et fournisseurs de leurs propres clients qui ont eux aussi du mal à se faire payer… et qui atteint de plein fouet le dernier maillon de la chaîne : les TPE/PME.
Ce qui a poussé la plateforme communautaire de recouvrement de créances Rubypayeur à agir, en association avec Legalife. Le service proposé par les deux entreprises consiste à armer les TPE/PME. La seconde, via son service de rédaction automatisée de documents juridiques 100% en ligne, peut éditer une mise en demeure de paiement, qui représente déjà plus de 200 demandes par mois. Rubypayeur prend alors la relève pour obtenir un recouvrement amiable. Si le débiteur ne régularise pas sa situation à l’issue de cette négociation, la plateforme le signale alors sur son moteur de recherche, selon le principe du name and shame. Si le débiteur persiste, la procédure entre dans la phase de recouvrement judiciaire avec requête en injonction de payer proposée au créancier. Enfin, s’il y a opposition, ce dernier sera redirigé vers un avocat Legalife. Toutes les entreprises ayant des factures impayées allant de 100 à 100 000 euros auprès d’autres entreprises peuvent désormais recourir à ce service.
La réputation, point faible des mauvais payeurs ?
" Notre différence, c’est que notre moteur de recherche, rassemblant près de 11 millions entreprises françaises, peut nuire à la réputation d’une entreprise ", précise Alexandre Bardin. En effet, les mauvais payeurs vont être indexés par Google et cela constitue une pression supplémentaire. Jusque-là, l’application de ce système a amené le moteur de recherche Rubypayeur à afficher une dizaine d’entreprises dans sa " liste noire ".
Inspiré du système anglo-saxon, ce procédé a également été adopté par les autorités. En effet, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) l’applique de la même façon lorsqu’elle menace les entreprises qui ne paient pas leurs factures à temps de publier leur nom sur son site et dans la presse. Et l’institution sévit : Amazon, Danone, Sedifrais, Cdiscount ou encore LeaderPrice ont fait les frais de sa politique de name and shame et elle a infligé, en 2018, près de 17,2 millions d’euros d’amendes pour des retards de paiement après avoir procédé au contrôle de plus de 2700 établissements ayant débouché sur quelque 377 procès-verbaux.
Cependant, le but n’est pas de mettre en avant les entreprises qui ne payent pas mais, au contraire, celles qui respectent leurs délais de paiement. " Plus Rubypayeur est connu, plus la pression qu’on exerce sur les débiteurs est efficace, se réjouit Alexandre Bardin. Plus la solution devient un standard des labels de paiement, plus le débiteur sera réticent à y être affiché. C’est notre objectif dans ce partenariat avec Legalife. "