Internet est une invention formidable. Il permet de diffuser au plus grand nombre une information dans un délai très court, il facilite de nombreuses démarches administratives ou organisationnelles et il fédère des communautés. C’est un outil qui s’est " imposé " dans nos vies et qui est devenu essentiel. Dès lors, ne pas y avoir accès marginalise. Un problème qui impacte tout particulièrement les personnes en situation de handicap, qui selon la dernière étude faite à ce jour d'après nos recherches (les tableaux de l'économie Française publiés en 2011 par l’Insee), représentent 9,6 millions d’individus soit environ 15 % de la population française. " Ces personnes peuvent rencontrer des difficultés d’utilisation et d’accès à l’information recherchée. Elles sont bien souvent confrontées à des éléments non lisibles, non ‘traduits’ par les lecteurs d’écrans vocaux, à des problèmes de contraste ou des difficultés à naviguer avec une souris ", regrette Florence Tagger, directrice de la Fab Design - l’agence digitale interne du groupe SNCF.
Pour rendre un site ou une application accessible, il faut donc travailler sur plusieurs grands types d’utilisateurs : les déficients visuels, les handicapés moteurs, les handicapés mentaux et les personnes qui n’ont pas de handicap lourd mais qui cumulent de nombreuses petites difficultés comme le manque de concentration et la fatigue oculaire, catégorie représentée dans la plupart des cas par les seniors. Cette dernière catégorie d’utilisateurs à d’ailleurs tendance à s’accroître. Les plus de 55 ans représentent en effet près de 22 millions de personnes en France en 2019 et selon les projections de population de l’Insee, en 2040 environ un habitant sur quatre aura 65 ans ou plus.
L'accessibilité ne doit donc pas être l’apanage du monde de l’urbanisme. De la même manière que construire des rampes pour permettre aux Personnes à Mobilité Réduite d’accéder à un étage est impératif, il apparaît aujourd’hui comme invraisemblable de ne pas concevoir, ou re-concevoir, son site web en y intégrant des dispositifs d’aide à la consultation pour les personnes en situation de handicap.
Un référentiel encadre le chantier de l’accessibilité
Au niveau de l’État, un référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA) a d’ailleurs été élaboré en 2009 et évolue fréquemment. La dernière version date de 2017. " Le RGAA est obligatoire pour les administrations et les entreprises ayant une délégation de service public. En juin, un décret le rendant également obligatoire pour les sociétés réalisant plus de 250 millions de chiffre d’affaires sur le territoire français doit également passer ", explique Jean-Pierre Villain, le gérant du cabinet de conseil spécialisé Access42. Concerné, le groupe SNCF a très tôt intégré la dimension de l’accessibilité et s’est engagé, dès 2016, par la signature d’un pacte d'accessibilité numérique, à se mettre au niveau du RGAA. " Notre raison d’être est d’ “apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement, en préservant la planète”. Cela signifie donc de tout mettre en oeuvre pour développer une stratégie inclusive, qui passe aussi par l’adaptation des plateformes digitales ", ajoute la directrice de la Fab design.
Un engagement qui peut toutefois se transformer en véritable " usine à gaz ". Mettre son site à jour en terme d'accessibilité demande en effet de concevoir à nouveau le développement ainsi que le design de ce dernier et de sensibiliser aux bonnes pratiques les éventuels contributeurs de l’interface. " Chez SNCF nous avons pris le pari de former toute la chaîne de projet (managers, développeurs, designers et équipe éditoriale) pour intégrer les bons réflexes dans leur travail quotidien. Nous avons également mis en place en interne une démarche pédagogique, à travers un cycle de conférences qui a touché plusieurs centaines de collaborateurs et nous avons désigné une personne référente dans l’équipe Design sur le sujet de l’accessibilité numérique. Elle aiguille tous les porteurs de projets digitaux et les sensibilisent sur la démarche ", dévoile Florence Tagger.
Pour parvenir à cibler les besoins de cette catégorie d’utilisateurs, SNCF a constitué un panel de collaborateurs représentatif des différents types de handicap. En effet, chaque situation demande des aménagements différents. " Pour les utilisateurs qui ne peuvent pas se servir d’une souris, il faut que l’ensemble des interactions soient opérables au clavier, pour les non-voyants il faut s’assurer de donner les informations que transmet une image pour qu’ils puissent comprendre le contenu ", cite Jean-Pierre Villain à valeur d’exemple.
Chez SNCF, plutôt que de mettre à jour l’ancien, le choix a été fait de créer un nouveau site. " Nous avons donc retravaillé tous les fondamentaux design et la charte graphique. Pour chaque nouvelle livraison du site, soit chaque mois environ, nous organisons un audit axé sur l'accessibilité numérique ", raconte la Directrice de la Fab Designqui sollicite pour cela le panel de collaborateurs pré-cité.
Un chantier coûteux qu’il faut anticiper au maximum
Reste que l'accessibilité numérique est un chantier coûteux. " Il faut payer les formations, les tests utilisateurs …. Nous avons également dû adapter les contenus du site (pdf, vidéos, etc.) qui n’étaient en grande partie pas conformes car hérités d’anciennes versions ", ajoute Florence Tagger. Pour réduire la facture, elle insiste sur la nécessité d’anticiper au maximum : " Plus tôt on engage cet investissement et on intègre les standards de l’accessibilité dans le socle design, et moins l’investissement sera élevé sur la durée ". Malgré le volet dépense, le groupe tire un bilan très positif de sa transformation et estime, à travers ce projet, avoir pu prouver aux collaborateurs et aux managers qu’il est possible d’intégrer la démarche d’accessibilité dans un projet complexe et de la déployer plus largement par la suite.
" Pour preuve de la qualité du travail réalisé par nos équipes, nous avons reçu le label Braille.net ", se félicite Florence Tagger qui assure que le groupe " souhaite désormais aller encore plus loin dans sa démarche de design responsable. Il faut évaluer d’autres dimensions que l’accessibilité dans une approche globale d’éco-conception. Un design inclusif et non-intrusif, engagé et écologique au sens large. Les standards de ce design sont encore à créer ! "
Maddyness, partenaire média de SNCF.