Depuis quelques années, la folle croissance de l'esport attire toutes les convoitises. En France, une ville a pris de l'avance sur tout le monde: Poitiers, devenue avec le temps une place incontournable de ce secteur en pleine expansion. Pour les geeks, c'est un peu là que tout a commencé, et désormais, tous les ans lors du week-end de Pâques, la ville accueille la Gamers assembly, l'un des événements les plus emblématiques de l'esport en France. Cette année, pour la vingtième édition, 2500 joueurs s'y sont réunis pour s'affronter sur les jeux vidéos phares du moment : League of Legends, Rainbow Six, Counter-Strike ou bien sûr Fortnite.
"Pas une seule grande équipe ne rate la Gamers assembly", assure à l'AFP Désiré Koussawo, président d'honneur de FuturoLAN, l'association qui organise l'événement. "C'est un endroit historique pour les gamers." L'aventure commence au début des années 2000 quand les premières LAN parties, ces rassemblements d'amateurs de jeux vidéo, commencent à voir le jour. La première réunion dans la région a lieu à Smarves, petite ville à 15
minutes de Poitiers, et réunit une centaine de joueurs.
Le tremplin des esportifs
"Au début, c'était juste une bande de potes", raconte Désiré. "L'idée, c'était juste de se retrouver ensemble, de se partager des fichiers. C'était à la bonne franquette, il y avait des fils électriques partout, c'était vraiment à l'arrache." Dès lors, la Gamers assembly n'a cessé de croitre. Dès la deuxième année, les organisateurs sont obligés de déménager dans une plus grande salle de spectacle pour accueillir plus de joueurs. En 2003, c'est le Palais des Congrès de Poitiers, et depuis 2014, les participants se retrouvent au Parc des expositions de la ville. Des tables à perte de vue sont occupées par des gamers penchés sur leur écran, souris à la main et casque sur les oreilles, venus de toute la France et d'Europe.
"C'est la plus grosse rencontre française", assure Roméo Marsalone, alias "Demilk", 19 ans et esportif semi-professionnel sur le jeu Overwatch. "Une équipe qui gagne ici est très bien vue et peut commencer à se faire repérer par des sponsors", explique-t-il. L'événement a en fait pris de l'ampleur dans le sillage du développement de l'esport, le secteur des compétitions de jeux vidéos. Même s'il est jeune et encore peu visible du grand public, le marché, qui pèse environ un milliard d'euros, progresse de manière fulgurante et attire de plus en plus d'acteurs du sport traditionnel, mais aussi du monde des affaires et des collectivités.
Les pouvoirs publics mobilisés
À Poitiers, tout un écosystème s'est créé autour de la discipline. Des startups éclosent dans la région, des universitaires participent à des recherches sur les jeux vidéo et les maisons de retraite créent leurs propres compétitions. Même la collectivité du Grand Poitiers joue le jeu en sponsorisant, à hauteur de 10 000 euros par an, une équipe de gamers amateurs, les Orks, au même titre qu'elle parraine par exemple l'équipe locale de volley. "On peut se demander ce que vient faire une collectivité dans le jeu vidéo mais l'esport est un élément d'attractivité économique" pour la région, affirme le maire Alain Claeys (PS).
Le CREPS de la ville (Centre de ressources, d'expertise et de performance sportive) est devenu le premier à s'engager dans l'esport avec la création d'une formation de coach, à l'image de ce que l'institution propose déjà pour le tennis, l'athlétisme, le basket ou encore le cyclisme. En préparation de la Gamers assembly, le CREPS a d'ailleurs reçu sa première équipe d'esport pour un stage d'une semaine. De son côté, l'École supérieure de l'alternance (ESA) de Poitiers-Niort s'est dotée d'un bachelor en communication et webmarketing spécialisé en esport. "Poitiers aujourd'hui a une image centrale dans l'esport", se félicite Désiré Koussawo. "On a réussi à montrer que ce n'est pas juste un truc de gamins. Cela créé des emplois, génère des événements culturels". "Au départ, je n'aurais jamais imaginé ça", reconnait-il.