Pas de surprise cette année encore : le Royaume-Uni reste le champion de l'investissement dans l'écosystème Tech européen. Le nombre de deals - 688 outre-Manche, 645 en France - et d'investisseurs - 755 contre 801 - sont pourtant quasi similaires. Un indicateur de bonne santé du système français, avec un ticket moyen certes inférieur mais une attractivité et un dynamisme en plein essor.
C’est en tout cas une des conclusions de la dernière étude réalisée par la banque d’affaires européenne Avolta Partners. Cette dernière compare ainsi les deux modèles, soulignant leurs différences comme leurs similitudes. Premier constat : les structures d'investissement hors VCs, c'est-à-dire publiques, bpifrance en tête, ou corporates sont bien plus actives en France qu'au Royaume-Uni. Elles représentent ainsi 76% des opérations (contre 49% au Royaume-Uni) et 55% des fonds investis (contre 39%). Une implication financière qui concrétise un soutien politique appuyé à l'innovation, comme en témoignent les activités de la French Tech.
Loin d'être anecdotique comme pourrait le laisser supposer sa part dans le nombre d'opérations (2%), l'investissement public est conséquent en France : il représente 15% du total des sommes investies, soulignant la capacité des institutions publiques à investir des tickets importants. A contrario, le Royaume-Uni ne dispose pas des mêmes mécanismes publics et l'investissement afférent y est quasi inexistant.
Une concurrence accrue qui profite aux entrepreneurs britanniques
Les business angels et family offices semblent également plus actifs en France qu’au Royaume-Uni, participant à 61% des opérations (contre 49% outre-Manche) mais avec des tickets plus faibles (39% de l'investissement total, contre 22%). Étonnant, alors que des plateformes d’investissement à capitale variable comme Seedrs ou Crowdcube facilitent le regroupement d’investisseurs sous un même nom. L’écosystème anglais fait au contraire la part belle aux corporates, impliqués dans autant d'opérations des deux côtés de la Manche (21% au Royaume-Uni contre 20% en France) mais misent bien plus outre-Manche (33% des sommes investies contre 20% en France). On notera également la présence symbolique du crowdfunding dans le financement de l'innovation au Royaume-Uni, alors qu'il est absent de l’écosystème français.
Mais surtout, le financement de l'innovation est tiré par les fonds d'investissement, qui sont impliqués dans la moitié des opérations et sont à l'origine des deux tiers du financement total. Des chiffres qui tendent à démontrer " que l’écosystème VC est plus mature et capable de traiter la plus grande partie de la chaîne d’investissement " outre-Manche, explicite l’étude.
Cette concurrence accrue entre les différents acteurs de l'investissement outre-Manche tend à faire grimper le montant des opérations financières... et profite aux startuppers ! La dilution des fondateurs de startups au capital par les investisseurs est plus importante en France qu'au Royaume-Uni. Cela ne s'observe pas dès les premiers tours de table, les fondateurs conservant autour de 80% du capital après le tour de seed et 57% après la série A, la situation se corse dès la série B. Les entrepreneurs britanniques parviennent à conserver 47% du capital, là où les Français tombent à 38%. Et passent sous les 30% du capital après la série C, là où les Britanniques restent autour du tiers. Cela s’explique notamment par la conjoncture économique, la croissance étant plus rapide et le potentiel de sortie plus élevée du côté britannique, aidé par l’ouverture vers le marché américain.
Les investisseurs étrangers préfèrent le Royaume-Uni
La concurrence ne fait pas seulement rage entre les investisseurs locaux. Les investissements étrangers en France et au Royaume-Uni provenant des mêmes bienfaiteurs, les pays sont frontalement en concurrence pour les attirer. Sans surprise, les États-Unis sont ainsi le pays qui investit le plus dans les deux écosystèmes.
Côté français, le deuxième investisseur le plus important est son meilleur rival... la Grande Bretagne. Un partenaire particulier qui représente tout de même 21% des sommes étrangères investies dans l’Hexagone. Celui-ci le lui rend bien, en signant près de 5% des deals étrangers du Royaume, pour 4% des sommes. Si on est loin d'une co-dépendance, cette implication mutuelle tend à démontrer une capacité de collaboration intéressante.
Malgré tout, la France garde une impressionnante part d’investissements franco-français (85% des deals, 72% des sommes), expliquée notamment par le poids des acteurs publics. Le Royaume-Uni de son côté attire des investisseurs étrangers plus nombreux et plus variés : une cinquantaine de pays différents investissent outre-Manche, contre un total de 26 pays pour l’Hexagone.
Le défi de la décentralisation
Les deux écosystèmes doivent pourtant relever un défi similaire : mieux répartir la destination des investissements. Les capitales sont ainsi la place privilégiées des investissements dans les deux pays. Londres cristallise 62,8% des levées de fonds et 72% de sommes réunies, tandis que Paris engrange 57% des deals et 71,4% des sommes investies en France.
Une centralisation qui semble annihiler l’attractivité des autres villes des deux pays, celles-ci n’enregistrant qu’entre 3 et 20 transactions maximum chacune. Ainsi, des villes importantes comme Lyon (2,7% de deals, 1,8% des sommes) ou Manchester (1,9% des deals, 1,4% des sommes) sont délaissées. L’opposition entre “la capitale” et “la province” n'est donc pas l'apanage de la France...