Le magasin court-il à sa perte ? Difficile de ne pas se poser la question dans un monde où les pure players - entreprises exclusivement présentes en ligne - se multiplient et où Amazon redessine nos habitudes d’achat. Le 31 janvier dernier, à l’occasion de la Maddy Keynote, quatre experts du retail se sont projetés en 2084 pour répondre à la question que se posent beaucoup de consommateurs : que vont devenir les magasins ?
C’est incontestable, les achats en ligne sont de plus en plus nombreux, ce qui pourrait laisser présager une disparition pure et simple des magasins physiques. Le lien de cause à effet n’est pourtant pas aussi simple. Angélique Lenain, CEO de Sensee, une marque de lunettes made in France, illustre cela avec sa propre expérience : “au début de Sensee, nous pensions pouvoir vendre des lunettes uniquement sur le web. On s’est alors vite rendu compte que ce n’était pas suffisant pour proposer une expérience client appropriée”. Aujourd’hui, il peut effectivement être difficile pour certains consommateurs d’envisager acheter des lunettes sans les avoir essayées. Pour Fabienne Dulac, Directrice Générale Adjointe d’Orange et CEO d’Orange France, “le magasin d’aujourd’hui intègre le digital entre ses murs” , l’un ne peut plus vivre sans l’autre, il devient primordial de s’adapter.
Légitimer l’offre en ligne
Une boutique physique permet en effet de rassurer les consommateurs quant aux produits qu’ils achètent... mais aussi sur le sérieux de la marque qui les vend. Audrey Gentilucci, cofondatrice de Label Expérience, une agence de conseil et d’architecture d'intérieur spécialiste de l'implantation physique des marques, indique ainsi que “quand on est une jeune marque, avoir une boutique physique donne une certaine légitimité”. Se démarquer dans la jungle des boutiques en ligne n’est pas toujours chose aisée et ouvrir un magasin, ne serait-ce qu’un pop-up store, permet de faire découvrir son univers à ses clients.
Et la problématique n’est pas l’apanage des jeunes entreprises. Fabienne Dulac, rappelle qu'“aujourd’hui, 30% des ventes d’Orange se font en ligne, et pourtant il y a toujours autant de vendeurs en boutique qu’avant”, preuve que les consommateurs restent attachés à un contact humain en boutique, parfois utile pour déclencher un achat à retardement... sur internet.
Des canaux complémentaires...
Loin de cannibaliser les ventes en ligne, le commerce physique renforce l’attrait de la marque digitale.’”Avoir des boutiques déclenche des ventes en ligne”, se réjouit Angélique Lenain. Pour Sensee, la digitalisation donne en tout cas la possibilité aux conseillers d’aider les clients à passer le cap d’un achat en ligne : “on montre aux clients, via nos tablettes et de façon pédagogique, que le site est simple d’utilisation”.
Et inversement, en adoptant les codes de la vente en ligne, les boutiques lèvent un certain nombre de freins à l’achat en magasin. “Comme nous venions du digital, nous avons souhaité mettre en place une expérience client extrêmement simplifiée, à l’image d’une expérience vécue sur le web” , précise la fondatrice de Sensee. Une stratégie d’autant plus habile que l’achat en magasin permet de collecter des informations sur le client qui amélioreront son expérience en ligne.
... et étroitement imbriqués
Les deux canaux de vente peuvent donc se compléter et se renforcer. Anne-Sophie Sancerre, Directrice Générale Retail France chez Unibail-Rodamco-Westfield, donne l’exemple de Zara, qui a mis en place un système de “Pick and Collect” grâce auquel le client fait ses achats en ligne et les récupère en magasin. Ce déplacement en boutique donne l’opportunité aux enseignes de réaliser des ventes supplémentaires car l’acheteur, en passant à travers les rayons afin d’accéder au point de collecte, peut repérer des articles à ajouter dans son panier.
Le digital trouve en effet sa place dans le magasin afin d’enrichir l’expérience utilisateur avec les avantages que ce dernier trouve en ligne. Mais pour tirer le meilleur parti des nouvelles technologies, les magasins ont été obligés de se réinventer. Ainsi, Orange a mis à la disposition de ses conseillers des tablettes pour faciliter l’accès aux comptes clients, proposer des démonstrations, utiliser des outils de diagnostic en ligne etc.
Le magasin physique adopte de nouveaux codes
Le magasin physique doit donc faire peau neuve pour attirer une clientèle toujours plus connectée. Il peut par exemple se transformer en un véritable lieu de vie, comme en témoignent les boutiques d’Orange, plus grandes, propices aux expériences et découvertes. Hyper personnalisables, ces espaces dépoussièrent l’image traditionnelle que l’on se fait d’un magasin. De petits Décathlons urbains offrent, eux, la possibilité de tester les produits et de repartir avec si l’on est satisfait. Philips, quant à lui, propose des lieux expérientiels où l’objectif premier est de découvrir les produits, pas de déclencher un achat immédiat.
Une évolution qui redéfinit également le rôle des vendeurs en boutique, comme en témoigne Audrey Gentilucci. “Aujourd’hui, le vendeur a un rôle avant, pendant, et après la vente”, estime-t-elle, donnant l’exemple d’une des marques qu’elle a accompagnées. Cette dernière propose aux consommateurs de se rendre en boutique pendant une heure afin de bénéficier d’un coaching. A l’issu de cette rencontre, le vendeur connaît mieux le consommateur et est plus apte à répondre à ses besoins.
Le magasin physique est donc réinventé mais pas menacé. Un soulagement pour les commerçants et les enseignes, alors que de nombreuses transformations restent à venir. Mais pour ne pas mourir, les boutiques devront embrasser de nouveaux usages, à l’instar du paiement mobile, précise Fabienne Dulac. D’ici 2084, les consommateurs français connaîtront peut-être l’opportunité, comme les consommateurs chinois d’aujourd’hui, de choisir leurs produits en magasin et de les recevoir quelques heures plus tard chez lui, le paiement mobile ayant permis de partager les informations de livraison.
Maddyness, partenaire média d’Orange France.