Décryptage par Maddyness avec EDF
28 janvier 2019
28 janvier 2019
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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Comment la Blockchain peut-elle contribuer à métamorphoser notre système énergétique ?

Décentralisée et transparente, la Blockchain présente de nombreux atouts pour porter la transition énergétique vers un modèle davantage compatible avec les nouvelles aspirations des consommateurs. Mais peut-elle vraiment devenir la coqueluche du grand public alors qu’elle est pour l’instant l’apanage de quelques spécialistes ?
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La Blockchain serait-elle devenue le nouveau pétrole ? Il y a tout juste 160 ans, en 1859, le premier puits de pétrole voyait le jour, devenant en quelques années seulement la pierre angulaire de nos sociétés contemporaines : carburant, matériau, matière première cotée en Bourse. La Blockchain serait-elle cette nouvelle pépite, dématérialisée cette fois, sur laquelle bâtir un nouveau modèle de société durable, transparente et solide ? C’est ce que certains prophétisent… sans preuve. “La Blockchain est aujourd’hui une réalité technique mais il est encore trop tôt pour parler de révolution, tranche Gilles Deleuze, chercheur Senior à la R&D EDF Lab Saclay. D’autant que la Blockchain n’est au fond qu’une famille de protocoles informatiques et d’algorithmes, ce sont les applications qu’elle permettra de faire émerger qui décideront de son intérêt.” Si l’enveloppe est prometteuse, c’est bel et bien le contenu qui dictera l’avenir de la technologie.

La Blockchain a pour elle d’émerger au bon moment. “D’autres révolutions sont à l’oeuvre dans le domaine énergétique, avec lesquelles la Blockchain peut et doit s’articuler”, précise Gilles Deleuze, citant la décentralisation des systèmes électriques, le développement des véhicules électriques ou la dérégulation progressive du secteur. C’est en combinant la Blockchain avec de nouveaux paradigmes que pourront véritablement émerger de nouveaux modèles de consommation, voire un renouvellement de notre système énergétique.

Décentraliser, le maître-mot des consom’acteurs

La décentralisation est en effet au cœur du projet de Blockchain. Là où les sociétés contemporaines centralisent l’information (les banques pour la finance ou les GAFA, par exemple), la Blockchain est au contraire fondée sur la répartition des informations et des responsabilités entre de nombreux acteurs, chacun participant à l’équilibre du système entier. Un dessein qui fait écho à la tendance actuelle de responsabiliser les consommateurs grâce aux microgrids, des systèmes énergétiques de taille réduite. Ils ont le vent en poupe aussi bien dans les zones où les systèmes électriques classiques restent difficiles voire impossibles à installer qu’auprès des communautés souhaitant réguler leur consommation en privilégiant l’approvisionnement local ou l’origine de l’énergie.

Mettre dans les mains du public l’outil pour gérer la production et la distribution d’énergie, ce serait effectivement une révolution. Mais cela n’existe pas encore aujourd’hui”, prévient Gilles Deleuze. Si des tests sont en cours - “l’autoconsommation reste une perspective” - la massification d’une telle démarche n’est pas encore à l’ordre du jour. Pour être adoptée par le grand public, la Blockchain va devoir sortir du giron des spécialistes et autres experts, et devenir un non-sujet  comme le protocole TCP/IP”, souligne avec malice le chercheur. Aka  le système utilisé par les différents supports informatiques pour se connecter à internet (d’où la notion d’adresse IP), que peu connaissent mais que tout le monde utilise.

Vérifier la source de son énergie

Cette démocratisation de la Blockchain ne concerne pas seulement la technologie mais également ses usages. Ainsi, l’un de ses points forts réside dans sa capacité à retracer facilement les transactions, jusqu’à remonter à leur origine. Une traçabilité qui va de pair avec les demandes de transparence de certains consommateurs et d’entreprises, qui veulent une énergie tracée, c’est-à-dire explicite sur le moyen de production employé. Et si les géants comme EDF ont saisi la balle au bond il y a déjà plusieurs années, comment démontrer avec transparence que ces promesses ne relèvent pas de la simple opération commerciale ?

Si l’ère des fake news a ébranlé le lien entre les consommateurs et les entreprises, la Blockchain pourrait constituer une réponse sur ce point. “La Blockchain peut présenter des garanties quant à l’origine de l’énergie grâce au suivi de la production en temps quasi-réel, souligne Gilles Deleuze. Si c’est déjà techniquement possible, il est difficile de savoir si ce service constitue une demande d’un nombre significatif de clients, ou seulement d’une clientèle avertie.

La Blockchain doit sortir du placard

Difficile toutefois d’imaginer autant d’applications dédiées au grand public étant donné le cercle restreint de connaisseurs auquel la Blockchain est pour l’instant cantonnée. Que lui manque-t-il donc pour essaimer ? “Un cadre légal, juge le chercheur. Comment seront légalisées les certifications via la Blockchain ? Quelle réglementation s’appliquera au financement via la Blockchain, comme les ICO ? Comment la gestion des wallets sera-t-elle sécurisée ? Comment assurer la conformité au RGPD ? Quel partage de responsabilité dans un système décentralisé formé d’acteurs autonomes” Autant de questions dont l’absence de réponse freine pour l’instant le développement de projets utilisant la Blockchain.

Une fois ce cadre posé, la solution pourrait bien provenir des utility tokens, cette unité de compte numérique “qui combine et dépasse les systèmes de paiement, les points de fidélité, les actions et le crowdfunding”, résume Gilles Deleuze.

Les unités de compte pourraient prendre la forme de kilowatts convertissables en bien ou services au sein de communautés d’intérêt”, imagine-t-il. Il considère que les cryptomonnaies, ouvertes à tous, doivent être sécurisées grâce à des algorithmes intensifs en calcul “trop énergivores” pour répondre aux exigences futures du domaine de l’énergie.

Les utility tokens sont lisibles, ils peuvent permettre au grand public d’adopter la Blockchain… Mais nous manquons un peu de travaux solides des sciences économiques” Pour l’heure, la technologie reste un terrain de jeu pour les groupes énergétiques, qui testent des solutions en interne, comme la certification de documents officiels via la Blockchain, chez EDF. “Il faut distinguer ce qui relève du business interne et ce qui relève des offres commerciales adressées au grand public. Ce sont deux niveaux d’attentes et de maturité des projets très différents”, conclut Gilles Deleuze.

Maddyness, partenaire média d’EDF

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