La finance alternative, qui comprend le financement participatif, confirme son dynamisme avec 1,4 milliard d'euros récolté en 2018, dont la moitié au profit d'entreprises, particulièrement des TPE, PME et startups, selon une étude publiée jeudi. En l'espace de quatre ans, la finance alternative a plus que quadruplé sa collecte, qui s'élevait à 297 millions d'euros en 2015, indique un baromètre du secteur réalisé par le cabinet de conseil KPMG et l'association Financement participatif France (FPF).
Le secteur de la finance alternative regroupe ici le prêt à la consommation et les cagnottes en ligne, le financement participatif (ou "crowdfunding"), la solidarité embarquée, les fonds de prêt aux entreprises en ligne et l'affacturage. Cette vigueur "s'explique notamment par le développement des plateformes et l'apparition de nouveaux outils de financement permettant davantage de modèles hybrides", avance ce baromètre du secteur. La structuration du secteur, dont les plateformes pionnières sont apparues il y a une dizaine d'années, s'est accélérée ces dernières années en France sous l'impulsion d'un premier cadre juridique posé en 2014.
En progression mais toujours à des années-lumières des banques
En 2018, la finance alternative, hors prêt à la consommation et cagnotte en ligne, a injecté 689 millions d'euros dans des projets d'entreprises, un montant en progression de 31% mais certes éloigné des 1 000 milliards d'euros prêtés par les banques aux entreprises en novembre 2018. Environ 72% des destinataires de ces fonds étaient des TPE et PME, 20% d'entre eux des startups et 8% des entreprises de l'économie sociale et solidaire. La majorité des fonds ont été captés par le secteur économique, plus particulièrement par l'immobilier (32% des fonds avec 209 millions d'euros), les commerces et services (19% avec 124 millions d'euros) mais aussi par le
secteur de l'environnement et des énergies renouvelables, en pleine croissance, qui obtient 52 millions d'euros de financement.
"Les entreprises présentes sur les plateformes ne sont pas des 'canards boiteux' qui ne trouvent pas de financement ailleurs", a déclaré Stéphanie Savel, présidente de FPF, lors de la conférence de présentation de l'étude. "On constate une complémentarité entre le financement via des prêteurs classiques et celui de la finance alternative", ajoute-t-elle. Les jeunes entreprises viennent ainsi compléter leurs plans de financement qu'elles ne parviennent pas à boucler uniquement avec une banque, un fonds de capital-risque ou un "business angel". Dans l'univers de la finance alternative, les plateformes de crowdfunding demeurent les premières collectrices avec 402 millions d'euros de fonds recueillis en 2018, en augmentation de 20% sur un an.
Le don stagne, le prêt s'envole
Sur ce segment, le prêt, ou "crowdlending", poursuit son envolée (+40% avec 202 millions d'euros) particulièrement sous forme d'obligations. L'investissement chute encore (-19%), sous l'impact de la suppression de l'impôt sur la fortune et de la déductibilité lui étant liée et "du 'cycle de vie de l'investisseur' qui attend des retours sur investissement avant de s'engager à nouveau, explique FPF. Enfin le don, qui mobilise de nombreux particuliers, perd du terrain (-2%), "signe d'une certaine vitesse de croisière", souligne l'association professionnelle.
Étoile montante du secteur, le financement participatif immobilier "tend à s'imposer comme une branche leader" avec 185 millions d'euros collectés en 2018, selon un baromètre publié par Fundimmo et Hellocrowdfunding. "Il existe une grande profondeur de marché que l'on estime entre 3 et 5% du marché finançable. Les plateformes peuvent financer une grande variété de projets", a précisé Jérémie Benmoussa de Fundimmo devant la presse, ajoutant qu'"un sur cinq avait une dimension sociale".
Des acteurs plus spécialisés et moins nombreux ?
Interrogé sur les critiques émises en novembre par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir sur le manque d'information des particuliers quant aux risques liés aux prêts participatifs, Benoît Granger, administrateur délégué à la déontologie de FPF, a rappelé le risque inhérent à ces produits destinés à des personnes ayant des connaissances financières. Sur les taux de rendement annoncés, "on arrive à un niveau de transparence unique au sein des professions financières", défend-t-il.
Pour 2019, l'horizon est ouvert mais incertain entre premières cessations d'activités (Unilend, fin 2018), diversification ou concentration de plateformes et adossement à de grands groupes (KissKissBankBank et Lendopolis rachetés par La Banque Postale, Credit.fr par Tikehau, Lumo par Société Générale). "Le modèle initial de plateformes avec des coûts fixes importants, donc une course au volume, semble avoir atteint ses limites", affirme pour sa part Michel Ivanovsky, cofondateur de Mipise, créateur de site de crowdfunding en
marque blanche. "La croissance va venir de la segmentation et de la spécialisation du marché, cela ne viendra pas des acteurs généralistes", déclare-t-il à l'AFP.
Maddyness avec AFP