Avec au moins 360 startups présentes selon un décompte d'Olivier Ezratty, un consultant spécialiste du CES, la cohorte française sera probablement une fois de plus la troisième en nombre derrière celle des Etats-Unis et de la Chine. Pour beaucoup, cette abondance de jeunes pousses témoigne d'une vraie réussite française en matière d'innovation, alimentée notamment par une politique publique favorable que les entrepreneurs eux-même reconnaissent.
"Au CES, on s'est bien rendu compte qu'en France on était des privilégiés financièrement parlant", explique à l'AFP Annick Le Bihan, la dirigeante de la startup brestoise Asamgo qui était présente à Las Vegas en 2018 pour présenter un flotteur connecté qui analyse l'eau des piscines. "Nos voisins suisses du CES ont eu beaucoup plus de difficultés pour se faire aider par leur pays", raconte-t-elle, en rappelant les financements apportés à sa startup par Bpifrance, la filiale de la Caisse des dépôts, ou les différentes régions.
Mais le nombre important de startups ne masque pas le faible nombre de PME ou d'entreprises de taille intermédiaires (ETI) françaises au salon.
Un nombre de startups "disproportionné"
La France "a toujours ce trou démographique" entre les jeunes pousses et les géants industriels de taille mondiale type Valeo, Faurecia, Legrand, explique à l'AFP Olivier Ezratty, qui réalise chaque année un monumental rapport sur l'événement. Le nombre flatteur de startups présentes au CES est "disproportionné" au regard du poids réel de la France dans l'industrie numérique mondiale, plus faible, ajoute-t-il.
"En France, on a tendance à dire que plus on plante de graines - les startups - plus on aura d'arbres - les PME, ETI, licornes (entreprises de la tech non cotées valant plus d'un milliard de dollars) -, mais c'est faux", regrette Pierre Cesarini, patron du groupe informatique Claranova (160 millions d'euros de chiffre d'affaires) et vieux routier du CES.
Pour grandir, les startups ont notamment besoin de financements, or ceux-ci sont encore trop difficile à décrocher en France, estime-t-il. "En France, lever 10 millions c'est possible, lever 100 millions c'est beaucoup plus difficile", souligne-t-il à l'AFP. "A Claranova, nous pourrions tripler de taille en quelques années, plutôt que de doubler de taille, si nous avions les financements", estime-t-il.
Même constat pour Rodolphe Hasselvander, le patron de Blue Frog Robotics (une vingtaine de salariés), qui se bagarre pour lever des fonds alors qu'il a été primé l'an dernier au CES de Las Vegas et que son petit robot compagnon Buddy commence à être vendu.
"L'industrie fait peur aux investisseurs"
"C'est vrai qu'il n'y a pas encore eu de grand succès de boîte française qui aurait été à Las Vegas et qui aurait explosé", reconnait-il. "En France, l'industrie fait peur aux investisseurs", soupire-t-il. Ceux-ci "préfèrent des réseaux sociaux ou des applications, où trois ou quatre types avec un ordinateur suffisent pour faire du chiffre d'affaires...".
L'engagement des pouvoirs publics français à Las Vegas se traduit notamment par l'organisation par Business France, le bras armé de Bercy pour aider les entreprises françaises à l'international, d'une grande zone "French Tech" dans la partie "startup" du salon, bien située et bien visible.
Au total, près de 160 startups françaises y sont présentes, dont près de 120 amenées par les régions françaises. Business France a sélectionné de son côté 26 startups, qui paieront un tarif préférentiel de 4.000 euros pour avoir un stand, un tarif qui inclut des
sessions de formation en France, pour bien préparer leur séjour.
Compte tenu de l'aide des régions, de Business France, ou d'incubateurs à capitaux publics présents au salon comme le CEA (Commissariat à l'Energie Atomique), "pas loin de 75% des startups" installées dans le pavillon "Eureka" des jeunes pousses ont bénéficié d'un soutien public pour participer, indique Eric Morand, le directeur de la tech et des services innovants à Business France.
Pour Eric Morand, la forte participation des startups françaises au CES, et les récompenses qu'elles y amassent régulièrement ont en tout cas "fortement contribué" à asseoir l'image de la tech française au niveau mondial. "Le CES est l'événement tech le plus médiatisé" au niveau mondial, rappelle-t-il à l'AFP.
"Aujourd'hui il y a beaucoup moins de french bashing (dénigrement des Français)" dans les milieux tech et économiques, assure-t-il.