Social business, entreprise à mission, ESUS… Avec leurs spécificités, ces noms désignent des formes d’entreprise qui utilisent le capitalisme pour créer de la qualité pour l’ensemble de leurs parties prenantes : employés, clients, actionnaires, l’environnement… On en entend de plus en plus parler et c’est tant mieux ! Dompter le capitalisme pour le mettre au service du développement humain, c’est en effet le défi de notre génération et l’actualité brûlante est là pour nous le rappeler.

Si on ne peut que louer les nobles objectifs des entrepreneurs sociaux, il est parfois compliqué de se figurer de l’extérieur ce que ça change vraiment au quotidien. Dans le cadre d’Alenvi, l’entreprise sociale que nous avons créée pour humaniser l’accompagnement des personnes âgées, voici certaines de nos pratiques qui sont les illustrations directes de notre vocation sociale.

Employees first

En tant qu’entrepreneurs, nous prenons la responsabilité d’embarquer des gens dans un projet, de leur fournir un travail. Ça n’a de sens humainement que si cela leur permet de se développer professionnellement et personnellement. Chez Alenvi, nous cherchons déjà à fournir aux salariés que nous recrutons un salaire supérieur à notre convention collective et la possibilité de travailler à temps plein (il y a 70% de temps partiel subi dans notre secteur). Nous proposons également à toute l’équipe des formations en continu, avec toujours le souci de développer d’abord le savoir-être de la personne formée.

Enfin, et c’est le plus important, nous développons un mode d’organisation centré sur l’autonomie et la subsidiarité. Chez Alenvi, nous pensons profondément que priver quelqu’un qui travaille de la capacité de s’organiser soi-même et avec ses collègues, ça n’est pas aller dans le sens du développement humain. Concrètement les auxiliaires d’envie, qui accompagnent les personnes âgées au quotidien, gèrent eux-mêmes, en équipe, leur planning, la relation avec les familles, le recrutement de leurs collègues…

Sur la prospection, nous nous sommes rendu compte que nous avions besoin de personnes extérieures aux communautés pour pouvoir parler aux prospects, y compris pendant que les auxiliaires travaillent. Il y a bien une équipe dédiée à ça chez Alenvi, mais elle a à cœur de collaborer avec les équipes en harmonie sans que ces dernières se sentent dépossédées de leur travail.

 

Pas de barrière de prix pour les clients

Quand nous avons lancé notre service d’aide à domicile innovant, nous avons commencé par appliquer la théorie classique de stratégie d’entreprise : soit on fait du low cost de masse avec des volumes importants, soit on fait du premium de niche, avec moins de volume mais plus de valeur économique créée. Nous avons ainsi développé notre première clientèle dans l’Ouest parisien, avec un tarif plutôt élevé de 26 euros par heure. Nous nous disions que si cette clientèle, qui a les moyens d’être exigeante, n’était pas prête à payer pour un service de qualité, cela ne marcherait jamais. Nous nous disions aussi que, même si on travaillait pour des clients aisés, le fait de valoriser le métier d’auxiliaire de vie avait du sens en soi et qu’il fallait bien commencer quelque part…

Mais, assez vite, l’équipe et notamment les auxiliaires se sont rendu compte que, pour être totalement alignés avec nos valeurs, il fallait que nos services puissent être aussi accessibles aux bénéficiaires qui ont des très faibles ressources. L’engagement d’Alenvi pour la valorisation du métier d’auxiliaire de vie, c’est un engagement pour la dignité, pour la primauté de l’humain sur d’autres considérations. Ceux qui le portent ne peuvent pas rester indifférents au sort des personnes âgées qui cumulent la perte d’autonomie avec des situations financières ou sociales compliquées.

Nous avons donc mis en place fin 2017 un tarif social qui module notre prix en fonction des revenus des bénéficiaires. Les personnes âgées 100% prises en charge par l’allocation personnalisée à l’autonomie peuvent ainsi bénéficier de nos services sans débourser un centime.

Des actionnaires alignés

Les convictions, les engagements, c’est bien beau mais dans quel cadre statutaire et juridique doivent-il s’exercer pour être pérennes ? Malgré le pouvoir et la responsabilité d’impact sur la vie des gens qu’elle a, une entreprise, de base, ça n’est dans le droit français qu’un contrat entre actionnaires. Ces derniers ont en réalité tout le pouvoir et sont en droit à tout moment de faire fi des engagements sociétaux au profit d’impératifs économiques. Si on veut qu’une entreprise porte des engagements sociaux sur le long terme, il faut enrichir un peu le contrat de base d’une entreprise.

Dans nos statuts, nous avons ainsi indiqué clairement nos engagements dans l’objet, nous avons mis en place un comité de gouvernance partagée avec les salariés et nous avons également limité la dimension lucrative de l'entreprise : pas plus de 50% des bénéfices versés en dividendes et une échelle de salaires dont le ratio est compris entre 1 et 10. Et, comme beaucoup de choses se prévoient aussi dans le pacte d’actionnaires, nous avons également fait figurer des objectifs d’impact social dans ce pacte. Nous assumons d’autant plus nos engagements, et la communication que nous en faisons, dans ce cadre qui garantit qu’ils ne seront pas remis en question.

Un impact social qui se mesure

Le gourou du management Peter Drucker disait qu’on ne pouvait améliorer que ce qu’on pouvait mesurer. Si l’on veut progresser en continu sur la valeur qu’on crée pour ses parties prenantes (employés, clients, collectivité…), il faut la quantifier et, tant qu’à faire, autant prendre l’unité qui sert de référence à tout, l’euro sonnant et trébuchant.

Après un an et demi d’activité, nous avons ainsi réalisé une étude SROI (Social Return Investment) qui démontre que notre modèle peut générer à l’échelle 263 millions d'euros de valeur sociale, avec un retour sur investissement de 2,34. Nos esprits cartésiens n’étaient pas si à l’aise avec l’exercice au départ : comment mesurer la valeur monétaire d’un impact social et humain ? Cette volonté de tout monétiser n’est-elle justement pas la cause des problèmes que nous essayons de résoudre ? Est-ce que c’est fiable ?

En réalité, on n’a pas le choix. Si on ne le fait pas, on n’a à sa disposition que les chiffres économiques de l’entreprise que l’administration, la banque et les actionnaires vous demandent de toute façon. À force de ne regarder que ces chiffres, on en vient à n’optimiser les entreprises que pour produire de la valeur actionnariale sur le court terme.

Il ne faut pas oublier non plus que la comptabilité imposée de l’entreprise repose sur des normes qui n’avaient rien d’évidentes avant qu’elles soient inventées et adoptées. Un jour, j’espère le plus proche possible, tous les entrepreneurs devront tenir une comptabilité sociale et environnementale, dont les règles, comme pour la comptabilité générale, seront simples pour les petites entreprises et plus complexes pour les grandes. Commencer aujourd’hui, c’est être pionnier et contribuer à accélérer ce mouvement de transformation de l’économie. Nous espérons que ces exemples concrets permettront à certains de rendre plus tangible l’entrepreneuriat social.

 

Alenvi est une entreprise accompagnée par Réseau Entreprendre Paris, réseau privé de chefs d’entreprises qui a vocation à aider des créateurs et repreneurs d’entreprise au démarrage de leurs projets. En 13 ans, la structure a accompagné plus de 500 projets (Michel et Augustin, My Little Paris, Mano Mano, Cheerz…), apporté 13M€ de prêts d’honneur et accompagné la création de plus de 13 000 emplois.