Au même titre que les sujets sur " Pierre, plus jeune PDG du monde " ou " Stéphanie, 29 ans et multimillionnaire grâce à une idée toute simple ", j’ai vu pulluler dans les journaux des articles sur les mompreneurs. Hybride entre la mère de famille et la femme entrepreneure, cette créature légendaire serait à la fois capable d’élever ses enfants (beaux, propres et toujours polis, évidemment) et de mener une brillante carrière de pédégère.
Longtemps bercée par la douce illusion d’un " Femme du XXIè siècle, prenez-tout ! " me voici aujourd’hui, chef d’entreprise, mère de deux merveilleuses filles et mariée à un homme formidable qui revendique le partage des tâches, dans l’obligation de vous dire que tout cela n’est que mensonge !
Il y a 15 jours, alors que j’allaitais mon nouveau-né tout en répondant à mon équipe via Slack, mon portable a sonné. C’était mon investisseur qui m’appelait pour me demander si j’allais bientôt revenir travailler. Pas malveillant, ni virulent - j’ai une excellente relation avec lui – il m’a demandé quand j’avais prévu de rentrer et si je continuais à suivre le travail de mon équipe. Pour rappel : en France une assistante maternelle ne peut pas garder un bébé avant ses deux mois et le congé paternité dure seulement 11 jours. Je vous laisse faire le calcul et imaginer l’étau terrible dans lequel cette conversation m’a prise.
J’ai participé à des dîners de femmes leaders dans des clubs qui ne sont composés que de dames de plus de 60 ans, qui ont déjà derrière elle une belle carrière et le loisir de s’adonner à ces réjouissances vespérales et de pré-trentenaires célibataires qui rêvent de destin comparable à celui de Cher Wang. J’ai lu les portraits de ces femmes fortes qui dirigent leur affaire d’une main de fer ainsi qu’une fratrie de 9 rejetons. Tous ces discours qui me semblaient si motivants il y a quelques années s’avèrent aujourd’hui terriblement culpabilisants.
Quand vous avez des petits en bas âge, il est inenvisageable de rentrer à la maison tous les soirs à 23 heures, sauf à décider de déléguer l’éducation de vos enfants à quelqu’un d’autre. Dans ce cas - et je ne le juge pas, vous décidez de faire l’impasse sur votre rôle d’éducateur pendant quelques années au moins. Que vous choisissiez le travail ou les enfants cela a un coût. Un coût professionnel si vous décidez de mettre en parenthèse votre carrière, le temps que vos enfants n’aient plus besoin qu’on leur lise une histoire le soir. Un coût financier si vous embauchez une personne de confiance qui sera aux côtés de vos enfants de 7h30 à 22 heures, quotidiennement. Sans compter qu’une bonne nourrice ne se trouve pas facilement ! " J’ai choisi la mienne avec plus de vigilance que le plus important de mes salariés ", raconte Anne de Kerkhove, entrepreneure aguerrie.
Je souhaiterais, juste une fois, que l’on cesse de mentir aux jeunes femmes et aux futures mères. Vous pouvez avoir de beaux enfants et de belles carrières mais ce n’est pas simple, c’est une question de choix. Ne racontez pas n’importe quoi au prétexte de vouloir tenir une conduite féministe. Bien entendu, une femme peut être aussi efficace qu’un homme mais elle ne peut tout simplement pas déléguer un certain nombre de tâches et au premier chef donner la vie tout en retrouvant une forme olympique deux jours plus tard. La prochaine fois que vous voyez un classement de femmes à succès, passez votre chemin. C’est comme regarder Instagram quand votre porte-monnaie est vide et que vous n’avez pas de congés : plein de belles images retouchées qui vont vous déprimer.
Hermine Mauzé est fondatrice de Yunikon Production