N'en déplaise aux grincheux, aux ronchons et à tous ceux qui préfèrent voir le verre à moitié vide : oui, la France est le pays Tech le plus dynamique d'Europe. C'est ce que révèle le rapport 2018 d'Atomico baptisé The State of European Tech, et présenté cette semaine au festival Slush, qui compare les écosystèmes européens. La France enregistre ainsi l'évolution la plus importante en termes de fonds levés (+46% en 2018 par rapport à 2017) mais aussi en termes d'emplois dans la Tech (+7,3%).
C'est bien mieux que ses voisins allemand et anglais, qui nourrissent les comparaisons des experts. Les premiers ont certes vu les investissements augmenter cette année encore (+35%) mais moins que dans l'Hexagone qui a les faveurs des financiers. Et les seconds voient même les investissements dans les entreprises nationales chuter (-3,2%) et la croissance de l'emploi dans les métiers Tech ralentir (seulement +3,3%).
Un optimisme à toute épreuve
Alors, heureux ? Oui mais il faut rester lucides : si la France connaît un tel dynamisme, c'est bel et bien qu'elle est en retard par rapport à ses voisins. En effet, si les investissements augmentent, ils n'atteignent dans l'Hexagone que 3,7 milliards de dollars en 2018 - selon les relevés réalisés par la base de données Dealroom, contre un peu plus de 4 milliards en Allemagne et 7,4 milliards au Royaume-Uni, malgré la frilosité des investisseurs face au Brexit. Quant à l'emploi dans la Tech, il reste en France très loin des niveaux que connaissent nos voisins. Ainsi, si le nombre de développeurs français a crû de 5% - là aussi, un record - cette année, l'Hexagone n'en compte toujours qu'un peu plus de 490 000, contre 830 000 au Royaume-Uni (+2%) et 850 000 en Allemagne (+1,6%).
Point de défaitisme dans ce constat, bien au contraire. La France rattrape son retard avec panache, ce qui témoigne de son attractivité tant auprès des investisseurs que des talents technophiles. Un bon point pour le pays qui s'est définitivement débarrassé du French bashing et retrouve une certaine aura, bénéfique pour la croissance des entreprises comme pour l'emploi. De quoi expliquer que les Français se montrent particulièrement positifs : 45% d'entre eux se disent optimistes quant à l'évolution du secteur Tech (contre 41% en Allemagne et 30% au Royaume-Uni).
Des défis majeurs à relever
La France, comme le reste de l'Europe, doit cependant faire face à des défis majeurs, comme le rappelle le rapport. Ainsi, les investissements dans les entreprises Tech ne représentent encore qu'une goutte d'eau par rapport aux sommes dont disposent les fonds de pension. Ainsi, ces derniers n'ont investi en 2018 que 1,7 milliard de dollars dans les fonds européens de venture. Une somme 45 fois moins importante que leurs investissements dans des fonds spéculatifs (75,6 milliards de dollars). La démocratisation de l'investissement et sa redirection vers l'économie réelle reste donc encore à opérer.
De la même façon, le rapport souligne l'urgence de diversifier la Tech européenne. 93% des fonds investis l'ont ainsi été dans des entreprises créées uniquement par des hommes. Cela provient d'un double phénomène : trop peu de femmes créent aujourd'hui des entreprises Tech, autant par auto-censure que parce que la société ne les y encourage pas ; et les fonds d'investissement restent trop peu sensibilisés à la question de la parité, n'encourageant pas les sociétés dans lesquelles ils investissent à prendre le problème à bras le corps. La Tech reste donc un milieu hostile pour les femmes, 46% d'entre elles ayant été victimes de discrimination, souligne le rapport. De ce côté-là, tout reste donc à faire.