Le moment de la sortie est un moment-clé qui s’anticipe, se prépare et demande l’ouverture d’une discussion entre les deux parties. Pour éviter les jeux de dupes, il est essentiel de comprendre les objectifs, tenants et aboutissants qui animent chacune des parties. Car l’entrepreneur et l’investisseur n’ont pas du tout la même posture. En tant qu’entrepreneur, il est important de se poser et de répondre à 5 questions clés.
Question 1 : Avez-vous suffisamment pris la mesure de la différence d’objectif entre votre partenaire financier et vous ? Et en tenez-vous compte lors de vos discussions ?
L’objectif de tout entrepreneur est d’assurer la croissance de sa société, d’augmenter le chiffre d’affaires, le périmètre d’action, d’atteindre un équilibre financier qui dégage un bénéfice permettant de réinvestir dans votre projet, etc. De son côté, l’investisseur cherche à rentabiliser sa prise de participation, c’est-à-dire à valoriser son investissement de x3 ou x5 par rapport à sa mise de départ. Ce n’est pas tant les perspectives de croissance qui vont le satisfaire que la marge qui sera dégagée. Il est important, lors des échanges en vue d’une sortie d’un investisseur, de bien mesurer cet écart, et d’en parler ouvertement.
Question 2 : Vous souvenez-vous des engagements initiaux de votre partenaire financier lors de son entrée à votre capital ? Quelles étaient ses échéances de sa prise de participation ?
Un investisseur est attentif à deux échéances : l’échéance de sortie du capital d’une entreprise vue au moment de l’achat des parts (en moyenne, 3 à 5 ans mais peut varier selon sa stratégie) ; et l’échéance des fonds qu’il gère et grâce auxquels il investit. En conséquence, sa volonté de sortir du capital arrive possiblement pour deux raisons : soit parce que l’engagement pris vis-à-vis de l’entreprise s’achève ; soit parce qu’il va clôturer le fonds avec lequel il a financé sa prise de participation et donc doit faire face à des exigences éventuelles de ses " créanciers " (ex : rembourser les capitaux empruntés pour ce fonds, justifier un ROI...) . Ces deux types d’échéances parallèles sont à prendre en compte dans le business plan parce qu’elle rythme et détermine les attentes de l’investisseur en matière de ROI, donc les objectifs de marge à dégager par l’entrepreneur.
Question 3 : Si votre entreprise atteint tout juste (ou à peine) l’équilibre, ce qui arrive dans le cas de beaucoup de startup, souhaitez-vous toujours poursuivre l’aventure ou la céder à la valeur qu’elle représente à l’instant t ?
Vous pouvez en effet être incité par votre partenaire financier à vendre. Ce dernier, pour atteindre dans ses objectifs de rentabilité, peut avoir intérêt à une cession de toute l’entreprise et non juste de sa seule participation. Avant de vous laisser convaincre ou de refuser de suite, interrogez-vous sur votre projet et votre envie de l’emmener plus loin, la concordance de vos intérêts et des siens.
Question 4 – En lien direct avec la question 3 : Avez-vous les moyens matériels de rester à la tête de votre entreprise ? Autrement dit, avez-vous vraiment le choix ?
Selon le marché sur lequel vous êtes et ses perspectives de croissance, la trésorerie dont vous disposez, les opportunités d’autres sources de financement – par exemple par un investisseur qui lancerait un nouveau fonds pour des projets comme le vôtre, vous pouvez ajuster votre décision. Mais en tout état de cause, le partenaire financier qui sort devra s’y retrouver.
Question 5 : Souhaitez-vous intégrer un autre partenaire financier dans votre tour de table ?
Dans ce cas, il faut que vous ayez connaissance de sa stratégie d’investissement, de ses objectifs, des échéances de ses fonds. Il faut aussi que vous puissiez vous engager sur des ratios de rentabilité cohérents et atteignables qui le séduiront.
Dans tous les cas de figure, pour que les intérêts des deux parties soient satisfaits, il est essentiel d’anticiper la sortie d’un partenaire financier en structurant opérationnellement l’entreprise, condition sine qua non pour avoir la capacité de mettre sa vision stratégique à exécution et atteindre les objectifs de chiffre d’affaires et de rentabilité.
Dans les faits, cela peut notamment prendre la forme d’un business staging : il s’agit d’investir a minima, de capitaliser sur les atouts de la société et d’organiser l’existant pour être en capacité de mettre en œuvre le projet (l’exécution précise d’un plan ) et la vision annoncés par l’entrepreneur. D'un point de vue économique, le Business Staging oblige le chef d'entreprise à s'affranchir de la vision comptable stricto-sensu (bilan, résultat d'exploitation, marge et valeur comptable) pour réfléchir à l'organisation (services, implantations, etc.) et aux processus opérationnels qui seront à privilégier pour atteindre l'ambition de développement annoncée. Parmi les sujets qui seront à travailler : est-ce que mon entreprise parle la même " langue " que ma cible ? Sommes-nous prêts à intégrer une nouvelle entreprise ? Quels sont les atouts de l'entreprise face aux autres acteurs du marché ? Que sera mon entreprise dans 2/3 ans ? D'un point de vue humain, le Business Staging va amener le chef d'entreprise à identifier les atouts de chacun des collaborateurs par rapport au projet. C'est ainsi qu'il trouvera des leviers pour les impliquer dans le devenir de l'entreprise en leur y offrant des perspectives.
Surtout, un business staging donne davantage de valeur à une entreprise : il accroît le niveau de rentabilité pour un investisseur qui veut céder ses parts ; il permet aussi de vendre l’entreprise à un meilleur prix, servant à la fois l’intérêt de l’investisseur et de l’entrepreneur. Ce prix revalorisé peut d’ailleurs parfois convaincre le chef d’entreprise de vendre alors qu’il n’en avait pas l’intention au départ. Mais s’il n’y a pas vente, une meilleure valorisation sert quoi qu’il en soit la démarche de recherche d’un nouveau partenaire financier, tout investisseur veillant à la capacité d’exécution des entreprises pour minimiser les risques.
Car finalement sa principale valeur ajoutée est de baser le dialogue entre les parties sur des faits avérés, ce qui facilite les discussions et fait avancer dans le respect des intérêts de chacun, aussi divergents soient-ils.
Isabelle Saladin est présidente fondatrice d’I&S Adviser