Retrouvez l'article original, en anglais, sur la page Medium de Greg Satell
Chaque entreprise a besoin d’innover. Qu’il s’agisse d’une entreprise à but lucratif, d’une association philanthropique ou d’une entité gouvernementale. La vérité nue est que tous les modèles économiques sont voués à l’échec parce que les conditions de leur réalisation changent au fil du temps. Nous devons nous adapter non pas à la stabilité mais à la disruption - ou alors nous ne serons plus pertinent.
On est loin de la pénurie de conseils sur comment gérer cette situation. En réalité, il y a beaucoup trop de conseils sur la question. Les adeptes du design thinking vous diront de vous concentrer sur l’utilisateur final mais le diplômé d’Harvard Clayton Christensen répondra qu’à trop écouter les consommateurs, l’entreprise finit par péricliter. Et puis il y a l’open innovation, la méthode lean, etc.
La vérité est qu’il n’existe pas de chemin unique vers l’innovation. Chacun doit trouver sa propre voie. Ce n’est pas parce que quelqu’un a testé avec succès une stratégie qu’elle est une réponse aux problèmes que vous devez régler. Alors le meilleur conseil à écouter est de rassembler autant d’outils que possible dans votre boîte à outils d’entrepreneur. Voilà quatre informations à propos de l’innovation dont vous entendrez peu parler mais qui sont pourtant d’une importance essentielle.
Avoir du succès n’est pas toujours une chance
La plupart du temps, les managers ne sont pas responsables de l’innovation. Comme leur titre l’indique, ils sont en charge du management des opérations. Cela implique le recrutement et la mise en confiance d’employés-clés, l’optimisation des process et la réduction des erreurs. Les managers ne cherchent généralement pas à améliorer le produit mais à faire en sorte que l’activité tourne de manière efficiente et sans heurt.
Il est facile pour quelqu’un qui ferait une keynote de dépeindre les managers opérationnels comme des cancres semblables à des autruches, préférant se cacher la tête dans la sable. Mais manager une activité de qualité est une tâche difficile qui requiert du talent, du dévouement et des compétences. Alors, à moins que vous n’ayez déjà vous-même occupé ce poste, ne jugez pas trop vite les managers.
Néanmoins, les managers ont besoin de réaliser qu’il existe un équilibre à trouver entre l’innovation et l’optimisation de l’activité. Faire tourner la boîte demande de la standardisation et du contrôle pour arriver à prévoir la croissance. L’innovation, au contraire, s’appuie sur l’expérimentation. Cela veut dire essayer plein de nouvelles choses, dont la plupart vont être des fours. C’est pour cela que le succès conduit souvent à l’échec. Ce qui vous mène au succès dans un environnement compétitif sera probablement un obstacle lorsque la donne aura changé. Vous devez donc trouver un équilibre sain entre tirer un maximum parti des conditions présentes tout en laissant de la place à la création de votre succès futur.
Trouvez le use-case idéal
Les bons managers opérationnels apprennent à identifier les marchés les plus larges dans lesquels s’implanter. Ils vous aident à faire grandir votre entreprise, à drainer des revenus et vous permettent d’investir en retour dans vos opérations et de devenir plus efficient. Une plus grande efficience conduit à une plus grande marge opérationnelle, ce qui vous permet d’investir davantage, créant ainsi un cercle vertueux.
Cependant, quand vous essayez de faire quelque chose de radicalement nouveau et différent de ce qui existe déjà, scaler trop vite peut tuer votre business avant même qu’il n’ait commencé. La vie d’un produit véritablement révolutionnaire est imprévisible parce que, par nature, il n’est pas bien compris par le marché. Se lancer à corps perdu dans l’inconnu est le moyen le plus sûr de foncer dans des obstacles que vous n’aurez pas vu venir et qui vous coûteront cher à surmonter.
Une stratégie plus pertinente consiste à identifier le use-case idéal : quelqu’un qui a tellement besoin de régler un problème qu’il sera prêt à passer outre les inévitables pépins qui surviendront. Il vous aidera à identifier les lacunes de votre solution le plus tôt possible et à les corriger. Une fois que vous avez dégrossi votre produit grâce à ce use case, vous pouvez commencer à scaler en cherchant des use cases plus classiques.
Par exemple, développer un véhicule autonome est une proposition risquée comportant une kyrielle de variables que vous ne pourrez pas anticiper. Néanmoins, un terrain minier australien, où les conducteurs sont rares et le trafic inexistant, constitue un lieu idéal pour tester et améliorer la technologie. Dans la même veine, le bide des Google Glass en tant que produit grand public pourrait déboucher sur une adoption massive de la technologie dans le secteur industriel. Parfois, il est plus pertinent de penser le produit pour quelques uns que pour tout le monde.
Commencez par le singe
Les dirigeants ont souvent une idée dingue qui les excite beaucoup. Ils commencent par évoquer l’immense opportunité qu’elle constitue et comment leur entreprise est parfaitement positionnée pour capitaliser dessus. Mais quand on creuse, il y a toujours une barrière majeure de mettre en oeuvre cette idée.
Ne vous leurrez pas. L’innovation n’a rien à voir avec les idées : il s’agit de régler des problèmes ! La vérité est que tout le monde se fout de vos idées, on ne prête attention qu’aux problèmes que vous parvenez à résoudre. La raison pour laquelle la plupart des gens n’arrivent pas à innover n’est pas qu’ils n’ont pas d’idée mais qu’ils manquent de persévérance pour surmonter un vrai gros problème jusqu’à ce qu’ils n’en soit plus un.
A Google X, l’usine à projets " moonshot " du géant de la Tech, le mantra est #MonkeyFirst (#LeSingeD’abord). L’idée est que si vous voulez apprendre à un singe à réciter du Shakespeare sur un piédestal, vous devez commencer par entraîner le singe, pas par construire le piédestal. Parce qu’entraîner le singe est la partie difficile, alors que n’importe qui peut construire un piédestal.
Le problème est que la plupart des gens commencent par le piédestal parce qu’ils savent faire. Et en le construisant, ils montrent très tôt des progrès sur leur feuille de route. Malheureusement, cela ne vous conduit nulle part. A moins que vous ne sachiez déjà apprendre à un singe à réciter du Shakespeare, travailler sur le piédestal est un effort vain.
Parfois, le monde n’est juste pas prêt
Quand Alexandre Fleming a publié pour la première fois ses découvertes sur la pénicilline, personne n’a rien remarqué. Quand les dirigeants de Xerox ont vu pour la première fois l’Alto - la machine qui deviendra le modèle des ordinateurs Macintosh sept ans plus tard - ils n’ont rien perçu du changement à venir. Quand Jim Allison a présenté à des dirigeants pharmaceutiques son idée d’immunothérapie contre le cancer, pas un seul ne s’est montré intéresser.
Nous pensons toujours que la prochaine révolution sera une évidence mais, en réalité, cela commence souvent par ne ressembler à rien. Quand quelque chose a vraiment le pouvoir de changer le monde, le monde n’est pas prêt pour cela. Il faut peaufiner son plaidoyer, trouver de la traction dans une industrie ou un secteur spécifique et combiner cela à d’autres innovations avant de pouvoir avoir un impact tangible.
Mais personne ne vous le dit. Nous sommes conditionnés à penser que quelqu’un comme Steve Jobs ou Elon Musk monte sur scène, annonce que le monde a changé et que tout le monde s’en contente. Et cela n’arrive jamais parce que l’innovation n’est pas un événement précis, c’est un long processus de découverte, d’ingénierie et de transformation qui prend habituellement autour de trente ans. " Ne vous inquiétez pas que d’autres volent vos idées ", disait le pionnier de l’informatique Howard Aiken. " Si vos idées sont vraiment bonnes, vous devez les faire entrer dans la tête des gens à coups de pioche. " Les plus grands innovateurs ne sont pas des gens avec de bonnes idées. Ils sont des gens qui ont suffisamment de volonté pour s’accrocher à leurs idées et prendre leur revanche sur ceux qui les ont moqués. Et, s’ils ont de la chance, ils peuvent vraiment changer le monde.
Greg Satell, auteur de Mapping Innovation