La stratégie est source de nombreux fantasmes. Vue comme une série de réunions secrètes, on finit par croire qu’on peut faire de la stratégie par intermittence, au lieu de la vivre au quotidien. Dans l’esprit de la plupart des collaborateurs, la stratégie est le pré carré des grands dirigeants et des consultants à prix d’or. On sait qu’ils se réunissent, phosphorent et rédigent des powerpoints. On entend parler de ce qu’ils se seraient dit, souvent à la machine à café ou au détour d’une pause cigarette. Pour que la rumeur enfle, il ne manque plus que les jeux politiques, amplifiant les secrets autour de cette soi-disante stratégie qui doit définir l’avenir. Trop souvent, les idées et les décisions se diffusent mal, se transformant à chaque étage de la hiérarchie, jusqu’à devenir un semblant de direction devant orienter les actions du quotidien.
Sans lien avec l’exécution, la stratégie c’est bullshit
Toute distance entre le terrain et la stratégie génère automatiquement la frustration des équipes. La nature ayant horreur du vide, cette distance est comblée par une fabulation collective. On y retrouve le grand méchant patron et ses sbires, les complots de la Direction, ou simplement une dévalorisation des plans à trois ans et autres communications stratégiques.
Comment pourrait-on aligner toute une équipe avec du jargon stratégico-consultant ? Les phrases à rallonge qui expliquent la vision de la Direction sont souvent dénuées de sens profond. Les mots utilisés sont pensés en-dehors du terrain, sans ceux qui vont baser leurs décisions quotidiennes sur ces réflexions.
Il faut appliquer la stratégie au réel, dès son énonciation.
À force de réserver la stratégie aux stratèges, les équipes, laissées de côté, sont incapables d’exécuter la vision de l’entreprise. Malgré tout le reporting imposé pour maîtriser les opérationnels, ils continuent de diverger de la direction voulue. Pire, ils ralentissent et finissent régulièrement par se désengager !
La difficulté avec la stratégie de nos jours, c’est que le monde change beaucoup trop vite. La stratégie elle-même se retrouve à constamment devoir évoluer. Du point de vue des équipes, les décisions court-terme s’enchainent souvent sans trop de cohérence. Comme celui de nos hommes politiques, le discours de la Direction peut vite se décrédibiliser et se réduire à un bullshit honni.
Il faut associer la stratégie au réel, tout au long de son exécution.
Comment construire une stratégie exécutable ?
Au fond, ce qu’il se passe, c’est qu’il faut bien admettre quelque chose : la stratégie, c’est bien, mais l’exécution c’est mieux. On peut fantasmer autant qu’on le souhaite sur la stratégie, à la fin de la journée, les décisions qui comptent, ce sont celles qui sont prises sur le terrain. Se positionner sur tel ou tel appel d’offre, arrêter un projet compliqué, réussir le lancement d’un nouveau prototype… La vraie stratégie, elle se passe là ! Au contact de ses clients, de ses fournisseurs, de ses équipes. Cela peut sembler contre-intuitif, mais une stratégie qui permet une exécution fluide et performante, c’est donc une stratégie qui laisse de la liberté.
Une bonne exécution a besoin d’équipes suffisamment autonomes pour s’adapter rapidement aux changements. Il faut donc définir une direction large mais précise tout en limitant les actions de chacun dans un cadre sécurisé. Une bonne stratégie se compose alors de différents éléments qui expliquent sans restreindre.
La mission (ou raison d’être) et les valeurs d’une entreprise sont des éléments fondamentaux pour construire une stratégie exécutable, car elles cadrent les décisions opérationnelles. Par ailleurs, le pouvoir du négatif ne doit pas être négligé : définir ce que l’on ne fait pas et que l’on ne fera jamais, c’est laisser la liberté de faire tout le reste ! De la même manière, on s’assurera de fixer la vision et les objectifs, jamais les moyens de les atteindre. Ceux-ci doivent être décidés sur le terrain, là où les besoins de l’entreprise sont le mieux compris.
Sur la base de ces grands principes, comment formule-t-on une stratégie ? D’abord, arrêtons de demander à des consultants externes de l’écrire pour nous. Sans connaitre finement l’histoire ou la culture de l’entreprise, comment pourraient-ils être intelligibles ? C’est au dirigeant d’impliquer ses équipes au maximum pour qu’elles se positionnent et se projettent. Son job, c’est d’exprimer sa vision avec les mots de ses collaborateurs. On pourra alors se faire aider par des animateurs externes (et pas des consultants), qui fluidifieront les échanges sans apporter leurs biais à la démarche.
Enfin, la richesse de la langue doit être exploitée pour exprimer une stratégie. Par pitié, plus de jargon obscur, de phrases verbales sibyllines ou de bullet points à gogo ! Essayons plutôt de faire des phrases normales – un sujet, un verbe, un complément – que même notre grand-mère / grand-père comprendrait. Cela peut paraitre évident, mais pour exécuter une stratégie, il faut déjà pouvoir la déchiffrer…
Comment exécuter une stratégie ?
Énoncer une stratégie, c’est le point de départ, mais c’est loin d’être suffisant. Quatre-vingt pourcent de la stratégie, c’est son application quotidienne. Il va donc falloir inscrire ce qui a été construit au paragraphe précédent dans la réalité du terrain.
Sans perdre de temps, il faut lier la stratégie énoncée à l’organisation de son exécution. Chez Fly The Nest, nous exprimons la vision (court, moyen et long terme) en une matinée, et nous nous attachons à la décliner opérationnellement l’après-midi même ! Quels sont les grands axes de travail pour atteindre la vision court terme et préparer le moyen/long terme ? Quels sont les résultats que l’on veut obtenir pour chacun de ces grands sujets de transformation, à chaque terme ?
D’après nous, le bon moyen d’exécuter une stratégie, c’est de suivre la logique de la démarche expérimentale. Il s’agit de tester les hypothèses qui sous-tendent la vision et les objectifs, en observant de près l’évolution de chaque paramètre, afin d’essayer d’en déduire une loi, une règle, une tendance du business concerné. Le savoir acquis à chaque focus stratégique permet d’ajuster la stratégie en continu, comme un chercheur qui enchaine les expérimentations pour se rapprocher de la vérité.
La dernière stratégie que nous avons implémentée consistait à nous organiser en deux équipes autonomes traitant de différents types de client. Les hypothèses pour ce test étaient les suivantes : les clients vont être autant satisfaits, nous allons être encore plus engagé et chaque équipe va être au moins rentable. Pour chacune de ces hypothèses, nous y avons accolé des indicateurs, mesurés et discutés toutes les semaines. Nous nous sommes donnés 6 mois pour tester et atteindre nos objectifs…
Pour réussir, le canevas d’une stratégie doit être semblable au protocole d’une expérience scientifique. Il faut réfléchir à sa durée dans le temps, aux résultats attendus, aux nouveaux indicateurs qu’il faudra alors mettre en place pour les mesurer, aux seuils associés qui feront dire que l’expérience est un succès. Comme dans une étude clinique, la question des crans d’arrêt est fondamentale : quels sont les critères chiffrés qui feraient tout annuler ou revenir en arrière ?
Amenez vos équipes terrain dans l’équation, car tant que la stratégie sera réservée aux stratèges, l’exécution faillira à coups sûrs.
Au-delà de la stratégie…
Certains disent que la culture mange de la stratégie au petit-déjeuner. Que c’est qui vous êtes qui fera votre succès, bien plus que votre plan pour réussir. Il est vrai que les stratégies qui trouvent leur source dans les valeurs de l’entreprise sont terriblement efficaces, car elles s’exécutent sans accroc.
Chez Fly The Nest, nous croyons que la réussite vient d’une combinaison des trois : stratégie, culture, exécution. L’équilibre et le dialogue entre ces éléments est la clé de tout. Rendez-vous dans des prochains articles pour le détail de toutes les richesses de ce triangle.