Outils et conseils par Aurélien De Nunzio
27 août 2018
27 août 2018
Temps de lecture : 9 minutes
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Notre premier pivot : simple as fuck

Aurélien De Nunzio, cofondateur et CEO de Permettez-moi de construire, revient sur le premier pivot de sa startup et les résultats que cela a engendré.
Temps de lecture : 9 minutes

Cela fait maintenant 2 ans que chez Permettez-moi de construire, nous redéfinissons l’expérience d’obtention des permis de construire en combinant technologie et expertise humaine. Nous nous attaquons à un problème que plus de 64 % des Français estiment être l’un des principaux obstacles à la réalisation d’habitat : les démarches administratives trop contraignantes, anxiogènes, complexes et chronophages. Nous résolvons au quotidien un réel problème pour les particuliers et construisons une vraie marque. Le but : être automatiquement associé au permis de construire et à la simplicité.

Dans cet article, nous allons parler du premier pivot que nous avons fait sur le positionnement de notre marque et notre stratégie de conversion. Un autre article parlera de notre second privot.

PIVOT N°1 : simple as fuck. (Positionnement et conversion)

Milieu d’année 2017, nous sortons d’une période d’incubation réalisée au sein de la cellule entrepreneuriat et innovation de Leroy Merlin France et venons de closer une première levée de fonds de 400K€ d’équity auprès d’un fonds. Nous intégrons le programme d’accélération de Euratechnologies Lille et recrutons les premières personnes de notre équipe. L’excitation est à son comble. Nous prenons alors le temps de nous structurer, de re-définir notre vision, notre mission et nos ambitions avant de foncer tête baissée.

Après la re-définition de cette vision, je fais le constat que le service de facilitation des permis de construire répond à un réel problème, mais que celui-ci n’est pas récurent (on ne construit / rénove pas un bâtiment tous les mois, donc on ne demande pas un permis de construire tous les mois) et donc que cela est négatif car va pénaliser notre modèle économique. (Pas de revenus récurrents)

La stratégie qui est prise et qui est la mienne est de faire évoluer notre promesse vers la facilitation de toutes les démarches administratives d’un projet de travaux (le bornage de terrain, les subventions pour les travaux, la viabilisation des terrains, etc.) Cette décision est prise assez unilatéralement et sans consultation suffisante 1) de mon équipe 2) de nos clients. La décision est prise : Permettez-moi de construire ça n’est plus uniquement la facilitation des permis de construire mais de toutes les démarches administratives de l’habitat. Go.

Jusqu’ici, nous n’avions pas de profil tech en interne, nous nous sommes débrouillés seuls pour lancer notre service et notre plateforme web à coup de combinaisons entre wordpress // instapage // zapier // typeform et autres outils faciles à mettre en place et suffisants pour tester une idée et en sortir un product market fit. Le financement obtenu, nous optons pour une stratégie d’externalisation de notre tech. Notre service n’est pas fondalement un service “tech” et nous estimons être une bonne stratégie de recourir à un prestataire pour développer le nouveau site, de plus nous ne sommes pas à ce moment là très à l’aise avec le processus de recrutement d’un profil tech. Nous pensons gagner du temps en procédant de cette manière.

De mai 2017 à octobre 2017, nous designons, étudions et dévelopons la nouvelle plateforme. Nous imaginons une nouvelle expression de l’offre, horizontale et un nouveau tunnel de conversion, qui se limitait jusqu’ici à un formulaire. Et c’est à ce moment là que tout part en vrille. À l’époque, nous étions beaucoup moins structurés et sachants qu’aujourd’hui. Pas de product owner : la collaboration avec le prestataire se fait tant bien que mal, elle est parfois difficile et tendue. Notre vision du produit n’est pas claire et cela se ressent dans le développement.

Le permis de construire est une démarche très compliquée et anxiogène pour les particuliers. Avec du recul, il en va de soit que l’expérience que nous construisons se doit être “simple as fuck” à toutes les étapes. Pourtant, c’est bien l’inverse que nous avons fait : expression de l’offre complexe (une dizaine de services pas tous aboutis ni testés auprès de nos clients), un tunnel de conversion compliqué (des termes réglementaires utilisés comme surface de plancher ou surface d’emprise au sol, des schémas explicatifs pour mesurer ses surfaces et un tas d’autres informations demandées inutilement à ce stade de l’expérience.

Nous avons à ce moment une vague idée de ce que nous voulons faire en terme de tech (vue cartographique, croisement de données d’urbanisme, etc.) mais tout cela est fait dans la précipitation et sans réflexion préalable. Cela se ressent dans les développements et le produit final.

En octobre 2017, nous lançons le nouveau site, les leads augmentent légèrement par rapport au formulaire typeform utilisé précédemment mais cela reste dérisoire. (Notre acquisition n’a pas changé, elle est toujours en grande partie drivée par notre référencement naturel, nous pouvons donc analyser sereinement l’impact du nouveau site sur la conversion).

Après ce lancement, nous tournons entre 20 et 30 leads par mois. Plusieurs dizaines de milliers d’euros dépensés, des heures et des heures perdues, beaucoup de stress pour rien. Naze. La courbe des leads est aussi plate que l’encéphalogramme d’une huitre morte.

Heureusement, on se rend compte assez vite de la connerie que nous venons de faire ces derniers mois et pour laquelle je prend une grande partie de la responsabilité. Nous avons fait les choses vite mais mal. C’est fin décembre que nous prenons conscience de notre bétise lors d’une discussion avec un serial entrepreneur qui nous coache à Euratechnologies Lille.

Son style direct et franc est un peu déroutant, il nous explique et nous montre que nous sommes en train de faire une des conneries qu’une majorité d’entrepreneurs fait : “mon produit / service n’est pas récurent, je vais donc élargir mon offre horizontalement pour aller chercher plus de clients, à différents moments” Nous ne sommes pas d’accord au début de la conversation, nous restons sur nos convictions, on s’embrouille puis on se rend à l’évidence : il a raison sur toute la ligne.

Nous avons voulu faire les choses trop vite, nous avons dépensé pas mal d’argent pour payer notre prestataire et développer le site avec BEAUCOUP de fonctionnalités pour la plupart inutiles et complexes. Notre service de facilitation des permis de construire est celui pour lequel l’entreprise existe, pour lequel les clients ont montré un intérêt, pour lequel ils paient. Celui que j’ai lancé pendant mes études en l’étudiant très en profondeur et toujours d’une manière customers centric, celui grâce auquel nous avons levé de l’argent : tout repose sur ce service.

Alors pourquoi ne pas se concentrer sur celui-ci et l’explorer beaucoup plus verticalement et en profondeur au lieu d’élargir l’offre et la complexifier ? Il y a énormément à faire sur ce seul service pour redéfinir complètement l’expérience, digitaliser le processus, faciliter l’accès à l’information légale d’urbanisme, etc. Et ce dont nous sommes certains, c’est que tout cela a de la valeur pour nos clients.

Il est temps de rectifier le tir. Alors que nous faisions ce constat, nous venions de recruter Cyril, notre premier profil tech, qui deviendra notre CTO. Il était en train de prendre en main les développements réalisés par le prestataire externe. Le 6 décembre 2017, dans les minutes suivant ce coaching avec notre serial entrepreneur, nous décidons d’agir rapidement pour re-centrer toute l’activité de l’entreprise sur le service de facilitation des permis de construire. Nous avons désormais la compétence technique en interne : nous décidons de tout mettre à la poubelle et de recommencer.

1 ère étape du changement :

Nous redéfinissons une charte graphique beaucoup plus épurée, simple et friendly. Notre chief brand officer, Marc-Antoine imagine alors un storytelling basé sur des illustrations très simple. Nous sortons une nouvelle homepage en à peine deux semaines (sans quasiment toucher au tunnel de conversion qui reste également compliqué). Simplement, nous revoyons l’expression de l’offre pour qu’elle soit compréhensible à la première lecture.

Effets de cette première étape :

Nous sommes fin janvier, la homepage a été mise en ligne début janvier et nous constatons une superbe augmentation de nos leads. Sans toucher à notre tunnel de conversion, la re-définition de l’expression de notre offre et de notre identité visuelle nous permet de faire entrer beaucoup plus d’internautes dans notre tunnel de conversion. Nous passons de 31 leads en décembre 2017 à 131 leads en janvier 2018, soit + 322 % d’augmentation. L’offre est désormais claire et compréhensible par nos internautes, il n’y a pas de confusion possible : il y a un seul service, une seule proposition de valeur.

Nous designons et développons ce tunnel de conversion en moins d’un mois et le mettons en ligne, dans sa version la plus simple, avec très peu de fonctionnalités, pour ne pas répéter les erreurs du passé. Le tunnel permet uniquement de qualifier son projet pour être rappelé par un expert projet habitant et de visualiser sa parcelle cadastrale sur la vue cartographique. Une nouvelle fonctionnalité permettant de visualiser si sa parcelle se trouve dans un périmètre protégé dû à des monuments historiques / bâtiments classés sera ensuite mis en ligne (photo du milieu).

Effets de cette deuxième étape :

Ce nouveau tunnel de conversion immerge beaucoup plus les internautes dans une expérience ultra-personnalisée, simple et intuitive. Le chatbot permet de les guider dans la description rapide de leur projet et de leur montrer des informations sur la vue cartographique. Nous passons de 131 leads en janvier à 162 leads en février soit + 23 % puis à 233 leads en mars soit + 43 %, après quelques ajustements. Nous continuons aujourd’hui d’améliorer ce tunnel de conversion en développant les features une par une, en équilibrant l’apport sur l’expérience utilisateur et la conversion.

Ces deux étapes constituent le pivot réalisé sur notre positionnement et notre stratégie de conversion et elles nous ont permis d’éviter la mort de l’entreprise. Depuis plusieurs mois, nous avons une superbe traction : + 1000 % de leads entre décembre 2017 et juin 2018 avec la même acquisition (80 % SEO) Si ce pivot nous a permis d’augmenter considérablement nos leads entrants, il a aussi simplifié les sujets de toute l’équipe : expression de l’offre, marque, développements tech, acquisition, communication, vente du service, etc.

Le service que nous proposons est désormais trouvé, compris, souscrit, apprécié et recommandé. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, qui ont eu le mérite de nous avoir ouvert les yeux et de réagir très vite, une seule devise : simple as fuck.

Retrouvez le post original d'Aurélien de Nunzio sur Medium 

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