Maddyness : Comment avez-vous structuré l’open innovation au sein de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi ?
Sophie Schmidtlin : L’organisation de l’innovation au sein du Groupe Renault et de l’Alliance repose sur la collaboration ouverte. L’open innovation est la clé de notre stratégie. Elle s’appuie sur un réseau de partenaires forts. Nous travaillons sur plusieurs projets liés à la mobilité de demain en collaboration avec de multiples organisations de secteurs différents, des startups aux collectivités locales en passant par les universités. Cette organisation du travail ouverte nous permet de booster la créativité en interne tout en restant agiles dans nos processus de collaboration.
Nous sommes convaincus au sein de l’Alliance que la mobilité du futur sera autonome, électrique et connectée. C’est en ce sens que nous travaillons et nous innovons avec tous nos partenaires, que ce soient des startups, des collectivités territoriales comme la Région Île-de-France, la métropole de Rouen ou des entreprises de secteurs différents. La stratégie d’innovation de l’Alliance est basée sur l’ouverture et développée autour de plusieurs objectifs : la sécurité, le bien-être à bord, la réduction de l'impact environnemental et la mobilité durable pour tous aujourd'hui et demain.
Pour en faire un rapide bilan, pourriez-vous nous communiquer quelques chiffres ou exemples ?
Au sein du Groupe Renault et de l’Alliance, nous travaillons sans relâche pour rester un leader innovant aussi bien dans nos produits, nos services, que dans la technologie et le design que nous développons pour façonner une mobilité du futur accessible à tous, aussi agréable que sécurisée. Cette stratégie s’applique par le soutien aux acteurs innovants. En octobre 2017, le Groupe Renault a annoncé l’investissement de 18 milliards d'euros en R&D pour la période 2017-2022. L’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a lancé un fonds de capital-risque qui investira près d’un milliard de dollars sur cinq ans.
Ensuite, nous avons créé dans des lieux stratégiques - dans la Silicon Valley, à Tel Aviv et à Paris - des Open Innovation Labs pour identifier et soutenir les startups qui apportent des réponses aux enjeux de mobilité du futur en s’appuyant sur un écosystème local. Nous souhaitons par cette action trouver et épauler les futurs champions de l’innovation de demain.
Nous venons de présenter ce mois-ci la deuxième session du programme innovant Citymakers que nous avons créé en partenariat avec NUMA, AXA, Nissan, RCI Bank and Services, la Ville de Paris et des startups souhaitant avoir un impact sur la mobilité de demain. L’innovation ne peut se faire qu’en prenant le pouls du dynamisme et des initiatives locales. Au sein du Groupe Renault et de l’Alliance, nous sommes attentifs à l’écosystème dans lequel nous évoluons et nous nous nourrissons de la flexibilité et de l’agilité de nos partenaires.
Un autre exemple probant est le développement de Symbioz Demo car, notre prototype de véhicule autonome de niveau 4, testé en décembre 2017 sur l'A13. Symbioz Demo car a été créé au sein du Garage, un espace collaboratif dédié au projet et situé au Technocentre de Guyancourt. Cette nouvelle organisation dirigée par Mathieu Lips regroupait des équipes transverses de l’ingénierie, du produit et du design, en collaboration avec de nombreux partenaires industriels, leaders technologiques et créatifs, dans une démarche d’open innovation prisée au sein du Groupe Renault. Les six partenaires principaux impliqués aux côtés des équipes Renault dans le développement de Symbioz Demo car ont apporté leur contribution dans des domaines bien précis : LG pour le développement des interfaces homme-machine et des services connectés, Devialet pour le système et l’expérience sonores à bord du véhicule, Ubisoft pour l’expérience de réalité virtuelle dédiée à la conduite autonome, IAV pour l’ingénierie de la conduite autonome, Sanef pour la communication avec les infrastructures routières et TomTom pour son expertise en matière de géolocalisation et de cartographie HD.
Les autorités et gouvernements nationaux, régionaux et locaux investissent de plus en plus dans l’Internet des objets et les villes intelligentes pour améliorer la communication entre les personnes, les véhicules et les infrastructures. Renault travaille en étroite collaboration avec ces acteurs ainsi qu’avec des ONG et des partenaires du secteur privé dans le cadre de ces efforts pour faire progresser la mobilité durable pour tous.
S’il y avait une chose que vous ne devriez pas recommencer, laquelle serait-ce ?
Quand vous travaillez en open innovation, vous êtes dans une logique d’agilité, de souplesse et donc de test and learn. L’échec n’existe pas : toute expérience permettant d’apprendre et de s’ouvrir aux nouvelles technologies est une réelle opportunité. Il n’y a donc jamais rien de négatif dans les projets ouverts et innovants dans lesquels s’impliquent le Groupe Renault et l’Alliance : nous sommes dans une logique de perpétuel apprentissage. Le monde automobile doit pouvoir s’adapter à la transformation numérique et au développement digital des sociétés qui impactent fortement la mobilité des individus. Ce changement s’opère autant dans les produits, les services et les technologies que le Groupe Renault et l’Alliance propose, qu’en interne dans l’organisation du travail et l’agilité des équipes capables de réagir rapidement et de s’adapter à leur environnement et aux nouveaux besoins en termes de mobilité.
Cette approche d’open innovation permet au Groupe Renault et à l’Alliance de développer de nouvelles capacités et compétences, en s'associant à des acteurs innovants au fonctionnement différent. Le Groupe Renault et l’Alliance ont pour ambition d’être un des acteurs de la mobilité de demain, électrique, autonome et connectée, partagée ou individuelle. Pour créer une mobilité intelligente, verte, sécurisée et au service du plus grand nombre, nous avons tout intérêt à collaborer avec des partenaires souples et agiles aux compétences complémentaires à celles que nous avons en interne. C’est ensemble que nous créerons la mobilité et la smart city de demain.
Quels sont les objectifs et les ambitions du groupe en termes d’innovation dans les prochaines années ?
La stratégie d’innovation du Groupe Renault est développée autour de plusieurs objectifs : la sécurité, le bien-être à bord, la réduction de l'impact environnemental et la mobilité durable pour tous aujourd'hui et demain. Dans le cadre du plan stratégique Drive The Future sur la période 2017 -2022, nous avons annoncé plusieurs objectifs d’innovation, dont le leadership sur le segment du véhicule électrique (8 modèles électriques, 12 modèles électrifiés, 100% des véhicules connectés sur les marchés clés et 15 véhicules Renault autonomes). Nous avons également dévoilé notre vision de la mobilité du futur autonome, électrique et connecté individuelle - avec Symbioz Concept car puis Symbioz Demo car - et partagée - avec EZ-GO.
À votre avis, quelles sont les grandes inventions qui ont un impact sur vos métiers aujourd’hui ?
Nous assistons à un véritable fourmillement des innovations aujourd’hui et beaucoup vont impacter très rapidement le fonctionnement des sociétés et donc des entreprises : Big Data, machine learning, intelligence artificielle, cloud, blockchain, IoT… À titre d’exemple, si nous devions n’en retenir qu’une : la connectivité est un enjeu majeur pour les acteurs de l’automobile. Le véhicule se transforme en véritable objet connecté et service de mobilité. Il doit donc être capable de dialoguer avec son utilisateur mais aussi avec l’ensemble de son environnement (les infrastructures, les autres véhicules...), pour permettre aux occupants une expérience de transport agréable et fluide sans déconnexion avec son environnement : sa maison, son travail et ses autres appareils connectés.
Les partenariats entre startups et grands groupes restent encore timides aujourd’hui. Quelles pistes pourraient, selon vous, améliorer ces relations et amplifier ces collaborations ?
Nous vivons une période formidable, une véritable révolution en ce qui concerne la mobilité. Des technologies et projets innovants bouillonnent de toutes parts, les entreprises se décloisonnent et s’organisent en interne comme dans leurs partenariats pour transformer et proposer des expériences inédites de mobilité. D’ici quelques années, le voyage n’aura plus le même sens qu’aujourd’hui. Nous avons une responsabilité pour le futur et celle-ci est partagée et repose sur les choix stratégiques que feront les entreprises, les villes, les gouvernements, les startups et les usagers.
La conduite autonome par exemple est un défi si complexe qu’un unique acteur ne peut pas s’y attaquer seul. Durant les mois qui viennent de s’écouler, l’industrie des technologies de l’information a découvert à quel point il était compliqué de concevoir un véhicule. Les constructeurs ont également réalisé qu’il était essentiel d’exploiter le meilleur des technologies informatiques actuelles et de travailler en synergie avec d’autres entreprises d’expertise, de taille et utilisant des méthodes différentes.