Décryptage par Julien Hervy
4 juillet 2018
4 juillet 2018
Temps de lecture : 8 minutes
8 min
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Ces secteurs qui doivent repenser l'expérience client pour survivre

L'expérience client peut-elle sauver le retail ou la banque ? Face à des géants, rodés au fait de proposer un parcours d'achat non seulement personnalisé mais pensé jusque dans les moindres détails, les entreprises se doivent de revoir leurs propres process. Julien Hervy, spécialiste en expérience client, fait le point sur les bonnes pratiques à adopter.
Temps de lecture : 8 minutes

“Si vous ne parvenez pas à marquer l’esprit des clients, vous n’avez pas offert une expérience distinctive.” C'est Joe Pine qui, le premier, a introduit le concept d’économie de l’expérience aux États-Unis à la fin des années 1990. Le CX (Customer eXperience) doit être une priorité pour les organisations soucieuses de mieux répondre aux attentes des consommateurs. Quelles sont les industries les plus challengées par la nécessité de renforcer le CX ?

Le CX, kézako ?

Avant toute chose, il me semble essentiel de s’arrêter sur la définition claire de CX qui peut prendre deux sens.

  • Vous pouvez d’abord l’envisager comme une véritable expérience du client avec la marque lors de la consommation de son offre (bien ou service ou mix des deux). Nous parlons ici de mise en scène de l’expérience, qui va davantage toucher aux émotions/sensations du client.
  • Vous pourrez aussi considérer la chose comme toute satisfaction/insatisfaction, tous les sentiments du client à n’importe quel point de contact du parcours client. On envisagera ici plutôt l’expérience du point de vue CRM (relation client) que d’une vision produit.

Joe Pine considère le CX comme une véritable expérience distinctive. Il faut ici comprendre une expérience authentique (perception du consommateur) et différente de ce qui est proposé par ailleurs, parfois unique.

Autre notion absolument fondamentale, le Time Well Spent. Celle-ci correspond aux situations au cours desquelles le client a le sentiment de retirer de la valeur du temps qu’il consacre à la marque. Une distinction s’opère à ce niveau entre expérience (Time Well Spent) et service (Time Well Saved). En général, lors de la consommation de services, les individus cherchent à rationaliser l’argent durement gagné et par là même le temps libre bien mérité. Depuis peu, notamment avec la reconnaissance de l’addiction au smartphone, les mouvements en faveur du Time Well Spent se concentrent sur la lutte contre les plateformes technologiques dont le business repose sur la captation de notre attention et donc de notre temps.

Plutôt que de vous limiter à essayer de séduire vos clients, designez des interactions tellement engageantes que les clients ne pourront s’empêcher de s’en rappeler

Les marques retail face à une concurrence de taille

Le commerce de détail est très clairement le secteur qui est et sera de plus en plus impacté par le CX. Tout d’abord parce que les géants de la distribution subissent la pression des plateformes en ligne comme Amazon, pour ne citer que celle-ci. Amazon est un véritable champion du CX pour un public large et sur une variété de points plus large encore : la logistique, les achats en ligne, le service après-vente, les garanties, etc. À tel point que le groupe a décidé de se lancer dans le retail en dur : des magasins disséminés un peu partout aux États-Unis. La stratégie affichée : créer de la valeur immatérielle, en capitalisant sur la marque, la réputation, l’affinité client. Les points de vente physiques sont une opportunité de créer un nouveau type de relation avec la marque, plus tangible.

C’est ainsi qu’Amazon a introduit le concept de Time Well Spent décrit plus haut. La firme de Seattle a prouvé depuis plusieurs années déjà qu’il est plus pratique pour les consommateurs d’acheter en ligne plutôt qu’en magasin. Cela implique un gain de temps et d’énergie. Face à cette évidence, ce confort qu’ont acquis les consommateurs, les acteurs de la distribution doivent innover pour continuer à exister. Et cela commence par offrir une expérience riche et mémorable en point de vente : l’atmosphère, les interactions physiques et digitales, la considération du modèle phygital qui mixe les deux dans la relation client pour plus de fluidité. Le Time Well Spent constitue le retour sur investissement des consommateurs d’expériences.

Certaines marques de retail parviennent à offrir un CX de qualité pour booster les performances commerciales tout en se différenciant de la concurrence, sans pour autant renier leur approche offline – des boutiques en propre comme canal de vente et de relation client.

Diversifier les expériences

Originaire de Turin, Eataly a choisi de se concentrer sur le marketing expérientiel pour plonger ses clients dans l’univers fin et parfumé de la gastronomie italienne. En parallèle de ses restaurants, la marque a développé un réseau de boutiques de produits haut de gamme ainsi qu'une offre de cours de cuisine. Le passage d’une activité à l’autre se fait dans la plus grande fluidité.

Eataly est parvenu à créer un lieu unique où les individus aiment passer leur temps libre. La question : quelles sont les conditions pour offrir un tel théâtre de l’expérience client ? Avant toute chose, il est indispensable que la marque se concentre sur le design et le merchandizing des produits et du lieu de vente pour créer les conditions du succès d’une vraie stratégie CX-centric. Ensuite il s’agit de vendre des produits de très grande qualité, ainsi vous maximiserez les chances que les individus soient prêts à dépenser un certain panier pour ces expériences bien ficelées. Nous avons ici un très bon exemple du Time Well Spent : Eataly est parvenu à capter l’attention et le temps de ses clients pour les enchanter.

Une expérience sans couture

Au sein des boutiques Lush, il est possible de trouver des produits cosmétiques fabriqués artisanalement. La stratégie marketing du groupe: concentrer ses efforts pour offrir des expériences de shopping particulièrement personnalisées et profondément mémorables. Et c’est tout : ses produits ne sont pas présentés dans des packagings traditionnels et lorsque les clients décident de les acheter ils doivent eux-mêmes trancher les morceaux du savon qu’ils ont choisi sur les dalles à disposition.

Plonger les mains dans un lavabo dans lequel une perle de bain effervescente vient d’être lancée n’est pas pratique ou simple : c’est salissant. Mais aussi charmant et engageant : c’est expérientiel !

Joe Pine

Le CX est une priorité absolue pour le groupe. Une preuve ? Lush a créé son propre système de paiement sur tablette. Ce logiciel open-source intègre une application pour Android et permet aux vendeurs de parcourir le magasin tout en offrant des points mobiles de paiement aux clients : finie la contrainte du passage en caisse. Les tablettes présentent l'avantage de proposer des transactions rapides et davantage d’options de paiement. L’application aura aussi le mérite d’offrir aux clients la possibilité de consulter plus d’informations à tout moment et avec une certaine autonomie. Un comptoir reste toutefois disponible pour ceux qui préféreraient l’encaissement traditionnel.

Lush a designé le parcours client avec un seul fil rouge : le rendre le plus fluide possible pour que les clients vivent des expériences au sens du Time Well Spent où la contrainte est moindre et le moment mémorable.

Les consommateurs doivent avoir une véritable motivation pour rentrer dans vos boutiques, pas juste celle d’acheter des choses.

Exploiter la donnée

Les compagnies aériennes ont tellement de data sur les voyageurs qu’elles pourraient probablement leur offrir les expériences les plus personnalisées. Ces acteurs ont l’avantage d’être au milieu d’un écosystème riche en données : les divers acteurs (commerces et autres) au sein des aéroports. Si chacun d’entre eux acceptait de partager les informations qu’ils ont sur les voyageurs, les compagnies et les aéroports seraient en mesure d’offrir des parcours clients extrêmement fluides. Ainsi les compagnies pourraient par exemple proposer des offres et des interactions adaptées selon leur localisation, trajet, historique personnel, etc. Mais au vu des contraintes en termes de sécurité (antiterrorisme, douanes...) et de confidentialité (RGPD), tout cela n’est pas si facile.

Chaque interaction avec un client est une opportunité d’apprendre, et lorsque vous en savez davantage sur lui vous pouvez lui offrir des produits et services et une prise en charge plus adéquate et personnalisée. Dès lors que les clients réalisent qu’ils tirent des bénéfices de ces interactions, ils sont plus à même de communiquer avec vous, et ainsi de suite.

Joe Pine

Le secteur de la banque et assurance est considéré comme le deuxième en termes de volume de données client collectées. Les banques en savent beaucoup sur chacun d’entre nous : à travers l’usage que nous avons de leurs cartes de crédit, ces établissements financiers peuvent retracer nos parcours d’achat et nos comportements. C’est la même chose pour les assurances pour qui il est parfois indispensable de collecter des données – sensibles – sur notre suivi médical, notre situation financière et familiale... Les acteurs du secteur peuvent demain devenir des plateformes d’expérience où il leur sera possible d’évaluer le CX à chaque étape du parcours client et collecter des data pour des offres plus personnalisées et sans cesse plus proches de nos attentes. Au final c’est bien d’amélioration continue des expériences client dont il est question. Les banques pourraient travailler sur des algorithmes pour aider leurs clients à investir, à mieux acheter, en fonction de ce à quoi ils aspirent.

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