4 juin 2018
4 juin 2018
Temps de lecture : 6 minutes
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3 pistes pour faire de l'Europe le nouveau berceau de l'intelligence artificielle

Les cabinets Asgard et Roland Berger ont publié un rapport sur les pistes européennes pour stimuler la création et l'expansion de startups travaillant sur l'intelligence artificielle. Et combler ainsi le retard continental sur les États-Unis et la Chine.
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Fraîchement arrivée chez Roland Berger, Axelle Lemaire n'a pas chômé. L'ancienne secrétaire d'État au Numérique vient de dévoiler un rapport, rédigé avec Asgard et avec le soutien de France Digitale, intitulé Intelligence artificielle - Une stratégie pour les startups européennes. Le rapport présente plusieurs pistes pour combler le retard de l'Europe sur les États-Unis ou la Chine en matière d'IA. Mais si le rapport est dans l'ensemble critique vis-à-vis de l'attentisme européen sur le front de l'innovation, il encense discrètement la France : plusieurs des recommandations sont d'ailleurs calquées sur des mécanismes français.

Mais, en creux, le rapport illustre surtout le chemin qu'il reste à parcourir. Et la pente semble raide ! Le flou qui règne en Europe en matière de réglementation, de fiscalité ou de financement de l'innovation, combiné à la léthargie continentale - le temps parlementaire, surtout à l'échelle européenne, n'est pas celui des startups - induisent forcément des pistes qui restent dans le vague ou relèvent de bonnes intentions, qu'il appartiendra aux acteurs de l'innovation de concrétiser sur le terrain... bien loin de Bruxelles.

Un statut européen pour les startups...

Le sigle est joli mais le fond reste mouvant : le statut de Young European Startup (YES, en abrégé) doit servir, selon le rapport, à faciliter l'activité des startups européennes dans n'importe quel pays de l'Union européenne, pour aboutir à un véritable marché commun concurrent du territoire américain ou chinois. "Aucun marché national n'est suffisamment grand pour permettre aux startups européennes de croître aussi rapidement que leurs compétiteurs chinois ou américains", relève ainsi le rapport avec lucidité. Un tel statut pourrait également avoir des incidences positives sur le recrutement des jeunes pousses continentales ainsi que sur les investissements étrangers.

Plus concrètement, ce statut européen permettrait notamment à ses détenteurs d'avoir accès à des comptoirs uniques, un par État membre, où ces derniers pourraient trouver toutes les réponses à leurs (nombreuses) questions. Le rapport suggère que ces comptoirs pourraient être physiquement installés dans des incubateurs ou accélérateurs dûment sélectionnés, créant de fait un "European Tech Network". Le tout financé par le Fonds européen de développement régional. Enfin, les "plus prometteuses" des startups européennes pourraient se voir allouer un "European Tech Pass" qui leur donneraient accès "à des financements nationaux et européens dédiés, des programmes d'incubation et d'accélération portés par les membres du réseau European Tech Network, un soutien en termes de communication et de marketing ainsi que des visas pour leurs salariés étrangers".

... dont la mise en oeuvre promet d'être laborieuse

L'idée est ambitieuse. Mais sa mise en oeuvre implique divers ajustements et pas des moindres. D'une part, il faut d'abord s'accorder sur la définition même d'innovation pour pouvoir définir précisément le contour d'une entreprise innovante. Le rapport suggère de retenir celle donnée dans la directive du 26 février 2014 relative à la passation de marchés publics, soit "la mise en œuvre d’un produit, d’un service ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, y compris mais pas exclusivement des procédés de production ou de construction, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise, notamment dans le but d’aider à relever des défis sociétaux ou à soutenir la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive".

Autre obstacle, l'uniformisation des systèmes et taux de taxation des entreprises. Un véritable serpent de mer, qui n'a jamais suscité de consensus en plus de 60 ans d'existence du marché commun... Difficile de croire que l'avenir des startups européennes parviendrait à mettre tout le monde d'accord sur cette question. Les auteurs du rapport ne semblent pas eux-mêmes y croire, anticipant d'ores et déjà un échec des éventuelles négociations et proposant de s'en remettre à la procédure de coopération renforcée grâce à laquelle un minimum de neuf États peuvent appliquer certaines décisions sans que celles-ci soient adoptées par l'ensemble des États membres.

Doper l'investissement : oui, mais comment ?

Le constat est sans appel : "les startups de l'IA ont besoin d'investissements plus importants que leurs pairs travaillant dans d'autres secteurs". Une fois le décor posé, difficile pourtant de proposer autre chose que des voeux destinés à rester pieux. Pour "renforcer les perspectives de sortie" des startups européennes, les auteurs n'ont d'autre choix que d'en appeler à la Commission européenne et à "ses directives (qui) doivent être sans ambiguïté : l'acquisition de startups par des corporates, si les valorisations et le timing sont corrects, est favorable au développement d'un écosystème européen de l'innovation".

Seul cheval de bataille pour les auteurs du rapport, l'harmonisation (encore elle) des réductions d'impôts pour les corporates qui investissent dans les startups. Mais, là encore, cela implique que les 28 États se mettent d'accord, ce qui ancre le projet dans une temporalité particulièrement longue. Dernière perspective pour les institutions européennes : "créer un réseau européen informel de fonds de capital-risque, de business angels et de family offices, mené par les investisseurs-clés en Europe". Réseau informel dont on imagine aisément qu'il existe déjà, au moins dans les carnets d'adresses des décideurs... Même si "la banque européenne d'investissement pourrait les aider à développer une coopération plus étroite entre les divers acteurs du financement de l'innovation".

Prenant exemple sur bpifrance et vantant son implication dans le système public français de financement, les auteurs du rapport estiment que l'UE devrait prendre à bras le corps la question en injectant plus ou moins directement des liquidités dans les startups. Le rapport suggère que ce soit le Fonds européen d'investissement qui prenne cette mission en charge ou que soit créée une agence européenne de l'innovation sur le modèle de la DARPA, qui chapeaute les questions de défense au niveau européen.

Faciliter le recrutement dans les startups

Un autre point crucial pour les jeunes pousses sur lequel le rapport souhaite que l'Europe se mobilise. Et, là encore, les auteurs encensent le modèle français : ils préconisent ainsi de dupliquer à l'échelle européenne le cadre réglementaire des BSPCE ou de prendre exemple sur le French Tech Ticket pour créer un autre visa européen dédié aux startups et les aider ainsi à faire venir des talents étrangers.

Autre suggestion, cruciale pour le développement des startups et l'apport régulier de talents dans le vivier de candidats : un statut harmonisé "d'entrepreneur-chercheur" et "d'étudiant-entrepreneur" pour encourager la recherche, fer de lance de nombreuses jeunes entreprises innovantes dans des secteurs-clés, dont l'intelligence artificielle. Reste à savoir si ces préconisations seront suivies d'effets.

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