Les offres de financement proposées aux startups n’ont jamais été aussi diversifiées qu’aujourd’hui. Elles arrivent ainsi à lever des fonds en utilisant des moyens traditionnels de financement (autofinancement, love money, prêts bancaires), en attirant des BA ou VC ou en faisant appel au financement participatif via le crowfunding ou des ICO. Elles peuvent en outre solliciter l’aide d’organismes publics ou quasi-publics, tel que BPI France.
Financer une startup n’est cependant pas sans risque. Si chaque investisseur espère naturellement tomber sur LA pépite, il peut arriver que le projet échoue ou que la rentabilité soit absorbée par les coûts de fonctionnement.
La faillite de Giroptic illustre encore très récemment la fragilité de ces entreprises et pose plus généralement la question de la sécurisation des financements consentis aux startups. Rappelons que Giroptic avait réussi à récolter 1,4 millions d’euros en 2014 grâce à une campagne Kickstarter puis 4,5 millions de dollars en 2015 dans le cadre d’une levée de fonds.
La startup, une société à potentiel mais dépourvue d’actifs aisément valorisables
L’essentiel de la valeur d’une startup repose sur son projet, le potentiel de son développement et son/ses fondateurs qui l’incarne(nt) pleinement. Elle ne dispose ainsi généralement pas d’actifs mobiliers corporels ou de véritable fonds de commerce (au sens traditionnel du terme). Elle peut toutefois posséder d’importants actifs incorporels (logiciel, site internet, base de données, marque, nom de domaine, …) mais difficiles à valoriser et donc peu susceptibles d’être donnés en gage aux créanciers. Un créancier n’accepte en effet de recevoir un bien en garantie qu’à la condition que celui-ci possède une valeur stable et certaine, lui assurant de pouvoir être remboursé en cas de défaillance de son débiteur.
Est-il impossible de garantir un crédit consenti à une startup ?
La réponse est bien évidemment négative. En effet, et à tout le moins, le créancier pourra exiger que le remboursement de son crédit soit garanti par une sûreté donnée par un tiers, à savoir par exemple les éventuels actionnaires de la startup, son sponsor ou ses dirigeants. A noter que si ces personnes sont des personnes physiques, elles bénéficieront d’une certaine protection en cas de faillite de la startup puisque leurs sûretés ne pourront être exercées que dans certaines conditions.
Quid des sûretés données par la startup elle-même ?
1 - Le nantissement de fonds de commerce électronique
Comme indiqué précédemment, l’essentiel de la valeur de la startup repose sur ses actifs incorporels. Il pourrait ainsi être envisagé de solliciter la constitution d’un nantissement sur son fonds de commerce qui, sauf exceptions rares, sera immatériel.
Si la notion de fonds de commerce électronique est aujourd’hui reconnue (sans pour autant être consacrée par le législateur), la constitution et la mise en œuvre d’un tel nantissement pourraient toutefois s’avérer délicates.
Pour sa constitution, il conviendra en effet d’identifier précisément l’assiette de ce nantissement et de s’assurer que les éléments le constituant rentrent dans l’une des catégories de biens pouvant faire l’objet d’une telle sûreté (cf. article L. 142-2 du Code de commerce). Parmi ces éléments figurent par exemple le droit au bail et la clientèle.
Or, en soi, le fonds de commerce électronique ne dispose pas de véritable droit au bail même s’il pourrait être soutenu que le contrat d’hébergement d’un site internet peut être assimilé à un contrat de bail commercial.
S’agissant de la clientèle, une difficulté se pose pour les startups exerçant leur activité via un site de commerce électronique uniquement. Un fonds de commerce, même immatériel, suppose en effet l’existence d’une clientèle captive et attirée. Or, l’absence de contact physique entre le cyber-commerçant et l’internaute a pu faire douter de l’existence d’une relation de clientèle. Cette difficulté semble néanmoins pouvoir être levée pour l’essentiel des sites de e-commerce. Ces derniers disposent en effet de systèmes d’identification et de référencement de leurs clients permettant de justifier de l’existence d’une clientèle réelle et personnelle. De plus, les stratégies omnicanales que développent de plus en plus certaines enseignes tendent à réduire cette difficulté.
2 - Le nantissement des signes d’identification : marques et noms de domaine
La marque et le nom de domaine seraient susceptibles d’être donnés en garantie. S’agissant du nom de domaine, et à la différence ce qui est autorisé dans d’autres pays (par exemple en Allemagne), cet actif ne pourra toutefois faire l’objet d’un nantissement en tant que tel, mais pourra être l’accessoire du nantissement portant sur les droits d'exploitation de la marque de la startup.
Pour que cette sûreté ait un intérêt pour le créancier, encore faudra-t-il que la marque/le nom de domaine ait une certaine valeur. Or, la valorisation d’une marque ou d’un nom de domaine n’est pas une chose aisée, puisqu’elle dépend de multiples facteurs, tels que la notoriété du site/de la marque, le chiffre d’affaires généré par la société, le nombre de visiteurs ou encore son secteur d’activité.
3 - Le nantissement de logiciel
A noter, en outre, que si la startup dispose déjà ou a vocation à créer un logiciel, cet actif pourra également être donné en gage. Le logiciel en cours de développement ou même futur ne pourra toutefois être nanti. La loi ne l’autorise pas ; elle impose en effet que l’on puisse clairement identifier le programme du logiciel, de sorte que seul un logiciel achevé pourra être nanti. Cette règle est regrettable surtout lorsque l’on sait que les besoins de financements existent surtout au stade de la conception du logiciel, à savoir avant que le processus créatif soit arrivé à son terme.
Le nantissement de logiciel ne portera par ailleurs que sur son droit d’exploitation (et non le logiciel en lui-même), excluant les redevances générées par cette exploitation. Là encore, cette restriction est regrettable surtout lorsque le logiciel a vocation à être commercialisé et à générer des revenus.
Reste enfin à indiquer que des organismes publics ou quasi-publics accompagnent des startups dans leur développement et peuvent accepter de garantir des crédits qui leur sont consentis. Ainsi, par exemple, la BPI propose des solutions de garantie de financements relatifs à des prêts consentis lors de la création d’entreprise (garantie création pouvant couvrir jusqu’à 60% des concours bancaires) ou dans le cadre de projets innovants (garantie innovation d’un plafond d’1,5 millions d’euros).
Le projet de loi PACTE, discuté en Conseil des ministres le 2 mai dernier, s’inscrit dans cette logique d’accompagnement public des sociétés innovantes. Cette loi a en effet vocation à mettre en place différentes mesures destinées à faciliter le financement de startups en incitant par exemple les particuliers à investir dans ces sociétés (en redirigeant notamment l’épargne vers les PME) ou en assouplissant le cadre juridique de la finance participative. Une règlementation des ICO serait même à l’étude.