26 avril 2018
26 avril 2018
Temps de lecture : 6 minutes
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Nos moyens de locomotion peuvent-ils devenir écologiques, eux aussi ?

Autonomes et intelligents, les transports de demain se doivent également d’être écologiques et durables. Un enjeu majeur pour les villes, dont les habitants souffrent quotidiennement des effets de la pollution.
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L’avenir de la planète en dépend. Du développement de maladies respiratoires à une qualité de vie dégradée au quotidien, les nuisances liées à la pollution se multiplient. Alors que les modes de consommation responsable et écologique ont le vent en poupe, 27% des gaz à effet de serre émis en 2016 en Europe provenaient encore des transports, première cause de pollution devant la production d’énergie et l’industrie (23% chacun). Nous n’avons plus le choix : nos moyens de transport doivent limiter leur empreinte carbone pour préserver nos poumons.

Un enjeu de taille pour l’Europe, qui est historiquement un acteur majeur dans le domaine des transports (berceau de nombreux constructeurs automobiles, du train à grande vitesse - développé en France - mais aussi d’Airbus) et qui a fait de l’écologie l’une de ses priorités. Longtemps, le continent avait misé sur le diesel comme (seule) technologie propre. Mais il a été ébranlé à l’automne 2015 par une série de révélations sur les tricheries de certains constructeurs automobiles, Volkswagen en tête, concernant les émissions polluantes de leurs véhicules diesel.

Un coup dur qui a illustré la nécessité de diversifier les solutions pour rendre le combat pour la planète plus efficace. Déjà en développement bien avant le “dieselgate”, les solutions comme les véhicules électriques ou au gaz naturel et les biocarburants concentrent désormais tous les espoirs. “Même dans les pays de l’Union européenne où la production d’électricité émet le plus de gaz à effet de serre, les véhicules électriques s’avèrent moins polluants que les véhicules diesel”, souligne une étude de l’association Transport & Environment, spécialiste de l’écologie dans les transports. Une solution scrutée de près par les autorités, qui multiplient les réglementations favorables à la production d’énergies renouvelables et propres.

Du tout électrique au tout autonome

D’autant que l’essor des véhicules autonomes impose l’électricité comme source privilégiée d’énergie pour les transports. Les constructeurs français, Renault en tête, prennent à leur tour le virage de la voiture autonome. La marque au losange présentait en septembre 2017 son concept-car Renault Symbioz, véhicule autonome et écologique futuriste, qui intègre la quintessence des technologies électriques : deux moteurs de 500kW, soit l’équivalent de 680 chevaux. De quoi démentir le cliché des véhicules électriques aux performances moindres qui freine encore leur adoption par le grand public.

Les startups ont, elles aussi, pris à bras le corps le tournant de l’autonomie et participent activement à la recherche sur les technologies propres. A l’instar de la pépite française Navya, qui a conçu différentes gammes de véhicules 100% autonomes et électriques (taxis et navettes). “[Nos véhicules] sont plus propres, électriques et ne font pas de bruit, s’enthousiasmait l’été dernier Christophe Sapet, PDG de Navya, sur les ondes de France Info. Ils s'inscrivent dans l'invention de nouveaux systèmes de mobilité pour les citoyens du futur.” La jeune pousse a su convaincre de nombreuses villes de tester sa navette autonome et les essais de son taxi autonome devraient avoir lieu dans quelques semaines à Paris.

Pour que le public adopte massivement les véhicules électriques, ces derniers doivent être facilement accessibles. La dernière programmation pluriannuelle de l’énergie, principal outil de pilotage de la politique énergétique française, prévoit un ambitieux objectif de 2,4 millions de véhicules électriques ou hybrides rechargeables d’ici 2023.

Néanmoins, les transports écologiques se heurtent à plusieurs écueils sur le chemin de leur généralisation. En matière de transport personnel, les consommateurs rechignent encore, par exemple, à passer à l’électrique en raison du faible maillage de bornes de rechargement. Le Cadre d’action national pour le développement des carburants alternatifs a identifié le problème et souhaite que la France compte d’ici 2020 entre 21 000 et 35 000 points de recharge ouverts au public, 80 points de ravitaillement en gaz naturel comprimé et 25 points de ravitaillement en gaz naturel liquéfié ainsi que 30 stations de ravitaillement en hydrogène à fin 2025. Un voeu pieu s’il n’est pas suivi par un investissement conséquent des pouvoirs publics : puisqu’il faut compter entre 5 000 et 55 000 euros le coût de création de bornes de recharge, selon la rapidité de chargement .

Une révolution des usages

Le pari est d’autant plus risqué qu’une autre logique est à l’oeuvre dans les transports : la mobilité partagée. L’ère du “chacun dans sa voiture” est en train de s’achever avec fracas… du moins dans les grandes villes. Preuve que la révolution passe également par les usages et pas seulement par des technologies de rupture. Le secteur des transports a d’ailleurs été l’un des premiers à imposer l’économie du partage dans notre quotidien. Du covoiturage à l’autopartage, la France s’est montrée pionnière en la matière avec l’émergence de plusieurs pépites : BlaBlaCar mais aussi Drivy ou OuiCar. Les pouvoirs publics se sont, eux aussi, engouffrés dans la brèche collaborative, soutenant le déploiement de flottes partagées de voitures (Autolib’), de vélos (Vélib’ et ses déclinaisons en région), de scooters (Cityscoot) ou même de trottinettes (Knot) en libre-service.

Pour que la transition s’opère, il faut que les nouveaux modes de transport soient financièrement abordables. Or, ce n’est le cas ni pour les transports alternatifs personnels ni pour les transports en commun écologiques !

Les véhicules électriques pâtissent actuellement d’un surcoût notable à l’achat par rapport à des véhicules classiques - qui devrait néanmoins s’estomper dans les prochaines années avec la fin de la fiscalité avantageuse pour le diesel et l’industrialisation des véhicules électriques. Même constat pour les biocarburants : non seulement les gammes de véhicules qui peuvent les utiliser sont particulièrement restreintes mais il est aujourd’hui difficile de s’en procurer régulièrement. Ce type de véhicules représente, pour l’instant, un investissement de niche pour des consommateurs particulièrement mobilisés sur la question environnementale. Du côté des transports publics, un bus électrique coûte entre 640 000 et 1 million d’euros, soit le double d’un bus diesel. Un investissement conséquent que toutes les communes ou collectivités ne peuvent (ou ne veulent) se permettre.

Pour réduire la pollution, les villes françaises semblent miser sur d’autres méthodes. À Paris, la Mairie réduit ainsi la place dévolue aux voitures en créant pistes cyclables et voies de bus, tandis qu’à Grenoble, la vitesse de circulation a été ramenée à 30 kilomètres/heure dans toute l’agglomération. À Strasbourg, enfin, c’est le vélo qui est privilégié grâce à un réseau étendu de pistes cyclables.

Pourtant, c’est à l’étranger qu’il faut aller chercher les villes en pointe en matière de transports écologiques. Singapour fait ainsi figure de modèle et n’a pas lésiné sur les moyens pour limiter au maximum la présence de la voiture en ville. Péage urbain, transports publics gratuits avant 7H45 pour les désengorger à l’heure de pointe et une flotte conséquente de véhicules électriques partagés incitent les habitants à laisser leur voiture au garage… voire à s’en séparer.

C’est le prochain défi : il faut dissocier le fait d’avoir une voiture et celui de pouvoir en disposer, martelait en août 2016 Anil Das, directeur innovation de l’agence gouvernementale singapourienne JTC. Être propriétaire d’un véhicule n’a rien à voir avec un sens matériel du bien-être, c’est lié à la liberté de se déplacer.” Reste à savoir si le modèle pourrait être transposable en France… et si les Français seraient véritablement prêts à laisser tomber leur automobile bien-aimée.

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