Garder l'esprit vif, jeune et en bonne santé tout au long de la vie : telle est la promesse de la startup Open Mind Innovation. Et pour y arriver, Guillaume Victor-Thomas, son fondateur, compte sur les neurotechnologies. Cet ancien militaire connaît bien les états de stress post-traumatique : il a lui-même fait face à des situations d’un stress équivalent à la tête de sa précédente entreprise. Au plus fort de la crise, il observe que le stress influence sa concentration et sa créativité, lui donnant même l’impression de souffrir d’une pathologie qu'il compare à un début d’Alzheimer. Mais dès lors qu'il cède son entreprise, son stress disparaît instantanément.
Il n'en faut pas plus pour le convaincre de la plasticité du cerveau : "c'est un organe incroyable, dont on ne connaît pas un millième du fonctionnement ! En faisant mes recherches, j'ai découvert que les startups de neurotechnologies avaient levé près de 800 millions de dollars. J'y ai vu une opportunité sans pareil de faire découvrir et d'appliquer les découvertes de la science au grand public".
Pour cela, Guillaume Victor-Thomas s'entoure en 2015 d'un panel d'experts en sciences cognitives, électro-encéphalographie (EEG), neuro-psychiatrie, neuro-physiologie, mathématiques appliquées, big data et game-design en réalité virtuelle, avec qui il crée Open Mind Innovation. Il conçoit un programme, facturé 190 euros, qui prend la forme d'un bilan cognitif, comportemental et émotionnel et s'adresse "à toute personne que la vie expose à des challenges importants, qu’ils soient professionnels ou personnels, en situation volontaire ou imposée", comme le précise Open Mind Innovation sur son site.
Curieux, nous sommes allés directement dans le "Performance Lab" de la jeune pousse, au sous-sol de l'espace de coworking parisien dédié au bien-être Kwerk. Pour commencer, il faut répondre au questionnaire que Mickaël, le psychologue de l'équipe, nous transmet. "Répondez le plus spontanément possible. Même s'il est très subjectif, le questionnaire permet de donner une vision assez complète de la façon dont se perçoit le sujet."
Disposition au bonheur et gestion du stress
À travers une bonne centaine de questions, l'objectif est de mesurer le bien-être (émotionnel, psychologique et social), la confiance en soi, l'anxiété et la tolérance au stress mais aussi la disposition au bonheur, la réactivité émotionnelle, l'épanouissement en environnement professionnel et les attitudes en situation de stress. Les réponses seront ensuite traitées automatiquement puis analysées par Mickaël et mises en perspectives avec celles des autres utilisateurs :
"Les données sont anonymisées et confidentielles. S'il arrive que des entreprises fassent passer le bilan à leurs collaborateurs, elles ne sauront jamais quel profil leur correspond. Seul le psychologue en charge de l'entretien a accès aux données, et ce tout au long du processus."
Mickaël, psychologue pour Open Mind Innovation
Deuxième étape : l'évaluation neurophysiologique en réalité virtuelle. Bardés de capteurs (cardiaques, respiratoires), d'un masque de VR et d'un casque audio, et installés dans un fauteuil prévu à cet effet, nous nous lançons dans une séance de 45 minutes de réalité virtuelle. Au menu : exercice de cohérence cardiaque et jeux de tir visant à éprouver notre gestion du stress. Une fois passée la légère désorientation, nous nous concentrons de notre mieux pour obéir aux consignes de la voix qui nous guide. Une fois le temps écoulé et les questions répondues, Mickaël fait un rapide débriefing et nous donne rendez-vous dans quelques jours, le temps d'analyser toutes ces données.
Lorsque nous retrouvons Mickaël pour l'entretien bilan, il nous remet un PDF de 30 pages, synthétisant l'ensemble de nos réponses aux questions ainsi que les variables mesurées pendant les tests. Verdict : "il semblerait que vous soyez quelqu'un de plutôt émotionnel, qui anticipe beaucoup les situations stressantes et essaye d'y faire face en mettant en place plusieurs stratégies". Pendant une heure, il débriefe avec nous les 8 points du questionnaire, en prenant toujours soin de nous situer par rapport aux centaines de personnes passées entre les mains d'Open Mind Innovation.
Les conclusions du psychologue sont bluffantes : il a su cerner notre personnalité, souligner nos qualités comme mettre le doigt sur les défauts ou les attitudes embarrassantes que l'on aurait préféré cacher. Seule déception : l'orientation vers des applications de relaxation après un entretien d'une telle qualité laisse quelque peu pantois.
Convaincre les investisseurs dès l'early stage
À l'issue de l'entretien, Mickaël propose ensuite des pistes pour travailler sur les points d'amélioration (pour nous, les fameuses applications de méditation, ainsi qu'un livre sur la gestion des émotions). Pour ceux qui le souhaitent, Open Mind Innovation propose un suivi complémentaire, moyennant finance (à partir de 1990 euros pour 8 séances approfondies) pour traiter les points qui posent problème dans la gestion du stress au quotidien, notamment dans des environnement compétitifs. Et pour approfondir encore son expertise sur le sujet, la startup vient de nouer un partenariat avec le ministère de la Défense.
Mais la jeune pousse vise encore plus haut : apporter une réponse aux 450 millions d’humains souffrant de troubles cognitifs et de pathologies mentales. "Aujourd'hui, nos solutions utilisent beaucoup d'humain et peu de machine learning. Notre ambition est de parvenir à inverser la tendance pour devenir scalable", confie Guillaume Victor-Thomas. Et pour soutenir cette ambition, la jeune pousse vient de boucler un second tour d'1,2 million d'euros.
"Ça a été difficile de trouver des VC prêts à prendre de vrais risques. On aurait pu emprunter la voie de la facilité et se contenter de lancer une simple application mais on a choisi de faire les choses sérieusement. Du coup on est encore très early stage et on se heurte à pas mal d'appréhensions côté français"
Car Open Mind Innovation a été approchée par plusieurs investisseurs américains mais a choisi de rester dans l'Hexagone malgré les difficultés : "ce n'est pas facile, mais on a pris le parti d'éduquer le marché plutôt que de le quitter", conclut Guillaume Victor-Thomas.