La carte vitale a été le premier pilier de la dématérialisation de la santé. Celle-ci constitue désormais un standard massivement adopté par les professionnels, au même titre que les dossiers métiers : chaque professionnel a digitalisé les dossiers patients, qui leur sont accessibles depuis leur ordinateur sans être partagés. Le DMP, troisième pilier de cette santé 2.0, peine en revanche à s’imposer : la question de la sécurité de ces données sensibles freine son déploiement depuis de nombreuses années.
Néanmoins, si la dématérialisation des documents de santé est déjà amorcée, elle ne pourra se démocratiser qu’avec la mise en place de l’interopérabilité : pour être efficaces, les systèmes d’information de santé doivent pouvoir communiquer ensemble, donc utiliser un langage commun. L’interopérabilité apparaît alors comme le fondement de la santé connectée.
L’interopérabilité au service des patients
Dans un contexte où l’ensemble de la société se digitalise, la technologie doit se mettre au service d’un meilleur traitement des patients.
Aujourd’hui, jusqu’à 60 % des diagnostics délivrés sont incorrects. En cause, l’absence de vision globale de l’état de santé des patients qui aboutit à des traitements pas toujours adaptés aux pathologies. Toutefois, cela pourrait être réduit par le partage de données récoltées par chaque professionnel de santé. En effet, la capacité des machines à corréler rapidement des informations permettrait alors d’aboutir à un carnet de santé 2.0, digital et augmenté et ainsi d’interconnecter tous les dossiers métiers. Dans cette logique, l’interopérabilité est la condition sine qua non du partage de données entre professionnels pour une meilleure coordination des soins et du suivi des patients.
Une nécessité pour le secteur
Pour être mise en place, l’interopérabilité représente deux défis : sémantique, et technique.
En effet, il faut, dans un premier temps, définir les standards d’un vocabulaire commun qui caractérise les pathologies. La data récoltée doit être lisible pour le plus grand nombre. Elle doit donc être traitée, et présenter une grille de lecture commune. Ce virage est déjà amorcé, puisqu’un protocole de communication full IP se développe et devrait se substituer, d’ici 2020, aux technologies analogiques.
En parallèle, la communication doit être facilitée par des formats informatiques communs, sans quoi l’interopérabilité n’est pas envisageable. Pour communiquer, les machines doivent parler le même langage. Un protocole de communication 100 % digital doit ainsi être mis en place pour proposer des interfaces compatibles avec un ensemble d’objets et de services de l’écosystème e-santé.
Certains acteurs de la téléassistance ont déjà esquissé ce changement en développant de solutions full IP, ou en fournissant un certain nombre de services autour de la téléassistance via une interface unique. Ce principe d’interopérabilité permet ainsi de pallier la versatilité des outils connectés.
Quid de la sécurité ?
Où les données sont-elles stockées ? Qui en dispose et pour combien de temps ? Comment sont-elles détruites ? Comment s’assurer que son consentement est respecté ? Quid de la responsabilité en cas de hacking ? Si la question de la sécurité a constitué un très grand frein au DMP, elle représente également un gros chantier de l’interopérabilité.
Celui-ci passe par la mise en place de protocoles qui doivent être le fruit d’un consensus et qui doivent ensuite être respectés. La technologie a un rôle crucial à jouer dans cette problématique. En effet, la sécurisation doit être concertée : tout le monde doit avoir le même niveau de sécurité, du serveur au cloud, et des logiciels aux process.
En parallèle, il y a un véritable travail de pédagogie à effectuer pour enrayer la méfiance populaire envers la digitalisation du secteur.
Aujourd’hui, l’interopérabilité est une question fondamentale dans le milieu médical, encore davantage d’un point de vue professionnel que personnel. Dans un contexte d’avènement des objets connectés, la nécessité de standards digitaux communs est indiscutable, mais le monde de l’interopérabilité reste encore à inventer.
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Olivier Lenoir, Directeur de Zembro France