"Je pense qu'on a tous des opportunités mais la question est de savoir si vous avez l'esprit assez ouvert pour les voir et, surtout, les saisir. Vous pourriez vous dire : "mon Dieu, je n'y connais rien, je n'ai aucune légitimité, je vais me planter et décevoir les gens" mais si vous ne les saisissez pas, vous le regretterez peut-être toute votre vie", attaque dès le début de l'entretien Angélique Lenain, comme pour justifier un parcours aussi impressionnant que varié.
À 43 ans, l'entrepreneure a été tour à tour investisseure, avocate, chef d'entreprise mais également cofondatrice du fonds d'investissement Jaina Capital. Autant d'expériences, si différentes mais pourtant très complémentaires, qui lui permettent aujourd'hui de mener d'une main de maître Sensee, la pépite montante du domaine de l'optique. "Tous les endroits par lesquels je suis passée m'ont appris énormément de choses, j'ai un background très généraliste et, si je me retourne aujourd'hui, je me dis que j'ai eu une chance incroyable de faire tout ça", explique-t-elle.
Du commerce au droit...
Tous les endroits, à commencer par HEC, et son Bureau des Élèves, où elle y apprend l'organisation : "J'ai commencé par faire une école de commerce, probablement parce que j'étais jeune et que je ne savais pas trop quoi faire, je me suis dit que ça ne me fermerait pas de porte. J'y ai découvert par hasard le droit, j'ai trouvé ça génial. C'était hyper intéressant de se retrouver face à un univers à la cohérence totale. Par ailleurs, j'étais dans le BDE... On peut avoir l'impression que c'est très anecdotique mais ça apprend le sens de l'organisation, ça n'est pas neutre dans ce que je suis devenue", raconte Angélique.
Sortie d'HEC et à la suite d'un DESS de fiscalité internationale, elle entre à l'école du barreau, part vivre à Londres, avant de revenir en France et d'intégrer le cabinet White & Case, en 2000. Là, durant six ans, elle apprend la rigueur, la négociation, et l'autonomie. "C'était l'époque de la nouvelle économie, ça levait des fonds dans tous les sens et vous aviez beau avoir 25 ans, on vous mettait sur des dossiers et il fallait se débrouiller, c'était très formateur."
... à la finance
2006. Nouveau cadre, nouvelle opportunité. Angélique se voit proposer un poste chez l'un de ses plus gros clients, Eurazeo. Elle passe alors instantanément du juridique à l'investissement. "J'ai changé de casquette et j'ai pris une courbe d'apprentissage un peu extrême. C'est un bonheur de curiosité, ce type de maison, car vous regardez les potentialités d'investissement et vous devez rentrer très vite dans un secteur et comprendre comment il marche. C'est quelque chose qui est à la fois très exigeant et très satisfaisant."
Une nouvelle corde à son arc qui lui permettra de rencontrer quatre ans plus tard Marc Simoncini, fondateur de Meetic, qui lui propose de cofonder Jaina Capital. "Au bout de 45 minutes de discussion j'ai décidé de poser ma démission pour venir travailler avec lui. Je crois que c'est l'une des meilleures décisions de ma vie, si çe n'est pas la meilleure", explique Angélique Lenain, avant de préciser que "Marc est quelqu'un avec qui il est très agréable de travailler, on a une grande complémentarité". Tous deux s'allient ainsi avec Charles-Henry Tranie et Emmanuel Prevost pour lancer Jaina Capital en 2010. Leur objectif : investir une centaine de millions d'euros dans des entreprises innovantes. "On était tous très complémentaires, avec des compétences en investissement, en juridique, en technique, en communication... On voulait vraiment apporter de la valeur aux entrepreneurs, au delà du financement", raconte Angélique Lenain.
"Les bonnes personnes au bon moment"
Une complémentarité si forte que Marc Simoncini et Angélique Lenain décident, la même année, de se lancer dans l'aventure Sensee. Un défi, dans un marché qui manquait cruellement de challengers... Et qui leur permet désormais de compter quatre boutiques et deux corners et surtout la réussite d'un projet 100% Made in France. Une expérience qu'Angélique, directrice générale de la startup, suit à temps plein, tandis qu'elle avoue avoir un peu "levé le pied" chez Jaina Capital : "j'y travaille en "temps complémentaire" où je termine d'accompagner les startups sur lesquelles je travaillais depuis le départ", précise-t-elle.
Et si elle est aujourd'hui consciente d'avoir rencontré les bonnes personnes au bon moment, qui lui ont permis de gravir les échelons pas à pas, elle insiste cependant sur le fait que ces opportunités ne sont pas liées au hasard : "je n'ai jamais eu de plan de carrière mais, en même temps, je suis une vraie travailleuse. Quand j'ai commencé à refaire de la finance, par exemple, j'ai des souvenirs de dimanches soirs passés au bureau, à minuit, à me tirer les cheveux devant un fichier très complexe, alors que j'avais trois enfants à la maison. Mais je ne lâchais pas. J'ai bossé pour en arriver là".
Et le reste du temps ? "J'ai des projets plus classiques : m'occuper de mes enfants, voyager, aller voir des expos, lire... et si je veux faire un peu de sport, je me demande déjà comment trouver du temps pour dormir", s'amuse-t-elle. Avant de préciser : "Ce que je sais aujourd'hui, c'est que je suis très heureuse dans ce que je fais. J'ai un énorme plaisir à apprendre et à découvrir de nouvelles choses. Ça maintient en forme, ça maintient en vie. J'aime ça fondamentalement".