Il y a un an et demi, j’annonçais que nous n’avions plus d’argent. Aujourd'hui, MoiChef a trouvé son marché, est en croissance et sera à l’équilibre d’ici la fin de l’année. Dans cet article, j’explique comment nous sommes passés d’un extrême à l’autre et ma vision pour cette année 2018.
Croissance. MoiChef. C’est bon de pouvoir écrire ces mots côte à côte. Personne ne s’emballe, MoiChef n’est pas encore à l’équilibre. Nous dépensons toujours plus d’argent que nous en gagnons, mais nous sommes en croissance, et avec un modèle économique sain. Un bon début.
L’histoire de MoiChef est semée d’embûches. Rien d’original. Notre particularité, c’est que nous avons décidé de les partager avec tout le monde. Aujourd’hui je vais vous raconter comment nous sommes passés en quelques mois de “quasi-faillite” à “Startup en croissance”.
Le contexte
Une startup food est difficilement rentable. Prenez Take Eat Easy par exemple. Ils livraient des plats de restaurants à domicile, ils ont déposé le bilan en 2016. Leur CAC (Customer Acquisition Cost ou Coût d’acquisition Client—Combien je dépense en marketing et communication pour obtenir un client) était beaucoup plus élevé que leur CLV (Customer Lifetime Value - Combien rapporte un client en tout). Conclusion : ils dépensaient plus d’argent pour aller chercher des clients qu’ils en gagnaient au global. La seule solution est donc de lever des fonds, sans cesse, dans l’espoir, un jour peut-être, de devenir rentable.
La technique pour convaincre les investisseurs consiste à dire : “Une fois qu’on dominera le marché, on pourra faire des économies d’échelle.” Ou autrement dit : “Quand je serai gros, je pourrai optimiser tous mes processus, mes achats et ainsi baisser mes coûts pour devenir rentable”. On parle de la stratégie du “winner takes all” : il faut aller très vite pour dominer le marché et empêcher les autres acteurs de prendre la place.
Malheureusement, si on regarde un des plus gros acteurs food du monde, c’est loin d’être aussi simple. Blue Apron (le “winner” aux USA) vaut environ 2 millards de dollars. Malgré leur taille, ils ne sont toujours pas rentables et investissent encore aujourd’hui à perte dans leur acquisition client. Une stratégie qui leur réussit pour l’instant, mais pour encore combien d’années ?
Le deuxième problème que rencontrent certains acteurs, c’est que leurs clients ne sont pas “fidèles”. Vous avez beau dépenser une fortune en publicité pour qu’un client vienne commander sur votre site, rien ne l’empêche d’aller chez un concurrent le lendemain. D’ailleurs, qui n’a jamais enchaîné les codes de parrainage pour se faire livrer un repas à domicile pour 3 fois rien ?
Nous avons frôlé le dépôt de bilan
En mai 2016, je publiais cet article : Notre startup MoiChef n’a plus d’argent. Quel impact sur l’avenir? Les explications.
Si nous ne sommes pas passés loin de la faillite, c’est qu’à l’époque nous proposions une Box pour cuisiner le plat d’un très grand chef chez soi qui contenait tous les ingrédients, y compris les produits frais : crème fraiche, salade, poisson…
Non seulement notre CAC (Coût d’Acquisition Client) était élevé(difficile de convaincre quelqu’un d’acheter une Box à cuisiner qui a une DLC de … 2 jours ! VITE, CUISINE) mais en plus, la gestion des produits frais était très, très coûteuse. Produire nos Box dans des chambres froides et surtout les transporter dans des camions réfrigérés partout en France, ça coûte cher. Difficile de répercuter ces coûts sur le prix de la Box car les frais logistiques ne rentrent pas en conmpte dans l’acte d’achat :
“ Hmmm, c’est vrai que ca doit leur coûter cher le transport… OK, je paye 15€ de plus ! ” - Aucun Client
2017 : Pivot, fusion, croissance
1—Le pivot
Le début de l’année 2017 a démarré avec un gros électrochoc que je raconte en détail dans cet article : PDG au RSA, le meilleur job de ma vie.
C’est ce déclic qui nous a permis de réaliser le plus gros pivot de l’histoire de MoiChef (changement majeur dans le fonctionnement de l’entreprise). Nous avons décidé d’arrêter de livrer les produits frais. Fini les heures passées en chambre froide pour préparer les commandes, fini les frais de transport exorbitants pour nous et nos clients.
Cette nouvelle Box a été bien accueillie par nos clients, les nouveaux abonnements quotidiens en attestent. Elle nous permet d’aborder l’avenir sereinement, d’un point de vue financier bien sûr, mais également en terme de croissance.
Ce sont les Chefs qui sélectionnent les produits d’exception qui sont dans la Box et qui nous mettent en contact avec leurs producteurs. Une fois que nous leur avons acheté les produits, une entreprise se charge de les mettre dans les Box et de les expédier. C’est leur métier, il le font bien mieux que nous et sont capables d’accompagner notre croissance.
Si vous pensez que ce pivot était une évidence, je suis d’accord avec vous. Néanmoins, sachez également que c’est très compliqué de changer de modèle du jour au lendemain : Que vont en penser nos clients ? Nos investisseurs ? Nos partenaires ? Nos amis ?
Pourquoi compliqué ? Parce que ca fait peur, tout simplement. Aujourd’hui encore, je pense que cette période a été la plus grosse épreuve que j’ai traversée en tant que fondateur de MoiChef.
2—La fusion
Deuxième évènement marquant de l’année 2017 : notre fusion avec OpnKitchen. Ils étaient nos plus gros concurrents avec une proposition de valeur très MoiChef : “Rendre accessible le savoir faire des grands Chefs”.
(Découvrez les coulisses de cette fusion ici)
Leur réponse, différente de la nôtre, était tout aussi passionnante : proposer un cours de cuisine privé en immersion dans les cuisines d’un grand Chef, pendant un vrai service. Je répète : “un cours privé, avec le Chefpendant un vrai service” oui oui.
Mêmes clients, mêmes partenaires, même vision ?
Bien au delà d’un projet génial, nous avons surtout la chance d’avoir désormais dans notre équipe Marc, Marine et Alexandre. Trois personnes expérimentées et avec des compétences parfaitement complémentaires aux nôtres.
Cette nouvelle équipe expérimentée (33 ans de moyenne d’âge) nous permet de faire évoluer notre offre aussi rapidement qu’efficacement. C’est plus facile pour moi de penser au MoiChef de demain quand je ne suis pas en train de faire du SAV ou de préparer des Box.
3—La croissance
Reprenons ce beau graphique :
Il nous apprend deux choses :
1- Nous sommes encore loin de l’équilibre. Avec un peu plus de 550 abonnés, pas possible de payer 10 personnes (et vu le niveau de l’équipe, elles méritent un beau salaire).
2- Nous avons trouvé notre Product / Market Fit : De plus en plus de clients sont convaincus par notre offre. ENFIN. Je savais que ca serait long bien évidemment, mais pas à ce point.
“ Chaque euro investi en acquisition nous rapporte 5 fois plus ”
Une croissance auto-financée
Ce que ce graphique ne dit pas, c’est le coût de cette croissance. Take Eat Easy pouvait montrer la même courbe (“Hockey Stick Curve”), avec pas mal de zéro en plus. Mais à coup de millions d’euros dépensés en marketing, tout est possible.
Dans le cas de MoiChef, c’est beaucoup plus simple : nous n’avons pas le budget marketing de ces grosses startups. Notre croissance est donc principalement organique, elle vient en bonne partie de personnes qui ont entendu parler de nous dans la presse, sur des blogs ou sur notre page facebook.
“Bien sûr, une levée de fonds nous permettrait d’accélérer beaucoup plus fort, sans avoir à manger des pâtes tous les soirs”
Le chiffre le plus important est le ratio entre notre CAC (Coût d’Acquisition Client) et ce que rapporte un client à MoiChef sur la durée (CLV). Un client heureux est un client qui reste abonné. Dans le cas de MoiChef, ce ratio est très, très bon : x5. Traduction : chaque euro investi en acquisition (Publicités Facebook principalement) nous rapporte 5 fois plus.
La levée de fonds
Aujourd’hui, nous avons le choix.
1- Continuer tranquillement notre croissance, tout en améliorant notre offre pour que nos clients restent abonnés le plus longtemps possible. Nous savons faire. Toute l’équipe devra néanmoins continuer à se serrer la ceinture, au moins pendant quelque mois.
À ce rythme, nous aurons atteint l’équilibre avant la fin de l’année. Je ne suis pas super excité à l’idée de comprimer le budget MoiChef car personnellement je ne me verse toujours pas un centime. Néanmoins, les perspectives de développement de MoiChef sont suffisants pour continuer à se lever avec le sourire tous les matins.
2- Lever des fonds afin de financer notre acquisition : mettre plein de fois 1€ pour gagner plein de fois 5€ (pas mal ce plan) et pour offrir une rémunération plus convenable à l’équipe.
Le choix n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. Bien sûr, une levée de fonds nous permettrait d’accélérer beaucoup plus fort, sans avoir à manger des pâtes tous les soirs. Néanmoins, lever de l’argent c’est aussi beaucoup, beaucoup de temps. Préparer la levée, rencontrer les différents interlocuteurs, faire des présentations, les refaire, etc. Ouvrir son capital, c’est également donner une partie de MoiChef à un acteur externe. Nous voulons être certains que ce nouvel actionnaire, comme les précédents, partage notre vision et notre goût pour la gastronomie.
2018, l’année où MoiChef deviendra un acteur incontournable
Initialement, j’avais prévu de terminer cet article par un paragraphe disant que “J’hésiiiite, je sais paaaas si je veux lever des fond…” mais en fait, je sais.
Je vais lever des fonds.
Après 3 années aussi géniales que difficiles, MoiChef est enfin dans une position confortable qui nous permet d’aborder sereinement l’avenir. C’est l’occasion pour nous de lancer des gros projets de développement et je veux me donner les moyen d’exécuter ma vision dans les meilleures conditions et le plus vite possible :
- Déployer notre offre retail à l’international. Nous sommes déjà présents au “Printemps du Goût” rue Haussmann.
- Élargir notre gamme avec une offre plus premium et également un accès direct aux produits sélectionnés par les Chefs.
- Répondre aux nombreux Chefs qui souhaitent avoir leur propre Box MoiChef. Notre calendrier Chefs est plein jusqu’à 2019… que proposer aux plus pressés ?
- Les immersions dans les restaurants se remplissent toutes seules. Comment proposer les cours partout dans le monde ?
Nos investisseurs historiques se sont déjà engagés à nous suivre, ainsi qu’une grande (et belle) entreprise française. Le reste n’est qu’une affaire de belles rencontres et de visions communes.
Je laisse le soin à Guy Savoy de conclure cet article :