L'AssurTech a le vent en poupe. Si le secteur a brillé en 2017, enregistrant un bond des investissements et faisant émerger plusieurs pépites françaises, il devrait à nouveau connaître des transformations profondes en 2018. Carole Fillatre et Audric Girard du cabinet de conseil Aurexia font le point sur les changements à venir.
Début 2017, nous partagions nos convictions sur les tendances à venir ainsi que les sujets majeurs à suivre dans le secteur de l'assurance. Avant de vous faire part de notre vision sur 2018, revenons rapidement sur nos prévisions 2017 :
Émergence des Assurtechs. Si aux prémices du phénomène Assurtech les assureurs préféraient collaborer avec ces startups, 2017 aura été l’année de l’investissement des acteurs traditionnels dans ces structures légères et innovantes. Pour preuve, cette année, les financements ont atteint 2,29 milliards de dollars au niveau mondial, confirmant ainsi l’intérêt qu’elles suscitent. Un bel exemple Français : +Simple.fr, lauréate des Assurtechs Awards Aurexia 2017, vient de lever 10 millions d’euros pour accélérer son développement et notamment développer une offre numérique spécifique responsabilité civile professionnelle pour les coursiers à vélo.
Digitalisation des acteurs traditionnels. Il est incontestable qu'en 2017, la digitalisation a été au cœur de la réflexion des assureurs même si leur organisation et leur structuration reste un frein au full digital. Ainsi, Allianz propose un parcours de souscription de son assurance emprunteur 100% en ligne, avec système d’acceptation médicale en temps réel via un questionnaire dynamique.
Évolution des assurances à l’usage. En prenant l’exemple de l’auto, l’assurance à l’usage promettait à ses débuts un impact positif sur les comportements. 2017 l’a confirmé, comme le prouve la compagnie Canadienne Desjardins avec sa solution Ajusto (logiciel smartphone) permettant à l’assureur de déduire le niveau de risque de l’assuré et d’ajuster la prime en fonction de sa conduite. Suite à un sondage de l’assureur auprès de ses assurés, 75% considèrent que cette solution agit positivement sur leur comportement routier.
RPA et blockchain. La robotisation des process a fait partie des projets phares des assureurs en 2017, à en juger nos différentes missions réalisées au sein de structures de premier plan. Sur la blockchain, cette technologie qui semblait très théorique a pu être mise en pratique : un test grandeur nature proof of concept rassemblant 14 assureurs a été réalisé sur les résiliations loi Hamon pendant 4 mois autour d’une plateforme d’échanges de données sécurisées.
L’année 2017 confirme encore une fois l’exception du marché de l’assurance qui est en hausse, aussi bien sur les tarifs que sur la collecte. Le virage de la transformation digitale se poursuit au sein du secteur. Les assureurs sont en quête continue de différenciation dans la relation client et l’innovation est un bon moyen d’y répondre. Au-delà du bouleversement structurel du secteur, l’année 2018 comportera son lot de surprises, de partenariats et d’innovations qui devraient encore rendre plus attrayant ce marché en pleine révolution. Aurexia vous propose une liste des tendances à suivre sur cette année à venir.
De l’assureur unique à la plateforme d’agrégation d’assurance ?
Contrairement à la banque où le besoin de centralisation s’est fait ressentir il y a quelques temps déjà, ce dernier n’apparaissait pas comme essentiel dans l’assurance : les relations se limitaient principalement au règlement d’une prime annuelle ou de la gestion d’un sinistre. L’émergence des solutions innovantes de relation client, de services ou d’expertises spécifiques portées par les startups, comme Fluo qui permet aux assurés de mieux comprendre leurs couvertures d’assurances, sont en train de challenger le modèle de l’interlocuteur unique.
Parallèlement, les nouveaux besoins assurantiels comme le co-voiturage ou les assurances à la demande pour un temps limité viennent encourager la multiplication des contrats détenus et la mobilité entre les offres. Les clients souhaitant une expérience client sans couture et optimisée se tourneront plus facilement vers des plateformes de services et produits agrégés via une interface unique.
Si des assureurs comme BNP Paribas Cardif en font le constat, aucune réponse concrète n’est apportée à ce jour. Les assureurs verront-ils ce courtage « digital » comme un canal de distribution supplémentaire ou comme une opportunité de profiter de leur image de marque pour créer une plateforme unique proposant une expérience sur-mesure sans précédent à leurs clients et conserver ainsi la relation privilégiée ? Après la banque, c’est donc au tour de l’assurance de proposer des solutions permettant d’offrir une vision globale et synthétique au client sur l’ensemble de ses contrats d’assurance. En centralisant l’information, de nouveaux acteurs vont pouvoir se positionner en tant que point de contact privilégié de l’assuré, amenant une menace supplémentaire de perte de la relation client pour les acteurs traditionnels.
La cybersécurité et le RGPD comme opportunités business pour les assureurs ?
Le sujet est brûlant : d’un côté, l’impact financier d’une cyberattaque au niveau mondial estimé par Lloyd’s à 46 milliards d’euros, de l’autre, l’obligation pour toutes les entreprises de protéger les données personnelles à partir du 25 mai prochain avec le RGPD, laissent entrevoir de nouvelles problématiques en assurance. L’hyperconnexion, notamment avec l’émergence des objets connectés (près de 20 milliards de systèmes connectés à horizon 2020), est une porte ouverte aux cyberattaques comme Wannacry qui a affecté plus de 300 000 ordinateurs dans plus de 150 pays en bloquant les données contenues dans l’ordinateur contre le paiement d’une somme d’argent.
La cyber assurance sera une des opportunités stratégiques pour 2018. Depuis 2016 et le virus Petya qui a couté plus d’un milliard aux entreprises, les offres d’assurance modulables à la taille des entreprises se sont structurées et fleurissent, sur la prévention (solution AIG), l’assurance dommage et la responsabilité civile perte d’exploitation. Au détour d’une obligation de protection des données, les assureurs devraient donc se positionner pour élargir leurs gammes d’offre et ainsi répondre aux attentes croissantes de leurs clients sur un actif sensible que sont les datas.
Le numérique comme réponse aux évolutions règlementaires et business
Pour 2018, le contexte de taux bas devrait pousser les épargnants à privilégier les fonds en unités de comptes plutôt que les contrats d’assurance vie en Euro. Sur les marchés collectifs et après l'Accord National Interprofessionnel qui a déclenché une lutte féroce sur les marchés collectifs, une stabilisation est à prévoir au même titre que le marché des dommages après la loi Hamon. Le marché de la prévoyance ayant échappé à un report sur l’âge de départ à la retraite devrait rester dynamique. Quant aux impacts réglementaires, comme l’application de la Directive de Distribution d'Assurance, les acteurs du secteur profiteront certainement de ces nouvelles règlementations pour revoir leurs parcours client en bénéficiant des leviers offerts par le digital. Ainsi, les robot-advisers se développent, y compris chez les acteurs historiques, comme le groupe BPCE. L’intelligence artificielle permet également de répondre à la granularité de plus en plus fine du conseil à apporter en assurance ainsi qu’aux informations toujours plus nombreuses à fournir au client en phase pré-contractuelle. Plusieurs acteurs comme Yseop travaillent d’ailleurs sur des technologies de NLG (Natural Language Generation) pour faciliter la préparation d’entretien pour les conseillers.
De plus, les besoins en assurance s’affinent et, à cela, s’ajoute une volonté pour les clients d’accéder facilement à l’ensemble du parcours en selfcare, que ce soit en avant-vente ou en post-souscription. Les acteurs de l’assurance ont bien compris cette nécessité de spécialiser leur réponse en industrialisant les processus. C’est ce que propose d’ailleurs BNP Paribas Cardif en digitalisant la souscription de l’assurance emprunteur pour faciliter la vie de ses clients.
E-santé et télémédecine comme stratégie de différenciation pour les assureurs
Tout le monde le sait, la désertification médicale est un sujet sensible, et la télémédecine, un marché à conquérir.Pour preuve, le marché à horizon 2022 est estimé à 400 milliards de dollars. Les assureurs ont commencé à s’y intéresser dès 2015 avec Axa et le lancement d’un service de téléconsultation médicale qui avait déclenché des polémiques et des craintes notamment du Conseil national de l'Ordre des médecins. Des freins subsistent pour ouvrir les portes d’un marché à fort potentiel : d’un côté, les négociations en cours entre les syndicats de médecins et l’assurance maladie pour inscrire la télémédecine comme acte remboursé par la sécurité sociale ; de l’autre, l’épineuse question de l’utilisation des données de santé. Cela n’empêche pas les assureurs d’avancer sur le sujet des télécabines : la LMDE et la Smerep se sont ainsi associées à la société française H4D, à l’origine de la télécabine médicale Consult Station qui permet des consultations de médecine générale. Pour les assureurs, la E-santé serait un relais de croissance face au marché de la santé atone et un axe fort de différenciation et de fidélisation face à la concurrence féroce sur les collectives. Pour preuve, Malakoff Médéric a lancé un fond à hauteur de 150 millions d'euros pour notamment booster le développement des Healthtechs.
Ainsi, en 2018, l’ensemble du secteur a tout intérêt à continuer à se transformer et à capitaliser sur des solutions, des services et des innovations différenciantes (services complémentaires, technologies issues d’autres marchés, agrégation…) sur des segments porteurs voir des marchés autres que l’assurance pour rester dans le match.